avril 2015 (9)

jeudi 30 avril 2015

Mix-It, Cloud, vie privée et surveillance de masse

J’étais à Lyon il y a quelques jours, dans le cadre de la conférence Mix-It pour une Keynote au sujet du Cloud et de la vie privée.

Mix-It_2015.png

En 2015, avec le Cloud (façon élégante de dire “ordinateur de quelqu’un d’autre), nous ne maitrisons plus rien : nos données sont dans des silos dont le business model consiste à tout savoir sur nous. On sait depuis les révélations Snowden que les agences de renseignement se frottent les mains de cette situation, et la récente loi Renseignement démontre que c’est aussi le cas en France.

La vidéo est visible en ligne. Elle dure 25mn.

Pour compléter, la présentation (format PDF, 1Mo) est aussi disponible au téléchargement, et la version audio (fichier MP3, 26Mo) aussi.

mercredi 29 avril 2015

Manifestation contre la loi renseignement

D’abord, le plus important, puisque le vote solennel de la loi Renseignement, celle qui permet l’installation de boites noires permettant de la surveillence de masse d’Internet, aura lieu mardi 5 mai. La veille, le 4 mai, il y a une manifestation :

Non à la loi renseignement

Rendez-vous lundi à 18h30 Esplanade des Invalides (sortie métro Invalides) - Fichier PDF.

Simultanément (ou presque) Médiapart organise 6 heures contre la surveillance, où j’ai été convié.

Par ailleurs, et pour faire bonne mesure, quelques liens en vrac sur la surveillance de masse et la loi Renseignement (mais pas que) :

Lors d’une collecte de renseignement, si un agent des services spécialisés de renseignement découvre un crime ou un délit, même en cours de préparation, il doit en aviser le procureur de la République et lui transmettre « tous les renseignements, procès-verbaux et actes ».

Quand nous avions ouvert cette filiale (aux USA), 40% à 50% de nos clients nous disait : «vous êtes bien gentils, mais aux Etats-Unis il y a PRISM, le programme de surveillance de la NSA, et je préfère laisser mes données en France car c’est un pays qui respecte les libertés». En somme, la filiale américaine était boudée. Désormais, j’ai plus intérêt à leur proposer d’héberger leurs données au Luxembourg.

Ah, et puisqu’il ne faut pas oublier que l’important dans l’Internet, c’est l’humain qui est derrière et, parfois, l’humain qui le fait, Thank you, Mihai. Mihai Șucan était un contributeur et employé exemplaire de Mozilla. Il est décédé des suites d’une longue maladie. Si vous avez le coeur bien accroché et lisez l’anglais : Touched.

samedi 18 avril 2015

Que penser du sondage liberté contre sécurité ?

Un nouveau sondage i-Télé / Le Parisien sur la loi Renseignement vient de sortir. En voici le résumé :

Les Français sont favorables à la loi Renseignement parce qu’ils sont convaincus qu’elle sera utile, même si elle risque de les priver de certaines libertés et de menacer leur propre vie privée

  • Pensez-vous que la Loi Renseignement est utile ?
    • Oui : 69 %
    • Non : 30 %
    • Ne sait pas : 1 %
  • Pensez-vous qu’elle remet en question certaines libertés et le respect de la vie privée ?
    • Oui : 68 %
    • Non : 30 %
    • Ne sait pas : 2 %
  • craignez-vous que la loi Renseignement porte atteinte à votre vie privée ?
    • Oui : 45 %
    • Non : 54 %
    • Ne sait pas : 1 %
  • Faites-vous confiance dans le gouvernement pour protéger la vie privée et les libertés des individus ?
    • Oui : 34 %
    • Non : 65 %
    • Ne sait pas : 1 %

Une loi liberticide par un gouvernement en qui on n’a pas confiance

On voit une certain lucidité dans le fait que le gouvernement ne protège ni la vie privée ni les libertés des individus. Deux tiers des Français n’ont pas confiance.

On constate aussi qu’il est clair que la loi remet en question certaines libertés et le respect de la vie privée : plus de deux tiers des Français le pensent.

De l’utilité de la loi

Enfin, les Français pensent que la loi Renseignement est utile. Ce point-là est plus complexe.

Oui, il faut lutter contre le terrorisme

Il n’y a aucun doute, il faut lutter contre le terrorisme. Le terrorisme c’est moins de 30 morts en 5 ans[1], mais il frappe les esprits comme étant quelque chose qui remet en cause notre mode de vie. Il faut lutter contre le terrorisme, il n’y a pas débat. Il reste à savoir comment. Les terroristes combattent notre façon de vivre, notre liberté. Mais céder nos libertés, c’est finalement leur donner ce qu’ils veulent. Gardons cela à l’esprit.

Oui, il faut permettre aux services de renseignement de travailler dans un cadre légal

Pour qu’ils soient efficaces, les agents de renseignement doivent avoir les mains libres pour travailler et la conscience tranquille. C’est une bonne chose qu’on leur donne les moyens légaux de bien faire leur travail : c’est une des conditions de leur efficacité. Il faudra aussi leur donner des ressources humaines et matérielles. Il y a un arbitrage à faire. Quand on voit que la NSA a dépensé 10 milliards de dollars pour espionner les communications du monde entier pour quasiment aucun résultat, on se dit que cet argent aurait pu être utilisé à meilleur escient. Dans l’éducation et la prévention, par exemple.

MAIS les boites noires sont inacceptables

La surveillance de masse, que le projet de loi commence à mettre en place, est toxique pour la démocratie. Voici une prison panoptique : les cellules, en cercle, contiennent des prisonniers. Le gardien, au centre, caché dans sa tour, peut surveiller tout le monde d’un coup d’oeil. Mieux, il peut s’absenter, et les prisonniers, se croyant observés, continueront à se comporter comme le gardien le souhaite.

Prison modèle à Cuba, sur le principe du panoptique

Prison modèle à Cuba, sur le principe du panoptique. Source : Wikipedia

Le philosophe Michel Foucault l’explique dans son livre Surveiller et punir. Gilles Deleuze résume sa pensée ainsi :

La formule abstraite du Panoptisme n’est plus « voir sans être vu », mais « imposer une conduite quelconque à une multiplicité humaine quelconque. »

La surveillance de masse, dont les boites noires de la loi Renseignement, sont mauvaises pour nos libertés et notre démocratie car elles imposent un comportement « normal », sans créativité, auto-censuré.

Pour plus d’explications, se reporter au chapitre 7 de mon livre sur la surveillance.

Troquer sa liberté contre de la sécurité est un pacte avec le diable

Souvenons-nous du dicton, parfois attribué à Benjamin Franklin :

Celui qui sacrifie sa liberté pour un peu de sécurité n’aura ni l’un ni l’autre.

C’est très juste : en donnant au gouvernement la possibilité de nous surveiller et de limiter nos comportements, nous renforçons la capacité du pouvoir en place à s’y maintenir. La loi renseignement peut être utilisée pour 7 motifs différents dont un est le terrorisme. Les 6 autres domaines sont extrêmement larges et peuvent concerner quantités d’activités citoyennes. Souvenons-nous que toute évolution de la société a été faite par des gens qui étaient à un moment ou à un autre hors la loi parce que leurs idées, trop novatrices, dérangeaient alors qu’elle sont acceptées aujourd’hui.

Le début de la surveillance de masse, que l’on a voté cette semaine à l’Assemblée, c’est le début d’un état policier, et l’on passe progressivement d’une démocratie où les citoyens votent pour leurs représentants à un modèle où qui oppose les gouvernés aux gouvernants.

C’est une pente glissante : il faut se souvenir des leçons de l’histoire et voir comment un gouvernement qui a un pouvoir grandissant sur les citoyens peut se transformer en quelques décennies en dictature, de droite comme de gauche.

Et surtout, les boites noires sont inefficaces.

C’est peut-être le problème de fond de ce débat. On peut discuter de l’intérêt d’échanger de la liberté contre de la sécurité. Mais la vérité c’est que les boites noires, si liberticides, ne nous donneront aucune sécurité. En effet, les techniques de chiffrement permettent à ceux qui le veulent de passer inaperçus sur Internet. Tor, OTR, VPN, GPG sont accessibles facilement. Les terroristes de janvier 2015 avaient bien intégré les méthodes pour ne pas être sur écoute (utiliser les mobiles des proches, multiplier les cartes SIM). Il en sera de même avec Internet.

On se retrouve donc dans la situation ubuesque où les honnêtes citoyens subiront la surveillance alors que les terroristes ne seront pas inquiétés.

Conclusion

Plus que jamais, il faut combattre la mise en place des boites noires dans la loi Renseignement. C’est la principale mesure liberticide. Pour cela :

De façon générale, il faut parler de cela autour de vous. Il faut aider les Français à sortir de leur apathie et à mieux comprendre comment sacrifier sa liberté pour avoir plus de sécurité ne revient en fait qu’à sacrifier sa liberté, sans rien gagner en échange.

Faute de quoi, on pourrait bien avoir dans le futur, cette redoutable question :

Dis, grand-père, tu faisais quoi la nuit où ils ont décidé de faire des boites noires ?

Note

[1] Sur la même période, le tabac c’est 365 000, l’alcool environ 245 000 et le suicide 53 000.

vendredi 17 avril 2015

Loi renseignement : les boites noires adoptées par le parlement

Voilà, l’info est tombée mercredi soir, 15 avril 2015, date qui restera dans les mémoires : Les députés approuvent le système de surveillance du trafic sur Internet.

Trente présents dans l’hémicycle. Sur 577. Soit 5,2% de présents. Les institutions fonctionnant encore un peu, on a les noms. Sur les 30 présents, 25 ont voté pour les boites noires, 5 ont voté contre.

Voici les 5 députés ayant voté CONTRE les boites noires : Laure de La Raudière, Lionel Tardy, Isabelle Attard, Sergio Coronado, Jean-Jacques Candelier. Qu’ils soient ici remerciés du fond du coeur d’avoir eu le courage de défendre nos libertés dans un débat difficile (voir plus bas).

Rappelons le, cette loi est fondamentale : l’excellent Laurent Chemla se charge de nous le rappeler, avec une Lettre à ceux qui s’en foutent. La lecture est recommandée.

Qu’en est-il des hébergeurs ?

Face à la pression des hébergeurs qui menaçaient de quitter le territoire, plusieurs ministres les ont reçus pour discuter des modalités des boites noires, ces équipements qui doivent “détecter les mouvements suspects” sur Internet. Cela a donné lieu à l’amendement 437 que d’aucuns trouvent très creux.

Je n’étais pas invité aux réunions entre les ministres et les hébergeurs, mais j’en ai eu quelques échos par les personnes présentes.

  • Les boites noires sont toujours là, mais plus pratiques à gérer pour les hébergeurs.
  • Les hébergeurs ont eu l’assurance qu’ils pourront s’assurer techniquement que seules les méta-données sont visibles par les boites noires (mais on sait que ça reste un problème majeur, car il est facile de recouper les méta-données).

L’amendement discuté avec les hébergeurs est bien entendu fait pour calmer le jeu. J’ai des doutes sur son efficacité, vu les dernières annonces :

Faut-il boire pour oublier ?

Alors, faut-il aller picoler pour oublier ? Non. Tout n’est pas perdu !

Le texte doit encore passer par le Sénat, malgré le fait que le gouvernement ait eu recours à une procédure accélérée. Les sénateurs peuvent encore amender le texte.

Il y a aussi la possibilité pour un député de saisir le Conseil Constitutionnel. Bonne nouvelle, François Fillon a annoncé qu’il le saisira ! Quelques questions demeurent :

  • Aura-t-il suffisamment de signatures de députés pour cela ? (il en faut 60).
  • S’il est contre le projet de loi et en particulier les boites noires, pourquoi n’était-il pas dans l’hémicycle à voter contre ?

A propos d’incohérence, parmi les députés ayant voté POUR les boites noires, on remarque Eric Alauzet, qui s’était pourtant fendu d’un article très argumenté CONTRE les boites noires. En voici un extrait :

ce big data suscite des questions relatives au respect de la vie privée et plus encore au respect de la démocratie. Souhaiter tout connaître, tout prévoir, afin de mieux contrôler, c’est prendre le risque de réduire notre espace de liberté, espace de liberté sans lequel la démocratie ne peut exister.

C’est très bien dit. Depuis ce vote malheureux, je suis très inquiet. Eric Alauzet a-t-il perdu la tête juste avant le vote ? A-t-il été menacé ? Tout est possible quand on sait que son compte Twitter est sans activité depuis le 9 avril. Va-t-on le retrouver enchainé à un radiateur dans les locaux de la DGSI ? Tout est possible…

Par ailleurs, on sait bien que la plupart des députés ne comprennent rien à la technologie. Seuls les 5 qui comprennent ont voté contre les boites noires. Aussi, ça donne lieu à un magnifique chapelet d’inepties à l’assemblée nationale lors des débats. Par exemple, une phrase de Bernard Cazeneuve :

Si vous voyez un seul article qui remet en cause la liberté publique, dites-le moi. En revanche, il y a des articles qui remettent en cause la vie privée.

Voilà, c’est dit, ça remet en cause la vie privée. Pourtant, c’est tellement important, la vie privée, que c’est inscrit dans plusieurs grands textes de loi. Je les ai recensés dans un chapitre entier de mon livre. Juste un exemple, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, juridiquement contraignante dans les 27 états membres de l’Union Européenne depuis 2007.

article 7 : toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.

Rions un peu

Bon, ça n’est pas tout ça, rions un peu en attendant la mort les boites noires. Pour cela, j’ai sélectionné quelques liens rigolos :

Mieux comprendre la loi Renseignement

Comprendre, c’est déjà agir. Voici donc un peu de lecture pour mieux saisir le problème…

Agir

  • J’encourage les individus contre la loi à signer la pétition #stopLoiRenseignement ;
  • De même, les acteurs français d’Internet devraient signer la déclaration #NiPigeonsNiEspions qui compte déjà plus de 500 signataires, dont Criteo, Libération, les membres du CNNum, OVH, Gandi, Linagora, Capitaine Train, l’INRIA, PLOSS, FaberNovel, XWiki, GTLL Systematic, Prestashop, Videolan/VLC, Aquinum, Claranet, OpenWide, Médiapart, France Digitale, Captain Dash, Servebox, Syntec Numérique… Encouragez votre employeur à signer !
  • Surtout, il faut bien se rappeler que la loi sera inefficace pour quiconque sait se servir d’outils de chiffrement. Alors, si vous avez envie de vous protéger des boites noires, il suffit d’apprendre comment se servir de ces outils lors du prochain Café Vie Privée, à Paris ou ailleurs.

mercredi 15 avril 2015

#NiPigeonsNiEspions : les acteurs du numérique contre les boites noires

Cela fait tout juste un mois que j’ai découvert le projet de loi Renseignement et que mes nuits ont soudainement raccourci (et pas seulement parce que les jours rallongent !). J’ai déjà écrit plusieurs articles sur le Standblog, donné d’innombrables interviews pour alerter mes compatriotes de cette loi et expliquer sans relâche le danger des boites noires, ces systèmes classés « Secret Défense » qui vont, je cite, « détecter les comportements suspects » sur l’Internet français. J’ai expliqué pourquoi ces dispositifs étaient inefficaces (quiconque utilisant du chiffrement, dont les terroristes, sera invisible pour ces boites noires). J’ai expliqué pourquoi c’était liberticide (panoptique, auto-censure, conformité de la pensée). En vain ou presque. C’est comme si la tragédie de Charlie Hebdo avait anesthésié la capacité de penser nos libertés, comme si la majorité des français était résignée à tout, même l’impensable.

À coté de l’inefficacité de loi et de son coté liberticide, l’argument économique me paraissait presque faible. Et pourtant, en discutant autour de moi, j’ai vu que c’était lui qui portait. Avec quelques proches, nous avons décidé de lancer le mouvement Ni pigeons ni espions. Quelques nuits encore plus courtes, de nombreuses discussions, des documents partagés et ça a donné http://ni-pigeons-ni-espions.fr/.

Les grands noms du numérique français répondent présent

Il est trop tôt pour dire si ces efforts seront suivis d’effet, mais la couverture presse d’une part (voir ci-dessous) et les signataires prestigieux (OVH, Syntec Numérique, Criteo, INRIA, Gandi, Fabernovel, Capitaine Train, Emakina, Linagora, XWiki, Captain Dash, CNNum, JoliCloud, Prestashop, et les centaines qui affluent) ne laissent aucun doute sur l’impact de ce mouvement. Mise à jour : nous venons de passer les 200 signataires !

Tous ces noms ne sont pas connus, mais il faut bien voir que ce sont les jeunes sociétés françaises qui créent des emplois et génèrent de la croissance.

La France est-elle en suffisamment bonne forme économique pour que nous puissions nous passer du relais de croissance offert par le numérique ? Les députés semblent penser que oui. Il nous appartient de leur expliquer que la Loi Renseignement et ses boites noires sont néfastes au numérique français.

Il faut passer à l’action !

Aussi, si…

Ils en parlent :

dimanche 12 avril 2015

Loi Renseignement : comprendre et agir

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Le selfie, version 2016. Par Thibaut Soulcié, via Iconovox et Urtikan.net

La liste de ceux qui s’opposent au projet de loi Renseignement (aka #PJLRenseignement et #LoiRenseignement) ne cesse de s’allonger. Le problème est grave : veut-on autoriser les services de renseignement, à l’aide de leurs fameuses “boites noires”, à mettre tout l’Internet français sous écoute dans l’espoir vain d’attraper des terroristes qui seront bien sûr indétectables car utilisant des techniques de chiffrement ? Rappelons que la NSA, malgré ses 10 milliards de dollars de budget, a du reconnaitre du bout des lèvres qu’elle n’a réussi qu’à éviter qu’un ou deux attentats !

Face à cette menace, chaque internaute français a le devoir de s’informer et d’agir. Voici comment :

S’informer

Nous avons annoncé un plan d’investissement de 400 millions d’euros sur trois ans. Nous devons décider d’ici à septembre comment répartir cette somme et où investir. Si la loi est votée, nous irons mettre nos serveurs ailleurs. Actuellement, en France, nos principaux « data centers » sont situés à Roubaix, à Gravelines et à Strasbourg. Si la loi passe, nous irons de l’autre côté de la frontière au Royaume Uni, en Allemagne… Si nous ne le faisons pas, il faudra nous résoudre à voir nos clients partir : 40 % de notre activité concerne des clients étrangers (de Singapour, des Etats-Unis, d’Italie, etc.). Les Allemands, pour des raisons historiques, sont très soucieux de ces questions de surveillance.

Agir

Il existe plusieurs moyens de ne pas laisser passer cette loi inefficace, dangereuse pour la démocratie et pour l’économie française. En voici trois à la portée de chacun :

jeudi 9 avril 2015

Loi Renseignement : plus d'explications

Liberté Surveillé Fiché par David Henry

Liberté, Surveillé, Fiché, (c) par David Henry, avec l’autorisation de l’auteur

La loi Renseignement est un sujet complexe, et il faut sans cesse faire preuve de pédagogie. Voici à cet effet 4 articles faciles à lire :

Et quelques liens sur le même sujet :

vendredi 3 avril 2015

Loi Renseignement et chiffrement

Il se passe plein de choses sur la loi terrorisme. Je vous propose un petit tour d’horizon :

La Commission numérique de l’Assemblée Nationale contre les boites noires

La Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge numérique présente sa Recommandation sur le projet de loi relatif au renseignement, et ça n’est pas tendre pour le projet de loi Renseignement :

La Commission souhaite en préalable mettre en garde contre le risque d’aller$ pas à pas$ d’une surveillance ciblée à une surveillance généralisée (…) La commission est fortement préoccupée par l’usage préventif de sondes et d’algorithmes parametrés pour recueillir largement et de façon automatisée des données anonymes afin de détecter une menace terroriste (« signaux faibles »).

Et attendez, j’ai gardé le meilleur pour la fin, qui laisse penser que la commission lit le Standblog en évoquant la surveillance de masse, la surveillance par les algorithmes et les « effets de brèche» et demande donc la suppression de l’article 851-4 du projet de loi :

La Commission estime que l’article L. 851-4 dans sa rédaction proposée par le projet de loi, ouvre la possibilité à des fins de prévention du terrorisme d’une collecte massive et d’un traitement généralisé de données. L’argument selon lequel cette surveillance porte initialement sur des données anonymes traitées de façon automatique et algorithmique ne saurait offrir de garanties suffisantes. Cet argument est d’ailleurs traditionnellement avancé à l’appui de la surveillance généralisée qui a recours à des algorithmes qui lisent et exploitent des volumes massifs de données. Par ailleurs, sur le plan juridique, les données concernées ne sont pas anonymes puisque leur exploitation peut conduire, sous certaines conditions, à la levée de l’anonymat. Il s’agit donc d’un traitement de données à caractère personnel. La Commission s’interroge sur la conformité de la mesure proposée au regard des exigences posées par la CJUE, dans son arrêt Digital Rights Ireland du 8 avril 2014, qui rappelle que tout traitement de ce type doit être ciblé et proportionné. Enfin, la Commission est particulièrement attentive à éviter des effets de brèche qui conduiraient à l’élargissement de ce dispositif à d’autres finalités que la prévention du terrorisme.

La Commission s’est interrogée sur la possibilité d’un encadrement strict de ce type de technologie de surveillance. En l’état des informations disponibles, cet encadrement ne lui est pas apparu envisageable. C’est pourquoi la commission appelle de ses voeux la suppression de l’article L.851-4 du projet de loi.

Quelques articles intéressants

Des amendements scandaleux

De nombreux amendements ont été soumis (308 au moment où j’écris ces lignes), et certains font froid dans le dos. Le pire, à mon sens, c’est l’amendement N°CL262, qui en plus a été adopté, et qui sera donc intégré dans la loi qui sera discutée au parlement. Jugez plutôt :

cet amendement prévoit de contraindre les personnes physiques ou morales qui fournissent des prestations de cryptologie à remettre sans délai aux agents des services de renseignement les clés de déchiffrement des données transformées au moyen des prestations qu’elles ont fournies.

Mise à jour : on me souffle dans l’oreillette que les opérateurs de services de chiffrement doivent déjà donner les clés de chiffrement, d’après le code de sécurité intérieure|http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000025508207&cidTexte=LEGITEXT000025503132&dateTexte=20120618]. C’est vrai, mais la nouveauté ici est que cela doit être fait “sans délai” (donc en temps réel).

C’est une attaque en règle contre le chiffrement en France. Non seulement on fait de la surveillance de masse, mais en plus on affaiblit la crypto. On voudrait planter un couteau dans le dos du numérique en France en encourageant tous les clients à partir à l’étranger qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

mercredi 1 avril 2015

Loi Renseignement : le soutien américain

Deux liens importants, de deux grandes voix américaines, viennent se joindre à l’opposition au projet de loi Renseignement. De l’autre coté de l’Atlantique aussi, on s’inquiète de la surveillance de masse et de l’absence de juge dans ce que souhaite le gouvernement.

L’Electronic Frontier Foundation (EFF)

L’EFF, ONG américaine pionnière des libertés numériques, pointe du doigt les problème de la loi Renseignement : France’s Censorship and Surveillance Initiatives Lack Judicial Review (les initiatives françaises en terme de censure et de surveillance doivent passer par un juge). Ce qui est très énervant, c’est que dès les attaques contre Charlie Hebdo et l’épicerie casher, l’EFF signalait qu’il fallait rester vigilant sur un risque de perte de nos libertés : In Wake of Charlie Hebdo Attack, Let’s Not Sacrifice Even More Rights. A un instant où je voyais le peuple français debout pour défendre la liberté d’expression, l’EFF pointait le risque de revirement sur ce sujet. Et ils avaient raison !

Le New York Times

Le New York Times, grand journal américain titre L’État policier en France / The French Surveillance State. Extrait :

The French are understandably jittery after the Paris and Tunis attacks, and they are alarmed by the radicalization of some in France who have fallen prey to jihadist recruitment on the Internet. There is no doubt that the French government has a duty to protect the nation from terrorist violence and jihadist recruitment. But Parliament has a duty to protect citizens’ democratic rights from unduly expansive and intrusive government surveillance. French lawmakers should not approve the bill unless judges are given a proper role in authorizing government surveillance, vague definitions of what constitutes a terrorist threat are struck from the bill and freedom of the press is protected.

Traduction rapide par mes soins :

Les Français ont les nerfs à vif suite aux attaques de Paris et de Tunis, et c’est compréhensible. Ils sont aussi inquiets de la radicalisation de certains français qui sont tombés dans le piège du recrutement djihadiste sur Internet. Il n’y a aucun doute sur le fait que le gouvernement français doit protéger la nation des violences terroristes et du recrutement djihadiste. Mais le Parlement a le devoir de protéger les droits des citoyens de l’extension de la surveillance particulièrement invasive par le gouvernement. Les parlementaires français ne doivent pas accepter la loi à moins que les juges n’obtiennent un rôle approprié dans l’autorisation de la surveillance par le gouvernement, que les vagues définitions de ce qui constitue une menace terroriste soient retirées de la loi, et que la liberté de la presse soit protégée.