Voilà un sujet que j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'aborder, à savoir la relation entre publicité/marketing et blogosphère.

Justement, deux nouveaux billets viennent de sortir, qui éclairent assez bien mon point de vue :

Commençons par une interview de Dan Gillmor, où ce dernier, auteur de We the media[1]. Gillmor explique ceci :

Pendant le passage de Katrina, un homme est resté enfermé dans une tour, depuis laquelle il a blogué, donnant ainsi un point de vue intéressant sur le désastre. Je l'ai lu parce que des blogueurs que je lis ont pointé vers son site, mais je l'ai également cru parce que certains de ces blogueurs, auxquels je fais confiance, pointaient vers lui. Je crois à un système de "main invisible", à un système vertueux de réputation. Il est encore assez primaire aujourd'hui, et l'améliorer est une affaire d'outil, de technologie. Il faut créer les logiciels qui nous permettront de combiner la popularité (qui n'est pas la qualité, bien évidemment), avec la réputation, le "qui fait un lien vers qui" et la crédibilité intrinsèque de chacun.

Voilà un point essentiel : la crédibilité, et donc la réputation. Une des grandes différences entre un bon et un mauvais blog, au delà du sujet traité et de la qualité de la plume, c'est sa réputation.

Dan Gillmor va plus loin (l'emphase est de mon fait) :

La menace réelle (NdT : pour les journaux), aujourd'hui, ne concerne pas la forme ou le contenu, mais le modèle économique. La part de la publicité dans les revenus des journaux est grandissante. Or, pour les publicitaires, l'idée même de faire du journalisme devient ridicule : pourquoi faire cela, ce n'est pas leur métier, ils ne font que rendre un service, transformer du papier en support pour des pubs... Or, les annonceurs se font rares, et les journaux ont de moins en moins les moyens de s'offrir des journalistes. Les blogs reprennent peu ou prou le même modèle économique : ils gagnent de l'argent en vendant de la publicité, ou grâce à des systèmes d'affiliation qui eux posent un vrai problème au niveau de l'honnêteté du contenu.

Autrement dit, le problème de fond n'est pas de savoir s'il est mal ou pas de faire de l'argent avec les blogs, mais bien de savoir dans quelle mesure l'arrivée de l'argent dans la blogosphère risque de l'impacter négativement, en terme de réputation et d'honnêteté de l'auteur.

Ce propos est illustré à merveille lors de la conférence BlogOn 2005 qui s'est terminée avant-hier à New-York. Quelques notes ont été prises par des blogueurs, en voici un extrait :

La question la plus difficile : Les marketeurs et les blogueurs peuvent-ils s'entendre ?

La question la plus facile : Est-ce que le Juicy Fruit Blog craint ?[2]

Grande observation : Il y a eu beaucoup de discussion à propos d'écoute, de transparence et de confiance aussi.

Un blog, c'est un site avant tout personnel et authentique. C'est pour cela que Le journal de ma peau était une catastrophe ! Une utilisatrice fictive s'extasiait quotidiennement sur l'incroyable efficacité d'un produit de beauté. Heureusement, après s'être fait écharper par la blogosphère francophone, on a pu assister à un retournement de situation et un Mea Culpa de circonstance qui furent bienvenus. On sait maintenant que le blog est tenu par une équipe marketing. Mais savoir leurs prénoms respectifs, voir leurs photos, c'est tout de suite bien plus transparent, et donc crédible... (En passant, on comprend mieux pourquoi je trouve que faire écrire son blog par un nègre est totalement crétin : c'est tromper le lecteur, avec le risque qu'il s'en rende compte, avec des conséquences désastreuses comme le journal de ma peau et le juicy fruit blog).

Il appartient à la blogosphère de s'assurer que les blogs sont crédibles. Il y a quantité de façons pour cela, et les dernières recommandations de Nielsen le confirment : la biographie de l'auteur est essentielle. Son franc parler, son honnêteté, sa franchise aussi. Nielsen a raison à 100% de dire qu'il ne faut pas oublier que l'on devra un jour répondre de nos écrits. Si on pipeaute, ça finira par se voir. De même, il faut toujours citer ses sources (comme le dit Gillmor), vérifier l'info, ne pas publier de canulars (à moins d'indique que s'en sont). Il faut indiquer si on a des intérêts dans les sujets qu'on couvre (ces fameux disclaimers que je trouve essentiels).

C'est en s'astreignant à la nuance, la transparence et à la franchise, sources de crédibilité, que le blog gagnera ses lettres de noblesse. Oui, j'écris au futur, car nous n'y sommes pas encore.

Notes

[1] Tiens, et si j'avais mis un lien Amazon avec affiliation, j'aurais peut-être touché quelques Euros, sur ce coup-là ! Rien que cela amène un biais dans la discussion : est-ce que je parle de ce livre parce qu'il est intéressant, ou parce que c'est l'occasion pour moi d'empocher quelques piécettes ? Rien de gênant à "monétiser" son blog, à condition que cela soit clairement exprimé.

[2] La réponse est effectivement évidente. Ce pseudo-blog, écrit par des marketeux, est unanimement traité d'accident industriel. Voir TechCrunch et Business Week, par exemple (mais je n'aime pas tellement l'unanimité, personnellement : ça me fait trop penser aux élections truquées ou aux lynchages).