(Ca va sans dire, mais ça va mieux en le disant : comme indiqué en bas de chaque page de ce blog, ce que j'exprime ici n'est que mon opinion personnelle et ne saurait aucunement être attribué à mon employeur.[1])

Ça fait plusieurs articles que j'écris sur Google ces derniers temps, et certains pensent que je suis en guerre contre la firme de Mountain View. Il n'en est rien. Il faut que que je précise quelque chose d'essentiel : Google est une boîte formidable. Rentable, bien gérée, innovante, qui comprend le Web mieux que personne, qui fait des produits de qualité la plupart du temps. Qui soutient de nombreux projets libres et souvent les formats ouverts. En plus, elle est beaucoup plus écolo-responsable que la moyenne. J'ai plein d'amis et d'anciens collègues qui travaillent là-bas. J'y suis allé déjeuner plusieurs fois à Mountain View et à Paris. Bref, Google — je le répète — est une boîte formidable.

Mais ça reste une boîte. Cotée en bourse. Son devoir, c'est de générer le plus d'argent possible. C'est le système qui veut ça.

Son métier, c'est de profiler les gens, de tout savoir sur eux en leur offrant des services "gratuits". Et de monétiser au maximum ces informations sur moi, avec de la publicité ciblée. Je ne l'invente pas. C'est Andy Rubin, VP de Google qui le dit lui-même : "notre cœur de métier : la publicité".

Mais ne croyons pas qu'il s'agisse de Google en particulier. Une grande partie du business du Web 2.0 repose sur ce principe. Google est le plus gros acteur, mais ça n'est pas le pire. Microsoft aimerait faire aussi bien. Yahoo est pareil. Facebook idem. Et franchement, de ces 4 sociétés, Google est probablement la plus honnête et la plus respectable ! Mais c'est la plus puissante et donc la plus redoutable.

Il y a un accord implicite entre ces sociétés et chacun de nous. C'est : "Laisse-moi tout savoir sur toi, et je te laisse utiliser mes services gratuitement". Mon souci est double :

  1. cet accord est implicite. La plupart des gens ne réalisent pas comment tout cela fonctionne. Ils pensent que c'est gratuit, que c'est une aubaine, qu'on reçoit sans donner.
  2. cet accord est déséquilibré. Il n'y a pas de prix qu'on peut discuter, comparer avec d'autres. Les utilisateurs — sous prétexte qu'il n'y a pas d'argent qui sort de leurs poches — pensent que c'est une bonne affaire. Ils ne réalisent pas que leurs données personnelles, leur vie privée, valent infiniment mieux qu'un peu de temps CPU issu d'un datacenter. Ca rappelle un peu la conquête de l'Amérique, où les colons échangeaient des terres contre quelques verroteries à des indigènes. L'image est forte, je le reconnais, mais elle évoque bien ce marché de dupes, où une des deux parties ignore tout des règles et se fait donc dépouiller d'un bien très précieux qu'elle ne récupérera jamais.

Alors oui, j'aime Google. C'est une boîte formidable. Mais j'aime plus encore ma vie privée, et je compte bien la protéger.

Notes

[1] Voir en particulier Ne pas confondre Tristan Nitot et Mozilla.