Je ne pensais pas voir cela de toute ma vie : le gouvernement français réussit à fait l'unanimité contre lui avec sa fameuse (et malvenue) Loi sur l'Economie Numérique. A mon extrème gauche, on trouve cette vieille connaissance de Valentin Lacambre (fondateur d'Altern et victime de l'affaire Estelle Halliday) (Salut Valentin !). A ma droite, le très libéral Vincent Bénard (rencontré à l'époque ou il était responsable d'un site gouvernmental). Et entre les deux, on trouve à peu près tout le monde, des utilisateurs mécontents des FAI à ces mêmes fournisseurs d'accès, réunis au sein de l'AFA. Prévert et ses fameux inventaires délirants passerait à coté de cela pour un maniaque de l'ordre. Les citoyens, les entreprises, les agitateurs de droite et de gauche, tous, d'une seule voix, clament que cette loi est liberticide. Je ne suis pas juriste. Mais là, on touche vraiment le fond. Voici ce qu'on peut retirer de la loi :

Premièrement, les hébergeurs vont faire la loi à la place des juges sur les contenus hébergés.

  • Avant : (les hébergeurs) ne sont pénalement ou civilement responsables du fait du contenu de ces services que (...) si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu ;
  • Après : (les hébergeurs) ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait de la diffusion de ces informations ou activités que si, dès le moment où elles ont eu la connaissance effective de leur caractère illicite, ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère illicite, elles n'ont pas agi avec promptitude pour retirer ces données ou rendre l'accès à celles-ci impossible. Voilà, plus de mention de l'autorité judiciaire. Cela n'a l'air de rien, mais n'importe qui, sur simple demande, peut faire retirer instantanément n'importe quel contenu sur Internet, sans qu'une décision de justice soir rendue. Bravo pour la liberté d'expression ! Vous imaginez que Microsoft va me laisser dire ce que je pense d'eux, alors qu'il est si facile de me faire taire en passant un coup de fil à mon hébergeur associatif ? Rien n'est moins sûr. Et mon hébergeur me forcera à retirer les infos, ou fermera mon blog.

Pour ceux qui s'inquièteraient du fait qu'on puisse dire tout et n'importe quoi sur Internet (ce qui ne serait pas mieux), sachez qu'il existe un point de contact avec les Fournisseurs d'accès, et que ces derniers accèdent déjà à près de 10.000 requêtes judiciaires par an, en vue de retirer des contenus illicites (pornographie enfantine et haine raciale). Pour moi, c'est un juste milieu, qui permet à la fois la liberté de s'exprimer, et la protection des personnes.

Deuxièmement, les courriers éléctroniques ne sont plus considérés comme de la correspondance privée. Incroyable, hein ?

(le) sous-amendement (213) a été présenté à la dernière minute par Patrick Ollier pour compenser, aux yeux de l'industrie du disque, l'idée qu'Internet ne serait plus un sous-ensemble de la communication audiovisuelle au profit d'un cadre réglementaire spécifique. Selon Patrick Ollier, sans le sous-amendement 213, l'e-mail aurait pu permettre de faciliter des infractions, en particulier en matière de respect des droits d’auteur,

Réponse fleurie et justifié de Vincent Bénard (dont je ne soutiens pas nécessairement les prises de position politiques) :

Cher Patrick, dont je regrette que les penchants totalitaires que tu exprimes ainsi n'aient pas empêché des électeurs de t'envoyer au parlement, je te suggère d'introduire un sous-amendement déniant aux conversations téléphoniques tout caractère privé parce que des trafiquants de drogue peuvent s'échanger des informations, des putes peuvent draguer le micheton, voire même des hommes politiques peuvent fixer le montant d'un pot de vin (ah non, çà n'existe pas, çà), par ce moyen. Je te suggère aussi un sous-amendement supprimant la privauté du courrier sous enveloppe, au motif qu'on peut l'utiliser pour s'envoyer des graines de plant de cannabis ou des photos porno.

Je vous recommande aussi quelques liens sur le sujet :

Vu le rassemblement et le bruit que fait cette loi stupide et mal fichue, j'ai comme la furieuse impression que Raffarin nous refait une affaire Boursica à l'échelle de la nation. Message personnel : C'est pas grave, Raffarinou, c'est en faisant des bétises qu'on apprend. Seulement, il faudrait que tu comprennes avant de te faire virer, hein ?