J'ai regardé TF1, hier soir. Oui, je réalise qu'avec une telle introduction, on va se demander si je ne suis pas en train d'émuler Garoo. La réponse est non, du moins tant que je n'aurais pas 370 images dans cette page :-) Pourtant, hier, après avoir reçu le nouveau Zeldman, j'ai préféré dîner puis allumer la lucarne magique. Par défaut, c'était TF1. D'abord, j'ai eu le droit à une bande annonce pour Greg le Millionnaire, ou l'on fait croire à 24 donzelles en chaleur qu'un maçon est millionnaire. Ensuite, j'ai eu le droit à une autre bande annonce, celle de Ko-Lanta, où l'on voit craquer nerveusement plusieurs candidats : à vous dégoûter d'aller passer des vacances sur une île au soleil. Après, le temps des choses sérieuses est arrivé. Charles Villeneuve nous a présenté une enquête sur la mort de Lolo Ferrari. Oui, j'ai mis le mot enquête entre guillemets, car en guise d'enquête, on a rien appris de neuf au niveau judiciaire, par contre on a pu se rincer l'œil sur les seins les plus gros du monde, et sur les lèvres les plus trafiquées du 20ème siècle. Du voyeurisme le plus dégradant qu'il soit. La voix off réussit à nous tenir en haleine en distillant le sordide, soutenu par des images d'une incroyable vulgarité. Alternant des images d'archives, on apprend que la jeune femme en question était mentalement diminué, avait une vie sexuelle dissolue, que sa mère faisait passer des entretiens à ses prétendants au mariage, qu'elle faisait des strip-tease dans des boites minables, qu'elle avait tourné plusieurs films pornos, que son mari la prostituait, qu'elle avait finit anorexique et droguée aux anxiolytiques et s'était peut-être suicidée, à moins que son mari ne l'ait tuée. La phrase qui tue dans ce reportage est tirée d'une scène sur un marché provençal, où; les deux seins de Lolo Ferrari, précédaient de peu la pauvre fille charcutée par 22 opérations de chirurgie prétendument esthétique, maquillée comme une voiture volée. Sur ce marché donc, on entend une mère de famille s'exclamer Ah oui, Lolo, elle est encore plus belle en vrai qu'à la télé. C'est quand même la seule fois de la soirée où j'ai ris, avant de replonger dans la misère de cette pauvre fille.

Chose étonnante, Charles Villeneuve n'a pas parlé ce soir-là de ni de viol d'enfants ni de sodomie, ni de sectes, preuve qu'il lui reste encore une certaine marge de manœuvre pour s'enfoncer plus encore dans la fange qui lui sert de commerce. Alors que le second reportage était annoncé, j'ai eu un sursaut. Je me suis souvenu d'un passage du livre de Guy Carlier, qui cite une intervention télévisée du groupe Zebda lors des NRJ Music Awards :

à la fin de l'émission, le groupe Zebda reçut un second prix, et l'un de ses membres, après les remerciements d'usage, se saisit du micro et déclara : je voudrais dire aux gens qui nous regardent qu'il existe au bas à droite de leur télé un bouton où est écrit Marche/Arrêt, et qu'il faut savoir appuyer dessus quand le niveau est intolérable de niaiserie !...

... C'est ce que j'ai alors fait. La télévision s'est éteinte. Le calme est revenu dans la pièce. J'avais encore en tête les images d'un type arrachant le string de Lolo Ferrari avec les dents, devant un parterre d'abrutis se donnant des coups de coudes avec des regards égrillards, le tout dans une boîte sordide. Cela se superposait avec l'image d'un Charles Villeneuve respectable, sanglé dans son couteux costume croisé et sa cravate de soie, creusant la fange avec tout le tact du professionnel surpayé qu'il est. J'ai alors réalisé que jamais je ne pourrais ni concurrencer Garoo, ni même travailler chez TF1.