Politique

Fil des billets

mercredi 10 avril 2019

Citation du jour : Hanna Arendt et l'importance de la vérité

Le chomage baisse monte et se stabilise simultanement.PNG

Copie d’écran par h16

Hannah Arendt, politologue et journaliste allemande, qui a travaillé sur le totalitarisme, expliquait en 1974 une chose qui résonne fortement en cette période de désinformation, de fake news, autant sur la politique que sur l’environnement et bien d’autres choses :

Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple vous pouvez faire ce qu’il vous plaît.

lundi 3 septembre 2018

La démission de Nicolas Hulot

paysage d'Auvergne

Paysage d’Auvergne

C’est arrivé par surprise à la radio, quand Nicolas Hulot a annoncé « Je prends la décision de quitter le gouvernement ».

Mais l’article qui m’a le plus intéressé, parce qu’il touche le fond du problème, c’est celui d’Usbek et Rica : Notre « lassitude de l’apocalypse » nous empêche-t-elle de sauver le climat ?. On y trouve une conférence TED dont la transcription est disponible en français.

J’ai (très maladroitement, je le concède) extrait quelques notes de ce TED talk, qui sont autant de source pour comprendre puis agir face à ce sujet.

5 raisons pour lesquelles on n’entend plus les infos concernant le climat

  1. Distance (le problème est lointain géographiquement ou dans le temps)
  2. Lassitude de trop de catastrophisme depuis des décennies
  3. Dissonance
  4. Déni : je refuse de voir le problème
  5. Identité : je suis attaché à des valeurs[1] qui vont contre le climat.

5 solutions pour rendre le message plus audible et les progrès en faveur du climat plus socialement acceptables :

  1. Social : rendre le progrès écologique plus proche des gens pour le rendre contagieux ;
  2. Supportive, avoir une approche positive des choses faites contre le changement climatique plutôt que de parler de catastrophes à venir ;
  3. Simple : simplifier l’action par exemple avec des techniques de Nudge ;
  4. Signal : disposer d’indicateurs qui montrent régulièrement les progrès réalisés au niveau individuel ;
  5. Story : imaginer un futur excitant compatible avec le respect de la planète.

Mise à jour du 4 septembre : Rugy au poste de Hulot, mais toujours la même politique de Macron . Extrait (l’emphase est de mon fait) :

au-delà de l’organisation de l’Etat, ce qui cloche, ce qui nous mène dans le mur et que les chefs d’État doivent corriger de toute urgence, c’est le modèle économique dominant. Pendant que «la planète est en train de devenir une étuve, que nos ressources naturelles s’épuisent, que la biodiversité fond comme la neige au soleil», Emmanuel Macron, Edouard Philippe comme tous les dirigeants de la planète, pensent croissance, PIB, relance de la consommation… Bref, dixit Hulot, « on s’évertue à entretenir voire à réanimer un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres ». Et alors que «l’enjeu écologique est un enjeu culturel, sociétal, civilisationnel, on ne s’est pas du tout mis en ordre de marche pour l’aborder comme cela». […]

Puisqu’il y a fort à parier que la nomination de François de Rugy ce mardi ne signe pas un sursaut écologique à la tête du gouvernement, c’est à la société civile de se réveiller massivement et de peser de tout son poids. Ces dernières années, c’est grâce à elle, à sa pression sur le politique, que les forages de gaz de schiste ne transforment pas l’Hexagone en fromage suisse. Ou que l’usage des insecticides néonicotinoïdes comme de l’herbicide glyphosate a été (certes encore trop peu) freiné. L’unique espoir est là.

Note

[1] Ces valeurs sont très différentes suivant les gens. Ça peut venir de plein de choses, du genre “il faut faire beaucoup d’enfant” à “le shopping me remonte le moral” ou “gagner beaucoup d’argent est signe de réussite sociale” ou “il me faut une voiture plus belle que celle du voisin”, ou “il faut manger de la viande à tous les repas” etc.

vendredi 2 février 2018

Données personnelles et droit de vendre des organes humains

Rein humain.png

Photo de Rainer Zenz sous licence CC-BY-SA[1]

Il semblerait que j’ai froissé Gaspard Keonig, en comparant la vente de données personnelles (qu’il veut rendre possible dans un récent rapport de son think tank Génération Libre) à la vente d’un rein lors d’un Facebook Live sur la vie privée[2]. Smashée façon punchline entre deux des questions d’internautes balancées en rafales, ma réponse manquait forcément de profondeur. Un tweet rageur et une série de mails de Gaspard plus tard, il est temps de donner une réponse plus claire et plus posée.

Pourquoi comparer la vente de données personnelles à la vente d’un rein ?

À propos de patrimonialité des données

Gaspard, avec qui j’ai d’excellentes relations par ailleurs, m’accuse de de “degré zéro” du débat. Certes, le format Facebook live (tout comme Twitter) laisse trop peu de place à la réflexion de fond et au débat, favorisant la phrase qui tue. Mais je revendique l’existence d’un fond de vrai, et même d’un vrai fond.

Tout d’abord, j’ai commencé à réfléchir au concept de “patrimonialité des données” du temps du CNNum (que j’ai quitté en fin de mandat il y a tout juste deux ans). À l’époque déjà, cela me semblait être une mauvaise idée. Plus tard, le CNNum suivant publiait un intéressant avis sur “La libre circulation des données dans l’Union Européenne”. La page 3 ne peut pas être plus explicite en s’intitulant “Écarter la propriété des données”. Cet extrait résume assez bien ma position :

l’introduction d’un système patrimonial pour les données à caractère personnel est une proposition dangereuse à plusieurs titres. Elle remettrait en cause la nature même de cette protection pour les individus et la collectivité dans une société démocratique, puisque la logique de marchandisation s’oppose à celle d’un droit de la personnalité placé sur le terrain de la dignité humaine.

De la non-patrimonialité du corps humain

Quel rapport avec les reins ? Il faut savoir qu’il est interdit, en France, de faire commerce de ses organes, et c’est bien. En effet, on considère l’humain comme une entité qu’on ne peut soumettre à des contrats. C’est ce qu’on appelle l’Indisponibilité du corps humain (on parle aussi de non-patrimonialité du corps humain), définit dans l’article 16-1 du code civil[3]

Article 16-1 : Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.

Peut-on séparer l’individu de ses données personnelles ?

Aral Balkan, en anglais et à l’occasion de la journée des données personnelles, s’expliquait ainsi (traduction approximative par mes soins) :

Séparer une personne de ses données, c’est retirer à celles-ci ses droits humains, c’est en faire un objet qu’on peut commercialiser. Tous les droits ainsi conférés à l’objet (les données) seront donc moindres que ceux protégeant le sujet (la personne). En traitant les gens et leurs données comme étant des notions différentes — l’une en sujet, l’autre en objet — ce qu’on finit par faire c’est de rendre commercialisable les gens en les découpant en tranches prêtes à être vendues au plus offrant. Voici, en substance, le business model de la Silicon Valley : numériser les gens et être propriétaire des versions numériques.

Voilà. Permettre la patrimonialisation des données personnelles, c’est — métaphoriquement — permettre de revendre par appartements son moi numérique, c’est faire commerce de son corps numérique, en quelque sorte, ce qui est interdit en France pour son corps physique, au nom de la dignité humaine.

Rapport de force

Quand bien même on changerait d’approche en France pour permettre la revente de ses données personnelles, reste une question cruciale : est-ce que ça pourrait vraiment changer la donne ?

On sait à quel point le fisc a du mal à faire payer les impôts sur les sociétés à Facebook, Google et consorts. Les fonctionnaires de Bercy, pourtant très compétents et bien payés (normal, le sujet est d’importance !) sont désemparés alors qu’il s’agit de récupérer quelques milliards ? Alors vous imaginez bien la totale impuissance de l’individu, déjà dépouillé de ses données personnelles à négocier seul face aux GAFAM.

Pour aller plus loin

Trois autres personnes, bien plus profondes dans leur analyse, ont écrit mieux que moi sur ce sujet :

Notes

[1] Rassurez-vous, il s’agit de reins de mouton…

[2] Là, déjà, on sent qu’on frise le WTF niveau 9000…

[3] Immense merci à @Cestmontwyter, @regissme; @Soufron.

- page 3 de 63 -