J'ai mentionné dans mon précédent billet ceci :

Microsoft muscle son dispositif antipiratage de Windows et ce qu'on lit fait peur : Microsoft a intégré dans le système des mesures coercitives pour forcer l'utilisateur à acquérir une licence. Elles se concrétisent par des "notifications", en fait des pop-up, qui s'affichent à l'écran lors de l'utilisation de Windows. Leur contenu rappelle que la copie de l'OS n'est pas une version originale, et fournit des liens internet pour procéder à l'acquisition de la licence. (...) le logiciel affichant ces notifications ne peut pas être désinstallé, indique Microsoft.. Si l'on ajoute à cela la problèmatique des DRM, on peut voir ici une façon élégante de rappeler que votre ordinateur ne vous appartient plus...

Cette information m'a valu un courrier des lecteurs très inhabituel, ce qui mérite bien une petite explication, que voici.

Le vrai problème du piratage, c'est le prix de "l'objet informatique". Si vous deviez être le seul client à acheter Windows, cela vous coûterait probablement de l'ordre du milliard de dollars ou deux[1], dans la mesure où vous seriez le seul à porter le coût de développement. A coté de cela, on trouve Windows XP Pro à 445 EUR à la FNAC, Windows XP Home OEM à 95,95 EUR chez GrosBill.com. Pour rajouter à la confusion, un logiciel qui fait des choses comparables, par exemple Ubuntu Linux (avec une suite bureautique et à peu près tout ce dont on a besoin) est téléchargeable gratuitement. Alors voilà, on vient de constater que le prix d'un système d'exploitation pour ordinateur personnel se situe quelque part entre 2 milliards de dollars et rien du tout. Nous voilà bien avancé ;-)

Je vous encourage à lire un excellent article sur le sujet (malheureusement en anglais) sur ce sujet : Les chameaux et les canards en plastique. En substance, il n'y a pas de prix unique pour le logiciel, dans la mesure où les clients sont prêts à acheter à des prix différents. Pour bien faire, il faudrait vendre cher à ceux qui ont beaucoup d'argent, et peu cher à ceux qui en on peu. Tout en empêchant aux riches d'acheter la version bon marché (sinon ça ne marche pas). Et même, on pourrait donner gratuitement à ceux qui n'ont pas d'argent une version gratuite (éventullement limitée) du logiciel, comme ça ils auraient envie de l'acheter le jour où ils auront de l'argent.

Quand on y pense, c'est exactement ce que font Microsoft et d'autres éditeurs de logiciels. C'est ainsi que MS-Word a 92% de parts de marché. Les entreprises le payent cher, les professeurs et les étudiants le payent 70% moins cher, les particuliers fauchés vont acheter une version étudiante en passant par le petit neveu et les p'tits malins vont utiliser une version piratée qu'ils n'auraient probablement jamais achetée. En gros, tout le monde paye en fonction de ses moyens. Dit comme ça, on pourrait croire que Microsoft (et les autres éditeurs) pratique des méthodes communistes bien éloignées de l'économie de marché :-D. Plus sérieusement, et très concrètement, c'est juste une façon d'adresser les différents segments de ce marché. Dans un autre genre, Adobe fait de même, en proposant Photoshop à un prix délirant (1070 EUR) pour les pros, Photoshop Elements à 88 EUR pour les amateurs, sans compter les versions piratées qui circulent un peu partout, qui sont surtout utilisées par les étudiants et autres free-lance un peu fauchés qui ne pourraient pas mettre plus de 1000 EUR dans un logiciel.

En substance, le piratage, c'est juste une façon de gagner des parts de marché auprès des gens qui ne pourraient pas payer pour le logiciel, tout simplement. Ce qui est très amusant (mais hors sujet aujourd'hui), c'est que le même propos s'applique directement à la musique.

Il y a une autre façon de voir les choses : le prix est un signal. Le prix véhicule l'idée que si c'est cher, c'est que c'est vraiment bien, alors que si c'est bon marché, voire gratuit, soit c'est nul soit ça cache quelque chose.

Alors que le lancement de Windows VISTA se précise pour le début de l'année prochaine, commencer à gêner les utilisateurs pirates de Windows XP, c'est surtout une préparation psychologique pour qu'ils s'acquittent d'une licence Windows VISTA. (A moins, bien sûr, qu'ils ne préfèrent pencher du coté de Linux).

Que les choses soient claires : je vous encourage à utiliser des logiciels en respectant leur licence. S'ils sont payants, achetez les plutôt que les pirater. S'ils sont Libres et gratuits, utilisez les, parlez-en autour de vous, et faites un don.

Pourquoi donc ai-je fustigé la démarche de Microsoft dans mon dernier billet ? Il y a quelque chose qui me gène bigrement en ce début de siècle, c'est que l'ordinateur, qui est un formidable outil de traitement du savoir, ne soit plus entre les mains des utilisateurs, mais entre celles d'entreprises, avec tous les risques de dérives que cela comporte, y compris au niveau des DRM. D'où l'importance des logiciels Libres plus à même de laisser à chacun le contrôle de la machine.

Notes

[1] Ceci est un très très vague estimation, c'est probablement beaucoup plus...