Les standards du Web

Pour moi, c'est une simple affaire de bon sens : le Web est une question d'interopérabilité, et donc ça passe nécessairement par les standards. C'est une évidence. Les standards, ça peut-être comme la sécurité : c'est une contrainte. Et au début, on pourrait penser qu'il faut s'en débarrasser, que le monde serait mieux sans ces contraintes. Certes. Mais en y regardant de plus près, on réalise à quel point les standards peuvent être intéressants et puissants par leurs possibilités. On peut se passionner pour les standards. Pour par part, je me passionne pour ce qu'ils permettent. Et mon coté geek renforce la satisfaction que j'ai en réussissant une jolie feuille de style et l'enthousiasme qui me soulève quand j'entraperçois des possibilités prochaines. Mais faire fi des standards, c'est revenir au temps de la préhistoire informatique, celle où il fallait porter soit même la disquette à son interlocuteur, en croisant les doigts pour qu'il utilise le même traitement de texte que vous. J'ai vécu avant et après les standards et croyez-moi, il faudrait être cinglé (ou éditeur de logiciel) pour vouloir revenir en arrière !

L'accessibilité des contenus Web

Là encore, c'est une autre évidence. Oui, s'occuper des problèmes des handicapés peut paraître gnan-gnan, boy-scout, cul-bénit. J'assume. Mais le Web, à mon sens (et ça tombe bien, c'est aussi l'opinion de son inventeur) est fait pour tous. Tous. Oui, même quand on a des problèmes de vue ou qu'on arrive pas à utiliser une souris. Tous, vous dis-je ! Même quand on a une vieille machine. Même quand on n'a pas les moyens de se payer une licence Windows.

Le logiciel Libre

Ou plutôt, la liberté de faire du logiciel Libre. Je pense que c'est le choix de chacun d'utiliser les logiciels de son choix. C'est peut-être même la première des libertés de l'informaticien : celle du choix. Mon "éducation informatique" s'est faite avec logiciel Libre. J'ai du commencer à utiliser Emacs comme éditeur de texte en 85 ou 86, ou Kermit pour transférer des fichiers, époque où j'ai eu la chance, avec bien d'autres (Daniel Glazman, Ludovic Valois, Valentin Lacambre, Maurice Migeon et tant d'autres), de fréquenter le CMI. Mais ça n'empêchait pas d'utiliser des logiciels propriétaires, et d'envisager de travailler à terme dans l'un ou l'autre de ces domaines. Là non plus, je ne suis d'aucun chapelle. Par contre, je suis particulièrement méfiant quand je vois certains acteurs vouloir tuer le logiciel Libre à grands coups de procès, de lobbying nauséabond, de brevets logiciels, de lois liberticides et de désinformation, sous prétexte que le Libre est un concurrent dangereux. Il n'est pas nécessaire de choisir un camp Libre ou propriétaire. Par contre, il est très important, en tant que citoyen, de défendre le logiciel Libre. C'est ce que je fais.

Le Web est important

C'est peut-être ma plus forte conviction. J'irais plus loin, et j'assume de passer pour un techno-idéaliste en disant tout de go : Internet et le Web sont une formidable opportunité pour l'humanité. Le Web, c'est l'opportunité pour chacun d'accéder à l'information, au savoir. C'est l'occasion de partager, de connaître, de publier, d'échanger. Le monde est déjà partagé par les langues, les distances, les cultures, les croyances. Internet a le mérite d'abolir les distances, et d'échanger par delà les cultures et les croyances. Tim Berners-Lee vient d'être une fois de plus récompensé pour son travail, et c'est la moindre des choses. Mais ça n'est pas pour cela qu'il faut le mettre sur un piedestal. Si ça n'avait pas été lui, ça aurait été un autre. Mais TBL avait une vision, hérité de la recherche, une vision humaniste du Web. Tout le reste découle de cette vision. Les standards, l'accessibilité, et les logiciels Libres ou non. Si le Web doit être utilisable par tous, il faut qu'il le soit aussi par les handicapés et les utilisateurs de logiciels Libres. Et si la puissance d'investissement des éditeurs de logiciels en R&D et Marketing est importante (elle a même été vitale pour le développement du Web) elle n'est pas la panacée universelle. Alors allons-y pour une autre déclaration fracassante sur le sujet... Compte tenu de l'absence totale d'innovation et de progrès en terme de navigateurs commerciaux (du coté de Redmond en particulier), j'affirme que Le Web est une chose bien trop sérieuse pour qu'on le laisse aux entreprises commerciales. Et c'est là que le logiciel Libre entre en lice.

Au delà des convictions que je viens d'énumérer, la phrase clé, c'est en fait, je n'en sais rien. Mais alors rien. Faut-il être de droite ou de gauche ? Libéral ou écolo ? Faut-il faire confiance au marché ? Va-t-on dans le mur socialement et écologiquement ? Dieu existe-t-il ou pas ? Faut-il se marier ou pas ? Essence ou Diesel ? Solaire ou nucléaire ? VIM ou EMACS ? Windows ou Linux ? Debian ou Mandrake ? XP ou 2000 ? Fidélité ou amour Libre ? Voile ou vapeur ? Rive droite ou rive gauche ? Classique ou Bobo ? Peugeot ou Renault ? Parisien ou pequenaud ? Scooter ou moto ? Bus ou métro ? Homo ou hétéro ? Karl Marx ou Groucho ?

En fait, je n'en sais rien !

Sur le sujet, je laisse la parole à Linus Torvalds, dans son livre il était une fois Linux :

Les gens me prennent trop au sérieux. Ils prennent trop de chose au sérieux. Une des leçons que j'ai tirées des années où j'étais la mascotte Linux, c'est qu'il y a pire : certaines personnes ne se contentent pas de prendre trop au sérieux pour elles-mêmes. Ils tentent de convaincre les autres de partager leur obsession. C'est devenu une des principales irritations permanentes de mon existence. (...) Avez-vous déjà pris le temps de réfléchir à la raison pour laquelle les chiens aiment tellement les hommes ? (...) C'est parce que les chiens aimment qu'on leur disent ce qu'il faut faire. Cela leur donne une raison de vivre. (...) Hélas, les hommes sont programmés de la même manière. Les gens aiment que quelqu'un leur dise ce qu'il faut faire. C'est intégré à notre noyau. Tout animal social doit être ainsi.

Là, normalement, vous faites comme moi : vous ravalez votre salive, et vous vous demandez ce que Linus a fumé ! Heureusement, il se rattrape juste après :

Mais il existe aussi des gens ayant des idées indépendantes, des gens qui ont des convictions suffisament fortes dans certains domaines pour qu'ils sachent dire : non, je ne suivrais pas. Ils deviennent alors des meneurs. Il n'est pas difficile de devenir un meneur. (C'est forcément vrai, puisque j'en suis devenu un.) A partir de ce moment, ceux qui n'ont pas de convictions aussi fortes dans ce domaine se montrent heureux de laisser le meneur prendre les décisions à leur place et leur indiquer ce qu'ils doivent faire.

Pour ma part, je n'ai pas l'aura d'un Linus Torvalds, et encore moins ses compétences en informatique. Mais je suis, à ma très modeste échelle, un micro-meneur. Et contrairement à Torvalds, je ne déteste pas cela, sinon je n'aurais pas fait un blog, j'aurais un cahier planqué dans un tiroir, enfermé à double tour, et je commencerais chaque billet par Cher journal....

Alors oui, je suis content de partager mes idées sur Internet, le Web, les standards, les logiciels Libres et l'accessibilité Web. Je suis content de partager mes conclusions temporaires de mes recherches sur les autres domaines, mes questionnements sur la politique et l'environnement, mes errements sur l'éthique. Mais il ne faut pas voir en moi un meneur sur tous ces sujets : je suis évangeliste de formation, certes, mais pas messie de vocation.