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dimanche 8 août 2010

La victoire de Mozilla

Citation du jour, de Glyn Moody, journaliste anglais :

we no longer live in a simple binary world of Internet Explorer as the dominant player and Firefox as the doughty but distant challenger. We are entering a new situation with three powerful players all striving to impress users with their respective strengths and capabilities, each sometimes gaining, sometimes losing a little market share.

In this sense, Mozilla has won, because this kind of healthy competition was precisely what it was trying to achieve when it launched its open source browser project over a decade ago. It has also won in the sense that Internet Explorer is now much more compliant with open Web standards, and seems unlikely to try to lock down the Internet again with its own proprietary add-ons as it did successfully during the dotcom boom. (…) what counts is precisely the kind of unpredictable, constantly-evolving situation we see developing in the browser sector. Basically, browsers are exciting again: what more can we ask?

Traduction rapide par mes soins :

Nous ne vivons plus dans un monde binaire où Internet Explorer est l'acteur dominant avec Firefox dans le rôle du challenger opiniâtre mais distant. Nous nous retrouvons dans une situation où trois acteurs puissants s'efforcent de séduire les utilisateurs avec leurs avantages respectifs. Chacun d'entre eux gagnant ou perdant parfois un peu de part de marché.

Sous cet angle, Mozilla a gagné, parce que ce type de concurrence saine était exactement l'objectif qu'ils s'étaient fixé il y a plus de 10 ans. Ils ont aussi gagné dans le sens où Internet Explorer est maintenant bien plus conforme aux standards ouverts du Web, et il semble très improbable qu'il verrouille Internet à nouveau avec ses extensions propriétaires comme il avait réussi à le faire à l'époque de la "nouvelle économie". (…) Ce qui est important, c'est précisément que nous sommes dans une situation qui évolue en permanence, comme celle du marché des navigateurs. En fait, les navigateurs sont à nouveau excitants : que demander de plus ?

Mise à jour : Quelques précisions pour rendre les choses plus claires : Mozilla a atteint son objectif initial, qui était de "promouvoir le choix et l'innovation sur Internet". Cette première — longue — bataille, a été remportée, et ça n'a pas été facile. En effet, peu de gens étaient prêts à parier le moindre Kopeck sur Mozilla face à Microsoft. Sept ans après mon licenciement (qui a mené à la création de Mozilla Europe), les résultats sont meilleurs que ce dont j'osais rêver, avec de nouvelles versions des navigateurs et l'adoption de HTML 5 et CSS3 !

Pour autant, Mozilla ne se repose pas sur ses lauriers, loin s'en faut. L'arrivée de concurrence sérieuse comme Chrome ou Internet Explorer 9 fait qu'une nouvelle ère s'annonce, avec de nouvelles batailles, qui sont loin d'être gagnées. C'est pour cela que Mozilla travaille d'arrache-pied sur Firefox 4 !

jeudi 20 mai 2010

Les grenouilles, la stabilité et la performance

Grenouille, Par Lawrence Whittemore, Sous licence CC-BY-ND

Grenouille, par Lawrence Whittemore, utilisée sous licence CC-BY-ND

Imaginez une course de grenouilles organisée par des enfants un beau week-end de printemps… Elles progressent par bonds successifs. Un coup celle de gauche est en avance, un coup celle de droite, et puis celle du milieu, qui n'a pas encore bondi, rattrape tout le monde d'un coup alors qu'elle semblait très en retard.

C'est exactement ce qui est en train de se passer actuellement sur le marché des navigateurs. On a d'un côté Microsoft qui fait des bonds rares et pas toujours grands (ce qui fait qu'ils sont très en retard), on a Firefox qui fait des bonds plus fréquents, et puis on a un petit nouveau — Chrome — qui "challenge" le challenger Firefox. Ça redonne son intérêt à une "compétition" qui semblait bien gagnée par Firefox.

On notera qu'il y a des limites à la métaphore de la course de grenouilles, en particulier parce que la compétition des navigateurs est multi-dimensionnelle (performances JavaScript, ergonomie, rapidité de lancement, de chargement de pages, fonctionnalités, innovation de l'interface, innovation dans le domaine des standards, stabilité, sécurité, etc.). Mais l'idée générale persiste : chaque nouvelle version majeure d'un navigateur peut changer la donne en rattrapant les autres dans un domaine particulier.

Quel sont les prochains bonds pour la grenouille Firefox ? Stabilité et performance !

Firefox va franchir deux étapes dans les mois à venir.

D'abord, la version 3.6.4 qui va se focaliser sur la stabilité. Cette version semblera identique à la 3.6, sauf qu'elle exécutera les plug-ins[1] (comme Flash, QuickTime, Java & co) dans un processus séparé[2]. Aucun changement dans l'interface utilisateur, mais un progrès de taille en termes de stabilité (et accessoirement en terme de performance), car une proportion très significative des plantages apparents de Firefox sont en fait dus aux plug-ins[3], qui crashent et entraînent Firefox dans leur chute. Même si Firefox n'est pas responsable, l'utilisateur a l'impression que c'est Firefox qui plante… Avec la 3.6.4, les plantages des plug-ins n'entraîneront plus celui de Firefox ! On devrait voir arriver la version 3.6.4 courant juin 2010, c'est à dire très bientôt.

Ensuite, le gros morceau, Firefox 4, dont mon collègue Mike Beltzner, Director of Firefox présentait récemment : Firefox 4: fast, powerful, and empowering. J'ai mis les diapos de sa présentation en ligne, au format PDF (2,6Mo).

En gros, ce qu'on attend pour Firefox 4, c'est :

  • Beaucoup plus rapide
  • Plus puissant (au niveau des applications Web)
  • Donnant à l'utilisateur plus de contrôle (de ses données, de son usage du Web).

Comment va-t-on s'y prendre en terme de vitesse ? (Ceux qui ont des migraines en lisant des choses techniques peuvent sauter directement à la conclusion[4]…)

Les efforts portent sur plusieurs fronts :

  1. Nouveau parser HTML 5. Un parser vraiment écrit pour HTML 5. Je pense qu'on sera les premiers à disposer d'un tel parseur. Ce parseur sera dans un thread séparé pour avoir plus de réactivité de l'interface utilisateur.
  2. Nouvelle génération de moteur JavaScript, JaegerMonkey, qui sera la combinaison du "Method-based tracing" de Webkit et du "JIT-tracing" de TraceMonkey. Pour faire bonne mesure, nous allons améliorer le Garbage Collector.
  3. Utilisation du GPU pour l'affichage de la vidéo, les dessins, la typographie, etc. Ces ressources matérielles sont pour l'instant très largement sous-utilisées, et ça va changer avec Firefox 4.
  4. Une des principales causes de ralentissement de Firefox est lié à l'utilisation trop fréquente du disque dur. Comme les processeurs font de gros progrès, bien plus que les disques (surtout sur les ordinateurs portables), ça devient particulièrement sensible. Nous nous sommes donc attachés à cela, et nous devrions voir les accès disques réduits de 50% pour le thread principal avec Firefox 4.
  5. D'autres optimisations sont en cours, dont l'accélération du DOM et la réduction du temps de démarrage.

Voici donc comment Mozilla compte s'y prendre (ou plutôt, comment Mozilla est déjà au travail) pour deux aspects importants que sont la stabilité et la performance. Dans des billets à venir (mais pas tout de suite), je parlerai des progrès ergonomiques réalisés pour les utilisateurs, des nouvelles fonctionnalités ainsi que les changements concernant les développeurs Web (nouveaux standards et outils de développements). En attendant, n'hésitez pas à tester des pré-versions (Alpha et Bêta) :

Mise à jour : Firefox 4 sera bien plus qu'un Firefox plus rapide. La présentation de Mike Beltzner le démontre très bien. On aura l'occasion d'en reparler d'ici la sortie de la version 4. En attendant, je voulais parler des progrès déjà réalisés par Firefox dans deux domaines que sont la stabilité et les performances. Coté performances, il y a un sujet que j'ai trop rapidement abordé, c'est celui du démarrage de Firefox. J'encourage les anglophones à lire les rapports de mon collègue Dietrich Ayala sur ce sujet.

Notes

[1] à ne pas confondre avec les extensions !

[2] Mais seulement pour les version Linux et Windows pour l'instant. Le portage sur Mac reste à venir.

[3] C'est d'autant plus rageant que le code des plug-ins est presque toujours propriétaire, donc nous ne pouvons pas corriger leurs problèmes de fiabilité, et cela entache la réputation de Firefox…

[4] Bon, pour ceux qui ne comprennent rien à la technique, je résume : on se demandait si Firefox était un panda roux ou un renard de feu, et voilà qu'on apprend que c'est une grenouille ! ;-)

mercredi 17 mars 2010

Internet Explorer 9 : à boire et à manger

Microsoft a annoncé à sa conférence Mix la sortie de Internet Explorer 9 Platform Preview. Il s'agit d'une pré-version du moteur d'Internet Explorer 9. Le logiciel est inutilisable en tant que tel (pas de barre d'adresse, ni de marque-pages ni d'onglets !) son seul intérêt est de voir ce qu'IE9 va proposer aux développeurs Web quand il sortira en version finale.

D'après ce que je peux lire, et voir en installant le logiciel, mes impressions sont très mitigées, et j'ai peine à décider si le verre est à moitié plein ou à moitié vide...

Le bon

On constate des progrès en terme de support de certains standards et technologies :

  1. SVG. On n'y croyait plus, mais voici — enfin — du SVG natif dans Internet Explorer ! Rappelons que SVG a commencé à être développé en 1998 et que la version 1.0 a été terminée en Septembre 2001...
  2. Progrès au niveau DOM et CSS
    1. Border-radius (coins arrondis)
    2. CSS3 Selectors
    3. DOM events
    4. DOM Style
  3. JavaScript accéléré. Internet Explorer 9 est donc le dernier navigateur à offrir cette technologie (l'avant-dernier, c'était Opera avec la 10.50 récemment sortie). La bonne nouvelle, c'est que les développeurs Web vont pouvoir disposer sur l'ensemble des navigateurs d'un moteur JavaScript rapide, qui va donc permettre des applications bien plus complexes qu'avant. En terme de performances JavaScript, IE9 est comparable à Firefox 3.7 Alpha 2, c'est-à-dire 6 fois plus rapide qu'IE8 :-)
  4. Accélération graphique par l'utilisation du GPU. J'ai envie d'y croire, mais sur ma machine, toutes les démos étaient inutilisables car trop lentes (carte graphique Intel 945 Express, ceci expliquant probablement cela).
  5. l'élément <video> de HTML 5 n'est pas présent dans cette pré-version, mais il a été démontré lors de la conférence

Le mauvais

  1. L'absence de l'élément <canvas> de HTML 5, pourtant trivial à implémenter, surtout quand on compare avec ce qui a déjà été fait (dont SVG)
  2. l'élément <video> de HTML 5 repose sur le codec propriétaire et soumis à royalties H.264 et non pas le codec libre et ouvert qu'est Theora.
  3. nombre de standards n'ont pas été implémentés.
  4. IE9 ne sera pas disponible sur Windows XP, qui représente l'immense majorité des utilisateurs de Windows pour l'instant.

Conclusion

J'ai du mal à avoir un avis tranché sur l'annonce de Microsoft. D'un côté, le progrès par rapport à IE8 est très significatif, et c'est tant mieux pour le Web. D'un autre côté, la liste des standards non supportés par IE9 est longue comme un jour sans pain (ou une journée de développement Web sans Firebug), comme le démontre le site What Can I use. On peut toutefois espérer que les futures versions beta d'IE9 feront des progrès dans ce domaine, ce qui pourrait bien sonner la mort de Silverlight et — pour peu qu'IE9 soit rapidement adopté — un vrai bond en avant pour le Web. C'est tout ce que je souhaite !

Quelques liens complémentaires

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