Le président Delarue, qui a une haute idée de sa mission et de son indépendance, s’est vite heurté aux responsables des services de renseignement, qui ne cachaient pas leur hostilité au contrôle redoublé de la commission. Les services du premier ministre se sont de leur côté agacés de l’indépendance et du franc-parler du magistrat. Lors de son ultime rapport annuel, le 22 juillet, M. Delarue avait jugé « préoccupant » que, dans les quatre premiers mois de 2015, « la part des avis défavorables qui n’ont pas été suivis par le premier ministre se soit accrue nettement plus substantiellement ». Le premier ministre était passé outre pour « plus du quart » des avis défavorables de la commission, deux recommandations de suppression immédiate d’écoutes litigieuses avaient été ignorées par Matignon, « cette manière de faire est inédite depuis 1991 », avait poliment dit la commission.

La pensée militaire, après le déclin de la menace soviétique, se construit sur l’idée que la population est à la fois le corps à protéger et « le milieu de prolifération de la subversion » : il n’est plus possible de distinguer l’ennemi extérieur de l’ennemi intérieur, qui se cache à l’intérieur même du corps social, comme le fellagha de la guerre d’Algérie.

L’internet des objets tel qu’on l’imagine aujourd’hui n’est pas un vrai Internet. C’est une forêt de silos, construit de bonne foi par des sociétés qui répètent les erreurs de l’histoire. Cela nous donne des équivalents modernes des mainframes isolés, des réseaux locaux ou globaux non compatibles entre eux, comme AOL, Compuserve et Prodigy. C’est ce qu’on devrait appeler le Compuserve des Objets.

On sait que les gens qui ont intérêt à partager leurs données sont ceux qui estiment être plus performants que la moyenne et qu’ils pourraient obtenir des avantages pour cette raison. Le risque, c’est que cela crée une pression sur les individus qui refusent de partager leurs données, qui seraient considérés comme suspects, comme s’ils avaient quelque chose à cacher alors même qu’ils voudraient simplement protéger leur intimité. Reste aussi la question de savoir si les individus savent réellement à quoi ils s’engagent. On a souvent tendance à sur-valoriser les avantages et gains immédiats (réductions, cadeaux,…) et à ne pas anticiper les effets potentiellement négatifs à long terme. Ils pourraient se rendre compte que c’est une boîte de Pandore qu’ils ont ouverte quand 10 ans plus tard, ils ne pourront plus courir aussi vite et se bouger autant.