Il y a quelques jours, j'étais au Club-Sénat pour parler des dix dernières années d'Internet. Par rapport au texte que j'avais préparé (et publié par la suite), mon discours a été nettement plus musclé, ce qui a semble-t-il reveillé (un peu) la salle.

Je n'ai pas trouvé le temps de parler des défis à venir pour le Web, jusqu'à ce que le jeune Grégoire Coustenoble, étudiant en licence de communication, décide de m'interviewer. Dans un élan de charité qui finira bien par me perdre, j'ai pris un peu de temps de sommeil pour lui répondre. Je retranscris ici sa dernière question, et la réponse que je lui ai donné, tout simplement parce que ça correspond peu ou prou à la deuxième partie de ce que j'ai dit au Sénat :

Question :

Quelles sont, pour vous aujourdhui, les perspectives d'avenir du web ?

Réponse :

Le Web, et Internet en général sont des chances pour l'humanité que ce soit en terme d'accès à la Culture, pour la création de Communautés d'interêt, ou encore pour le Commerce. A mon sens, c'est comparable en terme d'impact à l'invention de l'imprimerie par Gutenberg. Tout cela a été rendu possible par l'existence de standards auxquels il suffisait d'adhérer pour se connecter au Web. Je pense au protocole HTTP, au langage HTML et au réseau TCP/IP, en particulier. Cela a été source d'une innovation jamais vue auparavant. Mais maintenant qu'Internet est devenu un outil utilisé par plus d'un milliard de personnes, il est extrêmement tentant, pour des grandes entreprises, de tenter d'en privatiser une partie, au dépends de l'intérêt commun. C'est arrivé par exemple avec la messagerie instantanée, où un client d'AOL Instant Messenger ne peut peut pas discuter avec un client de MSN Messenger ou un client de Google Talk. Est-ce que la téléphonie mobile serait aussi pratique (et donc répandue) si on ne pouvait pas appeler un poste SFR depuis un mobile Orange ? Non, bien sûr. Et pourtant c'est ce qui se passe dans le domaine de la messagerie instantanée. Il en est de même avec la téléphonie dite “sur IP”, dont Skype est le représentant le plus connu. Pour téléphoner gratuitement d'un ordinateur à un autre ordinateur, il faut que les deux soient équipés de Skype, sinon ça ne fonctionne pas du tout. Voilà deux exemples de privatisation d'Internet qui ont réussi aux entreprises, aux dépends des utilisateurs et de l'avenir d'Internet. Il est essentiel que les entreprises privées puissent gagner de l'argent en proposant leurs services sur Internet, mais je pense qu'il faut être très vigilant pour que cela ne limite pas le potentiel d'Internet.