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Le projet de loi numérique vient d’être transmis au Conseil d’État. C’est l’occasion de faire un point.

Commençons par un peu de contexte : Au début, le CNNum a lancé une concertation, sur Internet et IRL, à Paris et en régions. Les contributions ont été triées, assemblées, structurées en un rapport de 400 pages constitué de 70 propositions (voir le résumé en vidéo).

Il est évident qu’entre les milliers de contributions et les 70 propositions, il a fallu faire des choix. Certaines contributions étaient farfelues ou hors-sujet, d’autres contradictoires entre elles. Il a fallu faire un tri.

Parmi les 70 propositions présentées au Premier ministre le 18 juin, le cabinet d’Axelle Lemaire (secrétaire d’État au numérique) en a retenu certaines et a lancé une consultation dite République Numérique sur Internet. C’est la première fois qu’une loi est co-écrite avec les internautes. La participation a été massive : plus de 20 000 contributeurs, et près de 150 000 votes. Là encore, il a fallu faire des arbitrages entre propositions contradictoires. Axelle Lemaire l’explique très bien.

Vendredi, le projet de loi a été transmis au Conseil d’Etat, on peut voir ce qui a été retenu… ou pas.

On se félicitera du maintien (pour l’instant) des parties suivantes :

  • Open Data et économie de la donnée (Chapitre 1)
  • Neutralité du Net, Article 16 (anciennement 11).
  • Portabilité et récupération des données, article 18 anciennement 12
  • Loyauté des plateformes, section 3
  • Promotion de la cryptographie par la CNIL, Article 25 (anciennement 17) : la CNIL va promouvoir l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de chiffrement des données
  • Accessibilité, Article 40, anciennement 29.
  • Maintien de la connexion Internet, Article 40, anciennement article 30.

On pourra se lamenter que tout n’a pas été retenu. Il est humain de considérer que l’idée que j’ai eu est la meilleure du monde et qu’elle aurait du être dans la loi. C’est humain, mais pas forcément raisonnable…

Pour ma part, je regrette vivement la suppression de quasiment tout ce qui est lié aux biens communs informationnels (dont le domaine public, le droit de panorama). Seule bonne surprise, l’embargo sur les publications scientifique a été réduit. On voit ici la marque des lobbies de l’industrie culturelle auprès du ministère de la culture (ironie : Fleur Pellerin, ancienne secrétaire d’État au numérique, est devenue ministre de la culture…)

Pour ma part, je suis ravi de voir en particulier les trois sujets suivants soumis au Conseil d’État :

  1. Neutralité du Net. Il y a presque 3 ans, le CNNum publiait un avis sur la Net Neutralité auquel j’ai participé. C’est essentiel de voir un telle disposition arriver dans la loi.
  2. Portabilité des données. Le sujet est encore neuf, mais pour moi il est aussi important que la neutralité du Net : il donne de la liberté aux utilisateurs (pour changer de service), mais il permet aussi, comme la neutralité du Net, à des nouveaux entrants de challenger les acteurs établis. Sans ces deux dispositifs, on se retrouverait dans un Internet oligopolistique.
  3. Promotion de la cryptographie par la CNIL. Il s’agit là de protéger la vie privée et la sécurité des internautes. Voir la CNIL, institution historique, devenir motrice sur ces sujets est un pas important alors qu’on sent la volonté politique de faire la guerre au chiffrement dans une optique de surveillance de masse sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
  4. Mise à jour : Obligation des fournisseur d’accès de permettre l’auto-hébergement. Voilà une excellente surprise !

Et maintenant ? Il convient de rester vigilant lors des prochaines étapes du processus législatif : il convient en effet de s’assurer que l’esprit de la loi loi respecté. Dans ce domaine, le diable est, comme souvent, dans les détails, et les lobbies ne manqueront pas de se mobiliser.

Mise à jour : Le tir de barrage (pour l’instant médiatique) commence déjà : Loi Lemaire : inquiétude sur la portabilité des données. Il va vraiment falloir être vigilant…