Exhumée par Framablog d'une interview de 2006 par Ecrans.fr[1] :
Toutes les libertés dépendent de la liberté informatique, elle n’est pas plus importante que les autres libertés fondamentales mais, au fur et à mesure que les pratiques de la vie basculent sur l’ordinateur, on en aura besoin pour maintenir les autres libertés. Profitant de la faiblesse de la démocratie contemporaine, les grandes entreprises sont en train de prendre le contrôle de l’État, ce sont elles qui contrôlent les lois, pas les citoyens.
C'est ce que je voulais dire dans mon billet polémique sur l'iPad qui portait non pas sur la qualité du produit en tant que tel, mais bien le fait que quelqu'un (Apple) décide ce que je peux ou ne peux pas faire tourner comme logiciels sur MON ordinateur[2]. J'ai pourtant bien peur que cette liberté ne soit grandement menacée, à l'heure où la neutralité du Net (avec le grand revirement de Google), ACTA sont d'actualité, comme la bataille autour des codecs vidéo (H.264 contre WebM et Ogg Theora) ou celle de Flash et Silverlight contre HTML5+CSS3.
Notes
[1] Pour ceux qui passent par ici en ignorant qui est Richard M. Stallman, je les encourage à cliquer sur le lien précédent (Wikipedia) et à lire par exemple Philisophie du projet GNU et Définition d'un logiciel Libre.
[2] Car quoi qu'on en dise, un appareil sur lequel je peux installer des applications est un ordinateur, même sans clavier matériel…
12 réactions
1 De Jean - 12/08/2010, 18:20
J'ai personnellement plus peur d'ACTA que de l'iPad. Même s'il faut rester vigilant il existe(ra) une pluralité de fabricants de tablettes et c'est ce qui importe. Quand à H.264 qui est un standard industriel c'est absolument hors sujet… sauf à abandonner tous les standards brevetés que nous utilisons sans le savoir et retourner élever des moutons en construisant des objets en bois avec seulement notre couteau et des bouts de ficelle du domaine public.
2 De Edwin Khodabakchian - 13/08/2010, 06:31
Je ne suis pas un fan de la position d'apple sur iOS mais je pense que leur point de vue est que leur client les payent pour qu'ils fassent les choix technologiques, s'occupe de l'integration et offre un produit fini/poli. Ils jouent aussi sur le fait qu'ils offrent 2 "app stores": 1) une "curated/fermee" ie l'appstore et 2) une ouvert HTML5/le web. Je pense que la raison pour laquelle ils ont un tel succes est que c'est deux arguments raisonnent bien about 90% des gens qui veulent simplement utiliser leurs ordinateurs - d'autant plus qu'il n'y a pas beaucoup de pipot dans leur discours: ils support vraiment le web and offrant la meilleur implementation mobile de HTML5 (CSS acceleration included). La meilleur facon de les combattre est de continuer a pousser HTML5 et/ou un model hybrid d'application HTML5 telechargeable via l'app store.
3 De Yggdrasill - 13/08/2010, 08:42
@Jean : Je n'ai rien contre l'iPad hormis ne pas comprendre son intérêt mais le fait que Apple diversifie des produits dont elle garde le contrôle ne peut que pousser les entreprises vers une singularité de contrôle (Si pour Apple ça marche, pourquoi pas pour moi?).
Avec les téléphones, on se dit, tous les acteurs se veulent ouverts (pour contrer Apple), mais ce n'est que de la poudre aux yeux pour mieux vendre. Le fait que les entreprises gagnent en puissance et décide du sort du monde dans lequel on vit implique forcement que leur méthode aura un impact décisif sur l'avenir.
On pensait avoir toucher le fond avec les pratiques frauduleuses de Microsoft mais maintenant, avec ce qu'il se passe, je pense que l'on va vers une aire toujours plus tourner vers l'argent et donc la suppression de toutes les libertés durement gagner (bien sûr, il ne tiens qu'à nous de changer cela)
4 De Phil - 13/08/2010, 08:55
Je pense que les citoyens soucieux de leurs libertés sur Internet (ou libertés informatiques en générales) vont trouver echo chez les partis pirates tel que le parti pirate Suédois. Aujourd'hui j'ai le sentiment qu'il y a un décalage énorme entre la population qui s'est appropriée Internet et une classe politique qui n'a pas encore saisi les possibilités qu'offre un tel moyen de communication et qui semble uniquement raisonner par analogie avec ce qui existe déjà. Pour reprendre les idées postées ici même, il est temps de s'attaquer à ce qu'on peut réaliser dans une économie d'abondance, où la copie est gratuite.
Finalement ce parti pirate me fait penser au partis politiques "verts", il exprime une volonté de la population que de part son pourcentage aux élections, les autres groupes politiques ne peuvent ignorer. Du coup les idées de ces partis sont mieux représentées grâces à leurs voies et ils peuvent également mieux informer et sensibiliser à leur cause avec leur voix.
5 De FakirSéditieux - 13/08/2010, 09:14
''> J'ai pourtant bien peur que cette liberté ne soit grandement menacée, à l'heure où la neutralité du Net
> (avec le grand revirement de Google), ACTA sont d'actualité,
>''
Tu rajoutes LOPPSI, ADOPI, LCEN, LEN et quelques autres, pour avoir une vision plus complète du projet. De quoi douter de la réalité et du futur des démocraties.
Maintenant nous aurions tord de nous plaindre, c'est entièrement de notre faute si ces lois et ce projet de société sont en cours. Nous n'osons plus mettre la pression sur les élus. On ne les met plus en demeure de se prononcer (du moins pour les députés de l'opposition) sur l'éventuelle abrogation de ces lois scélérates.
Trop de petites boutiques pour les dénoncer, manque d'unité, chacun défendant son pré carré, tout est fait pour échouer dans la remise en cause de pareils projets qui nous engagent vers une société toujours plus policée sans être pour autant plus sûre et moins inéquitable.
Globalement les intellectuels, je ne parle pas de ceux qui monopolisent les plateaux cathodiques mais des successeurs de ceux qui se sont engagés dans les années 50 et 60, sont aux abonnés abscents. Peut-être tout simplement parce qu'il n'y en a plus... On reste donc seuls face à un magma politico-médatique hautain, gluant, insaisissable et sûr de son impunité. Quoiqu'on fasse ils paraissent tous d'accord sans jamais, ou quasiment jamais, se prononcer sur rien d'autres que plus de sueur et moins d'avenir radieux.
Pourtant quand les élus croient en quelque chose ils savent y mettre le paquet. Lors du vôte des 35 heures l'opposition de droite de l'époque avait prévenu que lorsqu'elle reviendrait au pouvoir elle les démentèlerait. Parole tenue. Itou pour le travail dominical. Chacun pense ce qu'il veut la dessus, cela fait partie de liberté et de la diversité, mais il faut être lucide et reconnaître que sur ce coup la droite est allée au bout de son idéologie.
Dans quel cas l'actuelle opposition s'est elle prononcée de la même manière ? Pourquoi ? Ne serait ce tout simplement parce qu'elle est en phase avec l'actuelle majorité. Il faut que chacun d'entre nous accepte une bonne fois pour toute ce constat. Et agisse en conséquence. Mais surtout pas chacun dans son coin.
Les logiciels libres, l'économie numérique, l'économie sociale et solidaire (ESS), le développement durable, les scoops, la prise en compte de tous les problèmes de l'écologie (rien à voir avec le parti éponyme qui est un vaste foure-tout d'ambitions concurrentes aux programmes contradictoires) et toutes les expériences - entreprises ou actions locales - peuvent être la base d'une réflexion qui permettra la remise en cause d'une politique que beaucoup récusent mais que la plupart jugent inéluctable par manque d'alternatives crédibles.
Peut-être les alternatives crédibles existent elles mais elles sont ignorées du grand public parce que là encore chacun présente au fil de l'année sa petite boutique, sa petite réussite - collective ou perso - et jamais ne la range derrière une bannière unifiée. Manque de solidarité, manque d'engagement envers les entreprises - pas obligatoirement commerciales - concurrentes sur ce terrain de l'altérité font qu'il est très facile de marginaliser ces nouvelles façons de concevoir et de construire une société sinon moderne, du moins différente avec une perspective moins anxiogène. Il suffit de voir comment les agriculteurs traditionnels perçoivent et traitent les agriculteurs bio, alors qu'eux même sont touchés aussi bien par les maladies dues à la sur-exploitation des produits phyto-sanitaires et à la pression financière des grands distributeurs - toute chose qu'il est facile de percevoir - pour se rendre compte que l'idéologie véhiculée depuis 30 à 40 ans ne laisse pas beaucoup de place aux perturbateurs de l'ordre établi. Si en plus ceux-ci vont à la bataille en ordre dispersé et chacun leur tour vaut mieux aller à la pêche dès que l'occasion s'en présente...
C'est pourquoi Tristan ce genre de billets peuvent participer à une prise de conscience, mais si tous les leaders d'opinion n'essaient pas de fédérer "la révolte" je commence à douter de leur réelle utilité. Tout cela me semble une goutte d'eau claire dans un océan de...
6 De Stanislas - 13/08/2010, 10:00
Je note que l'inquiétude sur la dictature des grands groupes privés, qui avance inexorablement depuis plus de 20 ans, revient beaucoup sur le net et sur pleins de sujets (informatique, transport, énergie, agriculture, alimentation, distribution, finance bien sûr, etc.).
Comme je sais qu'en proportion du nombre d'internautes très peu de personnes publient ou réagissent sur les sites, je me demande si la majorité n'a pas un taux d'acceptation très haut. A moins que la plupart des gens décident de ne pas s'engager "politiquement" mais s'efforcent de trouver des "combines". C'est fou le nombre de gens qui, autour de moi, ont jailbreaker leur iphone, ou télécharger illégalement leurs applications ou vidéos. Comme si la résignation poussait tout à chacun à répondre à l'avidité des puissants (ou vu comme tel) par la combine et la rapine.
Est ce que l'on peut construire quoi que se soit de durable dans une société avec un tel état d'esprit ?
Stanislas (bien pessimiste aujourd'hui)...
7 De Olivier - 13/08/2010, 13:24
Tu dis "mon" ordinateur. C'est donc que tu l'as choisi (c'est pour le boulot, on te pardonne
Le problème n'est pas tant qu'une entreprise impose ses règles à ses clients. Apple ou n'importe qui d'autre fait bien ce qu'il veut dans les limites de la loi. Le problème est dans cette acceptation dont parle Stanislas. Elle est généralement très mal justifiée par un "j'assume" définitif et ne voulant rien dire.
Que des entreprises contrôlent la marche du monde c'est un fait et c'est inquiétant. Mais ceci n'est rendu possible que par ceux qui font vivre ces entreprises : leurs clients. La solution est pourtant assez simple : refuser. Refuser d'avoir un ipad, refuser de se nourrir avec des produits industriels, refuser de consommer des produits conduisant les producteurs à leur perte, etc. Et accepter ; accepter de perdre un peu en confort (c'est foutrement relatif dans nos sociétés) pour l'éventualité de gagner une société plus équilibrée. Nous sommes une arme puissante mais tellement désorganisée.
Et on peut résumer en une question : vous êtes des esclaves ou des êtres libres ?
8 De Samuel - 13/08/2010, 14:32
@Stanislas
...et quand ce sont les profs qui donnent les "combines" pour pirater les logiciels afin de pouvoir faire leur cours, c'est encore plus déprimant. Aujourd'hui, pour étre un vrai rebel, c'est simple, suffit d'essayer d'étre honnète dans sa vie quotidienne.
Et, moi, je vois çà depuis ma position trés privilégiée alors ceux qui sont moins bien lotis, j'imagine leur rancoeur.
9 De Tristan - 13/08/2010, 16:36
@Edwin (Commentaire #2) : ravi de te voir ici. Je comprends très bien la démarche d'Apple, elle a du sens pour eux et pour beaucoup de leurs clients. Mais elle est dangereuse à mon sens pour la société dans son ensemble, et les clients d'Apple n'ont pas les clés pour comprendre ce danger. D'où mes interventions sur ce sujet, pour donner des perspectives.
@FakirSeditieux (commentaire #5) qui dit : "ce genre de billets peuvent participer à une prise de conscience, mais si tous les leaders d'opinion n'essaient pas de fédérer "la révolte" je commence à douter de leur réelle utilité".
Je fais ce je peux. Faire prendre conscience, via ce blog et les médias quand je peux, ça me permet de toucher quelques milliers de personnes, à peine. Mieux, je travaille sur le projet Mozilla, qui propose à des gens un produit qui intègre les valeurs qui sont les nôtres et les mets à disposition de 400 millions d'utilisateurs. C'est infiniment plus puissant ! (A se demander si je ne vais pas fermer ce blog, d'ailleurs !...)
@Stanislas (commentaire #6) : Ce que tu décris, c'est la société capitalistique. Elle a sûrement plein de défauts, mais elle a aussi des qualités. Il n'y a qu'à voir le progrès réalisé ces 150 dernières années en terme de santé, de congés payés, de confort matériel, etc. (bon, ne parlons pas du niveau spirituel, ou intellectuel, ça pourrait fâcher).
10 De Fakir Séditieux - 13/08/2010, 18:40
> Je fais ce je peux
>
Pas de doute là dessus. Je te suis depuis 2004 (conf à Montpellier). Faut m'excuser mais j'ai un sacré coup de blues en ce moment sur ce type de sujet. En plus il n'y a que 24 heures par jour, que l'on a une famille, une responsabilité professionnelle à assurer au quotidien tout n'est pas simple. Mais j'ai en ce moment un gros doute sur la manière dont nous nous y prenons. C'est comme pour R.S. Stallman qui va l'écouter, qui va le lire. Pour l'essentiel des convertis. Alors que des personnes comme Fred Couchet se coltinent des gens certes curieux mais majoritairement à mille lieux des problématiques de partages de connaissance, de l'open source et autres logiciels libres. Que tu ais publié la citation de Stallman c'est très bien aussi. Je ne la connaissais pas - comme des milliers d'autres d'ailleurs - mais au fond est ce que ça fait avancer le schmilblick ?
> Mieux, je travaille sur le projet Mozilla, qui propose à des gens un produit qui intègre les valeurs qui sont les
> nôtres et les mets à disposition de 400 millions d'utilisateurs. C'est infiniment plus puissant !
>
Oui le projet Mozilla est puissant, mais pas plus puissant. Différent plutôt, même s'il partage avec lui des valeurs et tend à la construction d'un projet plus équitable et plus solidaire.
Mais là encore pas d'angélisme. J'ai encore en mémoire une centrale syndicale majeure responsable du comité d'une grande entreprise publique et connue pour être plutôt très revendicative sur le droit des travailleurs poursuivie en justice pour avoir traitée ses employés comme le pire des patrons...
La question est lorsque l'on voit la tendance un peu chrétienne de penser qu'en prêchant la bonne parole on fera diffuser les idéaux sous tendus ? Est ce que 400 millions de Firefox vont amener 400 millions de personnes ne serait ce qu'à réfléchir à la notion de Logiciel Libre ou de s'informer pour en savoir plus ? Majoritairement les utilisateurs n'y voient ils pas un outil meilleurs que celui qu'ils ont remplacé sur leur(s) machine(s), gratuit qui plus est ?
Je ne sais qui de Firefox ou de ton blog est le plus utile pour diffuser tes convictions. Par contre il y a au moins une chose que je sais c'est ce qui m'es le plus utile au quotidien
Sinon peut-être que ton blog, du moins pour certains articles généraux comme celui-ci devrait faire partie d'un Planet à vocation non-informatique, car ton questionnement ou tes avis sont TRES intéressant, la plupart du temps.
11 De Hybrid Son Of Oxayotl - 14/08/2010, 00:09
@Jean :
Les brevets, si j'ai bonne mémoire, ça n'a qu'une validité de 20 ans. Et quand bien même ça serait 100 ans, je trouve ta vision de la société en 1900 assez… pittoresque.
12 De L'ami du laissez-faire - 14/08/2010, 01:06
Stallman n'a rien compris en gauchiste qu'il est.
Encore un raisonnement obsolète dans la lignée mal comprise de la lutte des classes.
Le groupes politiquement forts (fausses entreprises ou faux syndicats) et les hommes de l'état se renforcent mutuellement par intérêt mutuel. Il n'y pas la moindre prise de contrôle de l'un par l'autre.
Les victimes de cette oligarchie sont évidement nous, les individus politiquement faibles, cochons de payants et moutons soumis.