Imaginez-vous un magasin de prestige qui refuserait l'entrée aux clients équipés de chaussures de cuir ? Ca serait aberrant, bien sûr. Pourtant, Air France, Arte et Microsoft ont réussi à le faire... sur le Web !

Revenons tout d'abord à l'histoire du Web, pour resituer le contexte : il y a une quinzaine d'années, le Web a été créé par Tim Berners-Lee avec une idée fondamentale, chacun pourrait y publier et lire des informations quel que soit le type d'ordinateur utilisé. En effet, Tim Berners-Lee était à l'époque chercheur au CERN, à Genève, un centre de recherche international où chaque chercheur débarque avec son propre matériel informatique, incompatible avec celui de ses collègues. Cela empêche l'interopérabilité des systèmes, donc l'échange d'informations entre chercheurs, ce qui ets peut-être l'un des péchés capitaux dans ce genre de métier. C'est pourquoi Tim Berners-Lee a défini un format standard pour les documents, le HTML ; un protocole standard pour échanger ces documents, HTTP ; et la notion d'URI, pour désigner chacun de ces documents de façon unique. Depuis, sous l'égide du W3C, dirigé par Tim Berners-Lee, on a inventé le format standard de présentation des documents, CSS (et ben d'autres choses, dont XML, le DOM, etc...)

L'intérêt de ces standards, c'est l'interopérabilité. Très concrètement, c'est ce qui fait que ce document, rédigé sur un Mac, publié sur un serveur Linux, est affiché sur votre PC (probablement sous Windows) votre Blackberry, ou votre téléphone mobile (ou lu par un synthétiseur vocal ou une plage Braille si cela vous convient mieux).

15 ans après l'invention du Web, qui est donc utilisé par plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde, il y en a encore qui n'ont pas bien compris l'importance des standards. J'en ai trouvé trois ce matin :

  1. ARTE pour sa video à la demande ;
  2. Air France et Americain Express pour leur programme de fidélité commun ;
  3. Microsoft pour les vidéos de sa récente conférence Mix 06 France[1]

Aucun de ces sites ne fonctionne correctement avec Firefox, qui représente, d'après la dernière étude Xiti, 17,4% des visites effectuées sur le Web français.

On peut avoir du mal à comprendre comment trois sociétés a priori sérieuses, peuvent décider de faire l'impasse sur 17,4% de leurs visiteurs. Mais il y a pire : Firefox est le navigateur de référence pour les utilisateurs avancés, les gens qui ont fait le choix d'un navigateur moderne et ont eu la démarche de l'installer sur leur machine. Autrement dit, ce sont les gens les plus susceptibles de regarder Arte, de voyager fréquemment en avion, et d'acheter des logiciels.

Bref, ne pas supporter Firefox sur son site est une aberration commerciale, mais dans le cas d'Arte, d'Air France et de Microsoft, c'est une faute professionnelle grave.

Je terminerai avec une citation de Bertrand Lemaire, journaliste au Monde Informatique sur le sujet :

Rappelons que Firefox, navigateur salué même par Bill Gates, est utilisé par environ 20% de la population. Pire : ce sont 20% qui se préoccupent volontairement du contenu de leurs ordinateurs et que l'on peut donc classer dans les "éduqués", donc a priori plutôt à plus hauts revenus que la moyenne. De plus, fiers de leur navigateur qui les distingue du vulgum pecus, ils auront sans doute davantage tendance à râler quand quelque chose ne va pas. S'il y a des clients (ou des prospects) à soigner, ce sont donc bien eux...

Notes

[1] en demandant The Next Web Now en VO de Steve Ballmer, on se voit envoyé sur les roses, "This webcast is not compatible with this navigator Please use Internet Explorer 6.0 or more"). Notons que, pour Mix 06 aux USA, les vidéos fonctionnaient parfaitement dans Firefox sur mon Mac.