Tribune contre le projet de loi Renseignement, multipartite, signée de parlementaires dont Laure de la Raudière (LR), Esther Benbassa (EELV), Jean-Yves Leconte (PS) et Arnaud Richard (UDI) : La société connectée sera-t-elle celle de la surveillance ?. « Le Conseil constitutionnel doit rendre ce jeudi un avis sur le projet de loi relatif au renseignement. Pourquoi le gouvernement français s’obstine-t-il à autoriser la collecte massive de données, technique pourtant avérée inefficace dans la lutte contre le terrorisme ? » ;
À l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les révolutionnaires déclaraient : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Quelques 226 ans plus tard, on est en droit de se demander : la Vème République a-t-elle encore une Constitution ?
Edito dans Libération : Surveillance : crypter, tromper, aveugler. « Il faut désormais se résoudre à vivre sous le regard des boîtes noires. Alors il faudra crypter. Les tromper, les aveugler. Chiffrer nos mails, camoufler nos connexions à Internet, protéger nos SMS privés ou anodins (Libération du 9 juin). Pour augmenter les faux positifs, pour mettre en déroute les algorithmes, pour créer des zones d’opacité, et refuser d’être examiné par des programmes, dont on ne sait rien, sinon que le plus grand secret les entoure. » ;
la CNCIS s’inquiète d’un « affaiblissement des contrôles » induit par la loi renseignement. Le conseiller d’Etat Delarue rappelle que « seul, l’examen de l’intégralité des données recueillies en temps réel est garant d’un contrôle efficace ». Or, « la conception qui a prévalu dans la loi votée à l’Assemblée nationale, ajoutée à la possibilité de procédures d’urgence sans consultation préalable de la CNCTR (…), est, en l’état, un affaiblissement du contrôle, quoi qu’on ait réellement voulu et quoi qu’on ait pu affirmer sur ce point ». M. Delarue rappelle : « Il ne suffit pas d’aller voir lorsque tout est terminé. »
L’autorité aborde enfin la légalisation d’instruments permettant la surveillance d’un grand nombre de personnes, « mis en œuvre auparavant de manière discrète, mais irrégulièrement et sans contrôle ». Elle s’inquiète d’une extension considérable du périmètre de surveillance à travers l’apparition de « la notion cruciale d’’entourage ». Jusque-là, seules les personnes directement et personnellement impliquées dans un projet d’atteinte aux intérêts de la notion pouvaient faire l’objet d’interceptions. M. Delarue est d’autant plus dubitatif sur cette atteinte aux libertés publiques qu’elle présage une augmentation du volume de surveillance qui n’a pas été évalué par le gouvernement.
NextInpact publie l’analyse profonde de Marc Rees : La loi Renseignement publiée au journal officiel, et maintenant ?. Encore une fois, un travail de qualité (ce qui prend du temps, denrée trop souvent considérée comme précieuse en cette période où l’info en continue l’emporte sur le reste) ;
À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes. (JF Kennedy)
Article 35. - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs (déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, un texte qui n’est plus en vigueur).
Pourquoi les écoutes de la DGSE sont illégales depuis sept ans « Par sa décision de jeudi, le Conseil constitutionnel rend illégal un décret secret datant de 2008 qui autorisait la DGSE à espionner massivement les communications par câbles sous-marins. » ;
Chez Cozy Cloud, on réfléchit déjà à protéger notre vie privée : Brainstorming en cours, vos contributions sont les bienvenues !
Je termine cette liste par un lien vers l’initiative Democratech.co, la primaire 2017 menée par des citoyens, pour reprendre notre démocratie en main. Remarquons cette chose extraordinaire : ceux qui organisent la primaire ne sont candidats… à rien !
Note
[1] Précisons qu’il s’agit de surveillance de masse. Pas ciblée, non, pas généralisée non plus, car tout le monde ne sera pas surveillé. Mais tout le monde sera susceptible de l’être et c’est bien ça le problème…
(La loi Renseignement) donne aux services de renseignement des moyens modernes et adaptés à la menace à laquelle nous sommes confrontés, tout en respectant les droits individuels et la vie privée.
Non, messieurs Valls et Hollande, la loi ne donne pas les moyens. Les services avaient déjà les moyens et les utilisaient illégalement, maintenant ils ont le droit de les utiliser. Ensuite ça ne va rien changer : les personnes ayant des choses à cacher (c’est à dire tout le monde) pourront avoir recours au chiffrement. Et enfin, les droits individuels et la vie privée sont bafoués comme jamais. Affirmer avec aplomb en boucle un mensonge éhonté n’en fait pas une vérité.[1]
Malgré des mois de lutte, avec cette union sacrée regroupant des acteurs du numérique, des associations, en passant par le CNNum, la CNIL, des dizaines de parlementaires, l’ONU ; malgré tout cela, le gouvernement a passé la loi en force, utilisant la procédure accélérée pour éviter de trop longs débats qui auraient pu mobiliser l’opinion publique.
Evidemment, tout cela laisse un goût amer dans la bouche et jette le discrédit sur des institutions déjà branlantes et met encore en évidence à quel point le gouvernement prétendument de gauche a perdu tous ses repères.
La lumière au bout du tunnel
Pourtant, il y a des aspects positifs dans cette boucherie législative qui malmène notre démocratie. Il convient de les garder à l’esprit, car il faut rester mobilisé contre les prochains assauts contre nos libertés.
La prise de conscience des citoyens
Tout d’abord, les débats ont bien eu lieu. Les français, encore sous le coup des attentats de janvier 2015, étaient favorables à la loi Renseignement. Et malgré la complexité du sujet, mêlant aspects informatiques et juridiques, malgré la procédure accélérée qui démontrait la volonté d’éviter la prise de conscience des citoyens autour de ces enjeux, celle-ci a bien eu lieu : un récent sondage (500ko, format PDF) démontre que les Français sont désormais fortement opposés aux moyens de la loi Renseignement. Comme le dit joliment le Figaro :
le projet de loi Renseignement qui devait passer comme une lettre à la Poste souffre d’un gros bourrage papier.
Sur les lois précédentes portant sur ce sujet (Loi de Programmation Militaire), ça n’était pas le cas. On progresse donc. Les français commencent à comprendre que leurs libertés tremblent sous les coups de boutoirs successifs de Manuel Valls et de Nicolas Sarkozy.
La surveillance internationale déclarée non-constitutionnelle
C’est la bonne nouvelle découverte dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 du Conseil Constitutionnel : surveiller les communications internationales n’est pas conforme à la constitution. Autrement dit, héberger nos données hors de France, pourvu qu’on s’y connecte de façon sécurisée, permettra d’échapper aux boites noires. C’est bien sûr, comme prévu, une mauvaise nouvelle pour la French Tech et l’emploi en France. On peut toutefois imaginer qu’on peut encore travailler avec des hébergeurs français dans la mesure où on demande à avoir nos données dans des datacenters situés à l’étranger (c’est le cas de Gandi, au Luxembourg, et d’OVH, présent dans plusieurs pays).
Conclusion
J’espérais bien sûr de meilleures nouvelles en provenance du Conseil Constitutionnel. Mais les choses sont ce qu’elles sont, et il faut rester mobilisés pour la suite. J’ai la terrible impression qu’il se dessine un modèle où l’État n’est plus au service des citoyens mais vise à protéger une minorité de puissants contre les citoyens. Pour cela, l’État se doit de contrôler le citoyen et la surveillance de masse est un outil vital à cet effet. Cette surveillance sera, avec la publication des décrets d’application de la loi Renseignement (déjà surnommée “Loi Rance”), légalement autorisée. Subséquemment, Il nous faut nous ternir prêts à lutter contre deux choses :
l’extension de la surveillance de masse au delà du seul terrorisme (évitons l’extension de la brèche) ;
la mise à mal du chiffrement, ultime rempart technologique pour notre vie privée. Il est fort probable que le gouvernement va tenter, comme Cameron au Royaume-Uni, ou la NSA aux USA, d’affaiblir le chiffrement en France.
Il nous faudra aussi soutenir ceux qui voudront attaquer la loi Renseignement auprès de la CEDH. Cela ne devrait pas tarder. En attendant, peaufinons nos systèmes de chiffrement !
Note
[1] Mais ça fonctionne assez bien avec les esprits faibles et/ou mal informés, avouons-le….
Pour arrêter d’utiliser Google Search, il y a plusieurs options, par exemple Qwant.com (c’est mon choix) ou une instance du logiciel Searx, comme Framabee.org. Ce dernier est un méta-moteur qui utilise les résultats d’autres moteurs de recherche. C’est un logiciel libre, et à ce titre on peut l’installer chez soi, sur son propre serveur. Voici comment : Installation de Searx ;
Six ans après, Internet se recroqueville. “A sa sortie de prison, Hossein Derakhshan, blogueur iranien, ne retrouve plus le réseau décentralisé qu’il utilisait. Aux idées ont succédé les «likes», aux textes un flux continu d’images.” (traduction de l’excellent texte The Web we have to save. Mise à jour : voir aussi Internet, le jour d’après, l’analyse d’Olivier affordance Ertzscheid ;
The mobile web sucks , explique l’auteur. Non. Le Web mobile sur iPhone craint. C’est vrai. La faute à un moteur HTML (WebKit, maintenu par Apple) qui ne suit pas les progrès du Web. Conséquence : les applications (bien monétisées par Apple) peuvent prendre toute la place. C’est clair, Safari est devenu le nouvel Internet Explorer. Et c’est triste.
Supercalculateurs et fibres optiques… Comment la France espionne le monde. « Sous la présidence Hollande, cette stratégie d’espionnage massif perdure. Un second plan câble est adopté en 2012 pour la période 2014-2019. Restait à régler un léger petit problème : l’insécurité juridique. Toutes ces interceptions se font à la limite de la légalité, et sous la bienveillance discutable de la CNCIS. Une solution a été trouvée récemment, avec l’adoption en mode express de la loi sur le renseignement. » ;
Hier, c’était la réunion (quasi-) mensuelle de la communauté Cozy (merci à Mozilla pour l’accueil !). Malgré la petitesse de la salle par rapport au 60 inscrits, l’ambiance était excellente ! On y a fait plusieurs ateliers :
Support, pour ceux qui avaient des questions techniques sur leur Cozy
La communauté Cozy ne cesse de grandir, et ce dans la bonne humeur ! C’est vraiment un privilège de travailler dans de telles conditions…
Sinon, pendant ce temps-là, dans le monde et sur le Net :
Mobile is eating the World, une excellente présentation de Benedict Evans (@BenedictEvans), qui travaille chez Andreessen Horowitz (VC, anciens collègues de Netscape) ;
Cloud : tous les nuages mènent aux Etats-Unis ;”Physiquement, vos données sont conservées dans des data centers aux quatre coins de la planète,(…) Mais, juridiquement, tous ces nuages sont regroupés au dessus d’un seul endroit : les Etats-Unis.” Analyse des implications.
Les logiciels espions de Hacking Team intéressaient aussi la France. “Hacking Team, une entreprise italienne commercialisant des logiciels espions, principalement aux gouvernements, a été en contact avec des ministères français pour tenter de leur vendre son principal logiciel de surveillance”. Ah bon ?
Il y a quelques jours, je participais à un événement assez extraordinaire, l’Échappée Volée, qui ressemble assez à un TED (pas étonnant, c’est organisé par l’équipe qui a lancé TEDxParis).
J’explique en 13mn comment on peut reprendre le contrôle de nos données et surtout pourquoi il le faut.
Les bénévoles de l’association APRIL pour la promotion du logiciel libre ont fait un travail magnifique de retranscription du texte de la vidéo. Voici le résultat de ce travail, en espérant que vous me pardonnerez pour l’utilisation d’un langage parlé à cette occasion :
Que ceux qui ont un compte Facebook se lèvent s’il vous plaît, on va faire un peu d’exercice. Ah ! C’est bienvenu ! Bien ! Écoutez-moi bien parce que ce n’est pas fini. Que ceux qui ne payent pas ce compte se rassoient, les autres restent debout. D’accord. Alors il n’y a que ceux qui n’ont pas compris qui sont restés debout.
Il y a un adage, c’est que si c’est gratuit, c’est vous le produit. Regardez, les cochons-là, vous les voyez les cochons ? Est-ce que quelqu’un peut vraiment croire que ces cochons sont les clients du fermier ? Je ne vous donne pas la réponse.
Mais non, parce que le client c’est celui qui consomme le saucisson, c’est celui qui achète le saucisson et qui mange le saucisson. Si vous êtes le saucisson, vous n’êtes pas le client ! D’accord ?
Applaudissements
Il y a un autre adage, c’est que les données, c’est le pétrole du 21e siècle.
Évidemment, le pétrole attise les convoitises, j’en veux pour preuve, regardez cette copie d’écran quand j’ai installé l’application Facebook sur mon smartphone, avant que je ne dise non je ne veux pas accepter, parce qu’effectivement Facebook voulait me pomper mes toutes les données de mon téléphone. Regardez : l’historique des applications, mon identité, mon agenda, mon agenda ! Non mais sérieux, pour quoi faire ? Tous mes contacts. Ils voulaient lire mes textos aussi, vous voyez. Ma position GPS, et le contenu de mes fichiers et de mes photos. Tout. J’ai dit non, mais c’est clair que Facebook veut tout pomper. Si, vraiment, mes données c’est le pétrole du 21e siècle, ces sociétés comme Facebook, Google et autres sont en train de mettre un Derrick dans mon jardin.
Exemple : j’utilise Google Maps sur mon téléphone mobile, ils me pistent au mètre près. Ça, c’est mon itinéraire du 2 décembre 2014, quand je me suis promené dans Paris et je suis allé le voir sur un site Google, je n’ai pas trouvé ça dans mon téléphone, ça c’est dans les serveurs de Google, et j’ai tout l’historique, de tous les jours. Google aspire mes données, lui aussi.
Alors, ce n’est pas évident de prendre conscience de ces choses-là, parce qu’on utilise Google Maps, on utilise Facebook, comme ça en disant c’est super, c’est gratuit, qu’est-ce que c’est pratique et tout… D’accord, mais il y a un moment il faut prendre conscience qu’on échange nos données personnelles contre un service, et un service qui ne vaut même pas très cher. Il faut savoir, j’ai fait le calcul, Facebook, ça coûte 5 euros par personne et par an. C’est-à-dire que pour le prix de deux cafés, j’échange toutes mes données personnelles, en échange de quelque chose qui vaut 5 euros. Ce n’est vraiment pas beaucoup !
Alors il y a des prises de conscience, quand même, des prises de conscience qui sont souvent dramatiques parce qu’on réalise à quel point c’est une arnaque. La première prise de conscience c’était l’été dernier où des starlettes ont pris des photos, extrêmement intimes, d’elles-mêmes, elles prennent ça avec leur téléphone, ça reste dans le téléphone, sauf que non il y en a une copie qui est faite sur le cloud d’Apple ou de Google. Et là, le cloud, pour ceux qui ne savent pas, c’est l’ordinateur de quelqu’un d’autre.
Applaudissements
Donc dans le cloud, les photos sont piratées, et elles finissent sur Internet. Et là on réalise : « je ne comprends pas, j’ai toujours mon téléphone avec moi, comment ça se fait que les photos soient partout ? ». En plus ce sont des photos pornos, vous irez voir. Ça c’était la première prise de conscience.
La deuxième prise de conscience va être amenée par Edward Snowden. En juin 2013, Edward Snowden, lanceur d’alerte qui travaillait à la NSA, donc les services secrets américains, Edward Snowden est sorti avec des wagons de Powerpoint qui expliquent comment fonctionne la NSA. Et il explique, en gros, à la NSA on veut espionner toutes les conversations téléphoniques et internet de tout le monde. Évidemment ça coûte extrêmement cher d’écouter trois milliards de personnes, trois milliards de micros virtuels qu’il va falloir installer sur chacun de nous. Mais, Dieu merci, ça coûte trop cher, donc ils ne peuvent pas la faire. Sauf que comme on centralise toutes nos données chez Google, Facebook, Yahoo, Amazon, Apple et compagnie, en fait, il suffit de mettre cinq mégas micros chez ces cinq grosses sociétés et vous avez accès aux données de tout le monde. Et donc, en fait, cette concentration, cette centralisation des données Internet, elle permet, elle rend économiquement possible la surveillance de masse.
Alors, la surveillance de masse, on s’en fout, on est des gens bien, des citoyens honnêtes, on ne fait rien de mal, bon, sur la feuille d’impôts, parfois, mais sinon, non ! Alors je vais vous expliquer que ce n’est pas tout à fait le cas. Je vous présente ma famille, soigneusement floutée pour l’occasion, j’en suis néanmoins extrêmement fier. Donc Bénédicte au centre mon épouse, Philippine et Robin, mes enfants. Je suis très fier d’avoir fait ces enfants avec ma femme, seulement je vous le dis tout de suite, je ne vais pas rentrer dans les détails. On a deux enfants, on assume, ils sont dans le cadre de la famille, etc, mais on ne dit pas exactement comment on les a faits, au point d’ailleurs qu’on a mis des rideaux dans notre chambre à coucher, pour être sûrs que les détails ne fuitent pas. De la même façon, je suis sûr que vous avez un loquet à votre porte des toilettes, très probablement. Vous ne faites rien d’illégal dans vos toilettes, normalement, et puis c’est chez vous, mais il y a quand même un loquet à votre porte de toilettes. Et puis il y a ceux qui ont changé de métier. Moi j’ai changé de job récemment, j’ai envoyé des CV, ce n’était pas illégal, mais je n’avais pas très envie que mon patron soit au courant. Bref, chacun de nous a des choses à cacher, qui ne sont pas forcément des choses illégales, mais on a besoin de secret.
La semaine dernière, au Sénat, ou plutôt cette semaine, on est samedi, a été votée une loi, un projet de loi sur le renseignement, qui était déjà passé à l’Assemblée nationale ; et, dans ce projet de loi, il y a quelque chose d’extrêmement inquiétant, il y a la mise en place, noir sur blanc, de quelque chose qu’on a appelé dans les débats les boîtes noires. Les boîtes noires, ça surveille Internet, pas tout Internet tout le temps, mais ça surveille des pans entiers de l’Internet. Donc, en fait, quand elles seront mises en place, autorisées par la loi, on sera sous surveillance. C’est ce qu’on appelle une société panoptique.
Alors qu’est-ce que c’est que le panoptique ? Voici une prison, qui est une prison panoptique. C’est une prison qui existe réellement, elle est à Cuba, grand pays démocratique que connaît notre président. Et donc on a cette prison, vous voyez, les cellules sont concentrées sur l’extérieur du bâtiment et au centre il y a une tour, une tour où se trouve le gardien, et, il y a une porte, bon, qui a disparu depuis le temps, mais le gardien peut être là ou ne pas être là, mais il peut observer toutes les cellules quand il le décide. Et, du coup, les prisonniers se tiennent à carreau, ils ont une attitude conforme à ce qu’on attend de leur part, parce qu’ils savent qu’à tout instant ils peuvent être surveillés. Ça a été inventé par les frères Bentham, au 19e siècle, en Angleterre et les Bentham disaient : « Mais attendez, c’est génial, parce que même quand le gardien part pisser, les prisonniers se tiennent toujours à carreau. C’est formidable. Des économies de personnel, vous n’imaginez même pas quoi ! ». Donc vous avez un gardien pour surveiller tout le monde et même s’il n’est pas là, ça continue de marcher.
Donc le fait qu’on soit surveillé a un impact sur notre comportement. Et ça, c’est compliqué parce que quand on grandit, en tant qu’enfant qui devient adulte et même, on espère, citoyen, eh bien on apprend en faisant des erreurs, en inventant des trucs un peu à la con, on apprend en inventant des choses qui ne sont peut-être pas politiquement correctes et puis, après, on les regrette ou on ne les regrette pas, mais comme de toutes façons on n’est pas observé, on peut se permettre de les imaginer. Mais si on m’ose plus les imaginer parce qu’on se sait surveillé, eh bien, en fait, on fabrique une société de clones, une société où la création, la créativité deviennent impossibles parce qu’on n’ose pas. Voilà toute la problématique liée à cette société panoptique.
Cette société panoptique, en fait, elle fait partie d’une démarche, une vision de la société assez effrayante qu’on retrouve dans le film Minority Report, où on essaye d’arrêter les gens avant qu’ils ne fassent des crimes. Et, idéalement, quand ça réussit vraiment bien la société panoptique où on a surveillé tout le monde, on n’arrête que des innocents, c’est formidable ! C’est extraordinaire… Surtout en film !
Alors, la vraie question c’est qu’est-ce qu’on fait ? Puisqu’on donne toutes nos données à des géants, qui du coup sont espionnés par les États, on rend possible cette société panoptique. Évidemment, la première chose c’est « j’arrache le câble Ethernet de mon PC et je coupe le wifi ». Ce n’est pas la solution que j’ai retenue. Il y a un potentiel fabuleux avec la technologie et il ne faut pas pour autant se passer de la technologie, il faut juste inventer un futur différent qui est celui qu’on veut pas celui qu’on voudrait bien nous laisser.
Alors, il y a un certain nombre de principes, en fait, pour réinventer pour redécentraliser Internet, principes qui vont nous permettre, donc, d’avoir toujours les services du cloud, mais des clouds personnels, donc un ordinateur qui m’appartient, à moi, pour de vrai.
Le premier de ces principes c’est redevenir client, accepter de payer. L’homme a une fascination pour la gratuité, c’est difficile d’y résister, mais, moi, franchement je suis prêt à payer 5 euros pour avoir l’équivalent d’un service de Facebook, mais garder mes données personnelles. Donc premièrement redevenir client. C’est le premier principe.
Deuxième principe, du matériel que je contrôle. Idéalement ce matériel, il est chez moi. Ça existe, aujourd’hui, des PC qui sont tout petits, qui valent quelques dizaines d’euros, le Raspberry Pi 2 pour ne pas le citer, qui vaut, je crois, 35 euros, il pourra rajouter une alimentation, etc. Donc. pour moins de 100 ou 200 euros, on a, vraiment, un ordinateur personnel qu’on peut laisser chez soi, qu’on connecte à sa box ADSL, avec un disque dur, où sont stockées nos données qui nous appartiennent et donc sur lesquelles on a le contrôle.
Pour cet ordinateur, il faut du logiciel, et il faut du logiciel qui soit libre, qu’on appelle aussi de l‘open source. Pourquoi ? Parce que ce logiciel il doit être sûr qu’il fait ce qu’il dit qu’il fait. Ce n’est pas un truc, une boîte noire qui refile mes données à l’extérieur. Non ! Je veux être sûr que ce logiciel soit auditable, que je comprenne, que je puisse le modifier, que j’ai le contrôle dessus. Et donc, c’est du logiciel libre.
Ensuite il faut que mon accès à Internet et mes connexions soient toutes sécurisées, chiffrées, cryptées comme on dit parfois, pour être sûr que mes données ne sont pas interceptées et modifiées quand je me connecte à Internet depuis cette machine.
Et puis enfin, il faut une ergonomie avancée. C’est-à-dire que ça ça va marcher, cette décentralisation d’Internet, si jamais on arrive à faire des trucs vraiment sexys, vraiment sympas à utiliser, et pas un truc de geeks avec des fils qui dépassent de partout et des commandes à taper, en ligne de commande, avec des écrans vert sur fond noir. Non ! Ça, ça ne marche pas. Il faut vraiment un truc qui soit beau, qui soit facile. On branche, ça marche et c’est génial.
Bon, alors je sais, que ça paraît bien utopique. Qu’est-ce qu’on peut faire face à des Google et des Facebook et compagnie ? Ce n’est pas facile. Et pourtant, on l’a déjà fait.
Moi j’ai donné 17 ans de ma vie à ce projet, Mozilla, qui fait Firefox. Ça paraissait hallucinant à l’époque quand on disait on va faire un logiciel, avec des bénévoles et on va aller botter les fesses de Microsoft qui a le monopole sur les navigateurs. C’est vrai que ce n’était pas gagné. On a réussi à le faire, à force d’acharnement, et de créativité et de collaboration. Donc c’est possible.
Aujourd’hui, il y a des tas de systèmes comme cela qui vont vous remplacer Facebook, qui vont vous remplacer des data centers, qui vont vous remplacer Google Search , qui vont vous remplacer Dropbox, etc. Ils existent ces systèmes. Ils existent, ils ne sont pas encore parfaits, ils sont encore un peu compliqués, ils ne sont pas forcément finis, mais ils existent.
Alors ce que je vous demande c’est de les essayer, c’est que nous, technologues, on les améliore pour en faire quelque chose de vraiment bien, pour éviter qu’on ne finisse tous en saucisson du numérique.
La NSA, au service de l’économie américaine : Moscovici et Baroin écoutés sur fond d’espionnage économique. Mais surtout, ce sont les entreprises françaises qui sont écoutées massivement : “la NSA traque presque tous les mouvements de développement international des groupes français. Elle entend avoir accès à tous les renseignements, informations, technologies d’avenir où les entreprises françaises ont parfois de réelles avances.” Cela appelle une mise en place de systèmes de chiffrement pour toute société travaillant à l’international. De ce fait, toute tentative par le gouvernement de limiter la force du chiffrement va à l’encontre de la protection des intérets économiques de la France. Il faudra s’en souvenir lorsque le gouvernement tentera à nouveaux de brider le chiffrement en France comme il a inscrit les boites noires permettant la surveillance de masse dans la récente loi Renseignement ;
Je suis l'auteur du livre surveillance://, Les libertés au défi du numérique : comprendre et agir.
Nous générons chaque jour plus de données qui sont captées par des multinationales et des États, et cela peut se retourner contre nous. Comment est-ce possible ? Comment éviter cela ? Ce sont les questions auxquelles je réponds dans ce livre, qu'on peut se procurer chez C & F Éditions.