Dans 01Net, un directeur informatique (sous le pseudonyme de Mister Blue) s'exprime. Cela donne Le vrai coût du "renard de feu".

Sous la pression de ses collaborateurs, il trouve Firefox qu'il semble apprécier. Mais (il y a toujours un mais), je cite : certains sites « mal programmés », même s'ils ne sont qu'en HTML, apparaissent différemment selon Firefox ou IE6. De même, les composants .NET et ActiveX, d'origine Microsoft, ne fonctionnent que par l'intermédiaire d'une solution de contournement.

Le projet Mozilla a décidé de ne pas supporter la technologie ActiveX pour plusieurs raisons, et principalement pour des raisons de sécurité. Ce qui explique pourquoi nos logiciels ne fonctionnent pas avec ActiveX (même si j'aimerais bien que nos utilisateurs puissent se rendre sur Windows Update avec Firefox).

Le directeur informatique anonyme continue :

Ne plus dépendre de Microsoft ne me chagrine aucunement, car je considère que les situations de monopole tuent la créativité. Je souhaite donc de tout coeur que ce projet aboutisse,

A la bonne heure ! (Eh, Mister Blue, on accepte les dons !)

mais je reste circonspect sur ses chances, car de nombreuses sociétés ont développé, sans vraiment en avoir conscience, des applications web compatibles IE et non W3C. Aussi, même si les développements futurs tiendront compte de cette nouvelle concurrence, le coût de remise à niveau risque de se payer très cher.

C'est une certitude. Ce qui est important dans son propos, c'est ça : de nombreuses sociétés ont développé, sans vraiment en avoir conscience, des applications web compatibles IE et non W3C. Ca n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de les prévenir, via OpenWeb et sa rubrique Décideur, ou encore le Strategy Central du défunt Netscape DevEdge (Voir la version française d'un article fondateur). Mais on sait bien qu'il n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

Alors la sortie de Firefox, et son succès (voir les autres articles de ce blog) est indéniablement l'occasion de se remettre en question, dans les Directions des Systèmes d'Information : pourquoi faire un Intranet limité à Internet Explorer ? Pourquoi utiliser les technologies standards de l'Internet pour les limiter à un seul navigateur ? C'est une incroyable abberation, à mon sens, d'autant plus que quand une entreprise en rachète une autre, on se trouve sans pouvoir contrôler le navigateur installé sur les postes des nouveaux entrants. On mesure aussi à quel point l'entreprise utilisatrice est dépendante de son fournisseur si celui-ci est dans une position monopolistique.

J'en discutais avec mon ami Benoît Rigaut, qui travaille chez un grand nom de la distribution française. Je le cite (avec son accord) :

on a developpe sous .Net, donc il y a un effet de couplage avec le navigateur: c'est l'IDE Visual Studio .Net qui a la magie (et l'aide à la productivite est réelle) de masquer pour le developpeur les interactivités client/serveur en lissant les différences de prise en charge "coté serveur" versus "coté client". Bref le developpeur fait du javascript sans même le savoir (ce qui n'est pas toujours sans poser problême) et ce code est "optimisé" par navigateur... ce qui pose problême dans certains cas.

On voit bien là la manoeuvre de Microsoft, qui fait des outils de développement (souvent bon), qui lient le client à tous les niveaux, du client au serveur en passant par les outils bureautique et ces fameux outils de développement. Comme le souligne Benoit, on peut y gagner en productivité à court terme, je ne le conteste pas. Mais on y perd indéniablement, et de façon durable, en marge de manoeuvre. C'est l'éditeur qui décide pour vous. La preuve ? Quand Internet Explorer est entré en sommeil (en 2001 avec IE6), que pouvaient faire les clients pour avoir de nouvelles fonctionnalités ou plus de sécurité ? Rien, absolument rien. On pouvait toujours en parler au commercial Microsoft (vous avez vu autre chose de Microsoft, à par Bill Gates à la télé ou Steve Ballmer dans un clip video ?), il n'en a rien à faire. IE avait 95% de parts de marché, et en plus, comble de l'ironie, il était gratuit, donc ne rentrait pas dans le calcul des commissions de l'ingénieur commercial (oui, c'est comme ça qu'on appelle un vendeur en Audi A4 dans l'informatique).

On se retrouve donc avec un système d'information qui ne peut évoluer que dans la mesure où un gigantesque éditeur, dont le siège social est à des milliers de kilomètre de chez vous, y voit une perspective de forte croissance. Et de toute évidence, il n'a pas sur voir cela dans IE, et pour cause...

Les directeurs informatique sauront-ils tirer parti des erreurs du passé et garder le contrôle du leur système d'information ? Seul l'avenir le dira. Mais mon petit doigt me dit qu'un DI qui sera passé à coté des Standards du Web, des formats ouverts et des logiciels Libres (sous Windows ou pas) aura intérêt à se cramponner à son fauteuil, qui pourrait bien s'avèrer éjectable !

Il faudrait aussi que Mister Blue se souvienne d'où vient son pseudonyme : de l'excellent (et très sanglant) Reservoir Dogs. Pendant tout ce film de Tarantino, on se demande qui tire les ficelles, et à force de ne pas savoir, l'histoire finit dans un bain de sang.

Serais-ce aussi le cas, toutes proportions gardées, dans le milieu très feutré de l'informatique professionnelle ?