Il n'est pas facile de se faire une idée de ce qu'est vraiment le problème du projet de loi DADVSI, discuté en ce moment même. J'essaye de me documenter, de prendre les informations de chaque bord avec un peu de recul. C'est pourquoi j'ai été ravi de lire le nouvel article de ZDNet.fr : Droit d'auteur : le ministre de la Culture monte au créneau pour défendre son texte. Voici une réponse à ce que notre ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres, explique dans son entrevue avec Estelle Dumout :

La première mesure phare du projet DADVSI consistera à sanctionner, comme acte de contrefaçon, tout détournement d'un dispositif technique de protection anticopie.

Cette mesure est une aberration. Oh non, je ne prône pas le piratage, loin de là. Je suis même un fervent défenseur de mes droits en tant qu'auteur. Mais il faut se souvenir qu'il n'est pas possible, dans l'état actuel des choses, de lire un DVD sous Linux en étant parfaitement respectueux de la loi. Pourquoi ? parce que les DVD sont protégés, et que pour les lire sous Linux, il a fallu contourner la protection via des procédés de retro-ingénierie. Sinon, la lecture était limitée aux machines sous Windows ou sous Mac OS X. Le mécanisme de protection anticopie est une arme de premier ordre pour les éditeurs de logiciels propriétaires pour éliminer les logiciels Libres. Bien sûr, on trouve des solutions au problème si on accepte de fermer les yeux sur cette loi absurde. Mais cela empêche les distributions Linux 100% libres de lire des DVD. Autrement dit, ça restreint leur audience à une poignée de passionnés.

Cette mesure "ne remet pas en cause le système de décompilation (reverse engineering, Ndlr) pour les logiciels libres", soutient le ministre. "Nous n'avons pas pour objectif le cloisonnement des consommateurs sur une seule plate-forme".

On peut toujours affirmer cela, mais ce que je vois de la loi me laisse penser le contraire.

la troisième mesure sera un amendement concernant la responsabilité des éditeurs de logiciels peer-to-peer. (...) Les éditeurs devraient ainsi être tenus responsables, s'ils ne tentent pas de mettre un terme aux échanges illicites réalisés par leur intermédiaire. Par quel moyen? Le ministre n'a pas pu encore transmettre la version finalisée de cet amendement.

Il est certain que certains acteurs commerciaux voient le piratage comme étant un marché juteux, et c'est vraiment lamentable[1]. Est-ce une raison pour interdire les systèmes légitimes de peer to peer comme BitTorrent ? J'ai de nombreuses fois utilisé BitTorrent pour télécharger de grands volumes de données de façon légale, en l'occurence des images ISO de distributions Linux. La dernière fois, c'était pour notre serveur Mozilla-europe.org, une Debian ou une Knoppix, je ne sais plus. BitTorrent est un système formidable pour distribuer massivement un logiciel Libre, en particulier au moment où sort une nouvelle version, et où les serveurs sont saturés par la demande. BitTorrent peut sûrement être utilisé à des fins condamnables, mais faut-il pour autant l'interdire ? Interdit-on les téléphones car ils peuvent servir aux preneurs d'otages ? Interdit-on les avions de voler car ils peuvent servir à commettre des attentats ? Non.

Il était un temps question de leur imposer d'installer des systèmes DRM sur leur logiciel. Ce qui a déclenché un véritable tollé, tant d'une partie des ayants droit musicaux, des associations de consommateurs, des partisans du logiciel libre, que des webradios. Renaud Donnedieu de Vabres est resté vague sur ce point: "Nous n'allons pas instaurer de mécanisme d'agrément", s'est-il contenté de déclarer. "Les créateurs pourront toujours choisir librement leur logiciel de codage".

Oui, c'est bien vague, et c'est même la raison de mon inquiétude. De la mienne, et de 120.000 autres signataires de la pétition !

Notes

[1] Pour mémoire, les Fournisseurs d'Accès à Internet ont longtemps laissé entendre dans leur publicité pour l'ADSL que le haut débit était formidable car il permet de "télécharger plus rapidement", et "d'acceder à la musique et aux films en ligne", à une époque où les plates-formes légales de téléchargement étaient inconnues du grand public.