Politique

Fil des billets

jeudi 4 janvier 2018

Hack-conte (accompte ?) de Noël

soutien quadrature.png

Un hack, c’est plein de chose, souvent mélange de créativité (en détournant un objet technique de sa vocation initiale) et de plaisanterie.

En voici un qui m’a amusé ces derniers jours en rapprochant deux idées :

La Quadrature du Net

Tout d’abord, fin décembre, c’était la campagne de dons de la Quadrature du Net avec, comme presque chaque année, le risque de ne pas réussir à la boucler.

La startup Circle

Presque simultanément, j’entends parler d’un nouveau service, Circle, dont la vocation est de faciliter le transfert d’argent entre particuliers. Mais pour réussir, il faut s’imposer auprès des gens. Aussi, ils cherchent à acquérir des utilisateurs. Ils ont pour cela levé 136 millions de dollars US. Ils proposent en ce moment entre 5 et 10€ à qui parraine un nouvel utilisateur. Mon fils, particulièrement à court d’argent en cette période de fêtes, me fait tester le service et gagne à cette occasion 5€ et me fait aussi gagner 5€.

Et si Circle (le Cercle) aidait la Quadrature sans le savoir ?

C’est là que j’ai rapproché les deux problèmes : la Quadrature a besoin d’argent et Circle en distribue à ses nouveaux utilisateurs ? Il y a sûrement un truc à faire, un hack, une bidouille. J’ai alors touitté la chose suivante :

Idée à la con : tu ouvres un compte sur @Circlepay via ce lien : https://www.circle.com/invite/VZNM9Y . Tu m’envoies 25€. Je te les renvoie, promis. Circle nous donne des sous (5 ou 10€ chacun) pour ça. On les donne à @laquadrature pour les aider à boucler leur campagne. T’es partant ?

Par la suite, j’ai détaillé le processus :

  1. tu ouvres un compte en utilisant le lien que j’ai donné.
  2. tu m’envoies 25€
  3. je te renvoie 25€ (dès que je suis notifié par Circle)
  4. Circle nous donne 5€ chacun
  5. on donne chacun 5€ à @laquadrature

Je le reconnaissais d’emblée : c’est une idée à la con, ce qui est souvent un bon début pour un hack rigolo. Circle n’était pas prévenu (et n’avait probablement pas prévu un tel cas d’usage). La Quadrature non plus ne m’avais pas donné son aval. Je n’ai pas contacté de fiscaliste ou d’avocat pour ça. Mais au final, même si ça me prend un peu de temps, Circle va gagner de nouveaux utilisateurs et la Quadrature pourrait gagner des sous. Et c’est ce qui s’est passé ! 34 personnes ont joué le jeu, ce qui a généré 170€ que j’ai reçu sur mon compte Circle. Là dessus, ma Môman a décidé de rajouter 10€ qu’elle avait gagné de son côté et moi j’ai rajouté les 25€ que j’ai mis dans le système au départ. Total : 205 €

Don quadrature.png

De leur coté, je ne peux pas être absolument certain que les gens qui ont reçu de l’argent de Circle l’ont tous donné à la Quadrature, mais j’ai reçu plein de copies d’écrans qui le prouvaient, très souvent arrondi à 30 €. Au doigt mouillé, j’estime qu’il y a 350 € de donnés à la Quadrature par mes correspondants[1]. Si mes hypothèses sont correctes, ce hack a généré environ 555 € en tout. Ça n’est pas ça qui changera le destin de la Quadrature, mais c’est toujours ça de pris et c’est l’occasion de pousser des gens à donner de l’argent à la Quadrature, ce qu’ils n’auraient probablement pas fait autrement. Ah, et pour le coté plaisanterie de la chose ? J’aime l’idée que l’argent de startupeurs banquiers et de leurs investisseurs serve à défendre nos libertés numériques !

Bref, de quoi bien commencer 2018, année que je vous souhaite excellente, tout particulièrement à ceux qui ont joué le jeu de donner à la Quadrature !

Note

[1] Hypothèses : 9 auraient donné 30 € chacun, 8 auraient donné 5€ et le reste, quasiment la moitié, n’a finalement rien donné parce qu’il a oublié ou eu la flemme.

mardi 19 septembre 2017

CNNum et chiffrement

Le CNNum a publié son avis “Prédiction, chiffrement et libertés”. Les recommandations sont à lire et à garder à l’esprit (au point que Snowden a retouitté l’annonce !) C’est tellement bon que je fais un copier coller ci-dessous :

  • Tout projet législatif et réglementaire qui emporte des conséquences importantes sur les libertés doit faire l’objet d’une vaste consultation préalable ;
  • Le principe de l’intervention d’une autorité judiciaire doit être réaffirmé chaque fois qu’est mise en cause une liberté ;
  • Les pouvoirs publics doivent refuser la logique du soupçon, qui ouvre la porte à l’arbitraire, dans la mise en œuvre des politiques sécuritaires sur Internet ;
  • Le chiffrement est un outil vital pour la sécurité en ligne ; en conséquence il doit être diffusé massivement auprès des citoyens, des acteurs économiques et des administrations ;
  • Le chiffrement – et les libertés fondamentales dont il permet l’exercice – constitue un rempart contre l’arbitraire des États. Il nous protège aussi contre le contrôle croissant des acteurs économiques sur nos vies ;
  • Le chiffrement ne constitue pas un obstacle insurmontable pour les enquêtes. Il est possible de le contourner dans le cadre d’une surveillance ciblée. À ce titre, il est surtout un rempart contre la surveillance de masse ;
  • Plus généralement, compte-tenu de l’augmentation des pouvoirs des services de renseignement et des incidences importantes sur la vie des citoyens, le Conseil s’interroge sur la nécessité d’établir un droit au recours effectif et, au-delà un droit à l’explicabilité des algorithmes de prédiction. Il se questionne également sur l’opportunité de renforcer les incriminations pénales relatives aux atteintes aux données personnelles sur le fondement de la vie privée.

La couverture médiatique est significative :

En guise de Post-Scriptum :

Le CNNum sort un communiqué de presse : Pourquoi le Privacy Shield doit être renégocié, qui donne déjà un article dans NextInpact. Extrait du communiqué :

le « Privacy Shield » présente un trop grand nombre de zones d’ombre et ne donne pas suffisamment de garanties à la protection des données personnelles des Européens. Conformément à l’engagement du candidat Emmanuel Macron, cet accord doit être renégocié pour organiser une circulation des données sécurisée, respectueuse de nos droits et libertés et favorable aux entreprises.

Amen.

jeudi 20 juillet 2017

Projet de loi antiterroriste

Je viens de lire ces trois articles sur un sujet qui me préoccupe :

Chacun apporte son lot d’information :

  • Processus législatif : la loi a été votée par le Sénat. Elle sera débattue par l’Assemblée Nationale en octobre 2017.
  • La personne qui a la main sur le potentiomètre “novlangue” vient de le passer sur 11 (sur une échelle de 10) :
    • on ne dit plus “assignations à résidence” mais “mesures individuelles de surveillance”
    • On ne dit plus “perquisitions” mais “visites domiciliaires” (lesquelles peuvent aussi être faites de nuit).
  • Il faut le rappeler, il n’existe pas de définition du terrorisme ni en droit français ni dans la jurisprudence. C’est pourquoi quand un politique dit “ça ne va toucher que les terroristes”, ça pose un problème, vu que l’absence de définition permet l’arbitraire. Rappelons-nous que le groupe de Tarnac avait été considéré comme terroriste lorsqu’on les a accusé[1] d’avoir saboté des lignes de TGV (zéro blessé), avant d’être requalifiés en simples malfaiteurs ;
  • On voit la diffusion de la notion de « droit pénal de l’ennemi » définie dans les années 1980 par le juriste allemand Günther Jakobs. Selon cette doctrine, les personnes considérées comme ennemies de la Nation n’auraient plus les mêmes droits que les autres. Le simple fait d’être déclaré dangereux par l’administration fait, qu’on a moins de droits que les autres, même si on n’a pas (encore) commis de crime.
  • Les français ne réfléchissent pas mais se contentent de ressentir à la place. On en arrive à des aberrations où 74 % des français interrogés se prononcent pour l’internement préventif des personnes fichées « S », alors même que rien – sur le plan pénal – n’est reproché à ces individus.
  • Rappelons enfin que chaque empiètement sur nos libertés avec de telles lois est un cadeau à d’éventuels politiciens populistes qui pourraient être élus dans 5 ans. Comme le disait le New York Times à propos de cette loi, le texte “pourrait préparer le terrain à de graves abus de pouvoir au-delà du mandat”. Un problème à ne pas négliger : il y a quelques mois on se demandait si Marine Le Pen n’allait pas être élue. Elle pourrait bien l’être dans 5 ans. Trump l’a bien été, lui, et s’il n’a pas déçu, c’est par la quantité et la qualité de ses erreurs.

Note

[1] J’ai reformulé cette partie de la phrase comme le suggérait Taziden. En effet, le procès n’ayant pas encore eu lieu, ils sont accusés mais présumés innocents jusqu’à ce que le jugement soit rendu.

- page 4 de 63 -