Non au Minitel 2.0

C'est le buzz du moment : l'équipe de Nicolas Sarkozy aurait demandé à Twitter de suspendre des comptes parodiques. Les twittos commencent à crier à la #SarkoCensure, et on imagine déjà des têtes (virtuelles) portées triomphalement au bout de cyberpiques, et on s'indigne qu'une pareille chose arrive au pays des droits de l'homme.

Pourtant, les règles de Twitter sont claires, quand on lit Parody, Commentary, and Fan Accounts Policy. Twitter autorise des comptes comme "@FauxNicolasSarkozy", mais pas (ou plus) "@_NicolasSarkozy", car c'est sujet à confusion. (On notera que cette règle est récente, il y a encore peu de temps un tel compte était autorisé, à condition qu'il soit précisé dans la courte bio Twitter qu'il s'agissait d'un compte parodique ou de fan). Le propriétaire du nom ou son représentant légal peut donc demander la suspension du compte parodique. Mais ça n'explique pas le zèle malvenu de Twitter pour fermer des comptes comme @SarkozyCaSuffit ou @DehorsSarkozy, qui ne peuvent pas raisonnablement être pris pour des comptes officiels du candidat Sarkozy.

Je suis moi même très préoccupé par ce problème de censure sur Internet. Mais il y a une chose que tout le monde semble oublier en criant à la censure : on pense que Twitter, c'est du Web ouvert, mais non. Twitter, c'est l'exemple type du Minitel 2.0 : un machin centralisé, contrôlé par une société commerciale qui décide de ce qui s'y passe.

J'aime beaucoup Twitter, j'ai plusieurs amis qui y travaillent, mais il ne faut pas prendre ce service propriétaire, centralisé et commercial pour ce qu'il n'est pas, à savoir un protocole ouvert et décentralisé, comme le sont http (le Web) ou smtp/pop/imap (le mail), pour lesquels n'importe qui peut avoir un serveur et participer sans demander l'autorisation à qui que ce soit...

Du coup, si on n'est pas d'accord avec Twitter, on n'a qu'a fermer sa gueule et/ou quitter le service. Mais pour aller où ? L'intérêt de tels réseaux sont justement dans le fait que leur intérêt croit avec le carré du nombre d'inscrits (Loi de Metcalfe). Comme il n'existe pas de concurrent, et qu'il est improbable qu'il s'en crée un jour, on a le choix entre arrêter d'utiliser ce service ou bien fermer sa gueule.

Il faut se souvenir qu'à choisir des services centralisés de ce genre, on donne à des organisations commerciales (Facebook, Google, Twitter, Apple, etc.) des pouvoirs inouïs sur nos vies numériques. Mais à vouloir choisir le service branché, on réalise trop tard qu'on lui a attribué des vertus qu'il n'avait pas. Le réveil n'en est que plus difficile…

Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, je vous encourage à visionner ou à lire l'excellente conférence Internet libre ou Minitel 2.0.

Mise à jour : Bon papier du monde.fr : Twitter : le camp Sarkozy a signalé des comptes pour 'usurpation d'identité'.