C'est une semaine de dingue, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas de faire un compte-rendu baclé de la conférence Le Web 3, qui se tenait à Paris. Pour des notes prises pendant les conférences, voir chez Lorenzo100, ou encore la courte vidéo de 01Net.com.

Je n'ai assisté aux présentations que lundi (et encore, pas toute la journée). Mardi, je n'ai fait que passer voir Reid Hoffman (CEO de LinkedIn et au board de Mozilla Corp.) et le patron de SixApart, Barak Berkowitz, qui a bien essayé, sans succès de me faire passer de DotClear à TypePad :-)

Il y a une chose qu'il faut reconnaître à cet évènement, c'est le calibre des intervenants (non, je ne dis pas ça parce que j'ai fait un court passage sur scène). Voir autant de gens de la Silicon Valley, aussi haut placés, dans mon arrondissement, c'est bien la première fois. Voir autant de gens qui se lancent dans des entreprises souvent innovantes en Europe, c'est rarissime. A ce titre, il faut féliciter Loïc Le Meur qui a su piocher dans son carnet d'adresses et mouiller sa chemise pour faire venir des gens comme Niklaas Zennström (Kazaa, Skype et The Venice Project), Reid Hoffman (LinkedIn), Dave Sifry (Technorati), en plus des entrepreneurs du Web français (Tarik, Pierre Chappaz, Marc Simoncini et tous les autres). C'était un plaisir de rencontrer des gens comme ça. Reid me disait "j'essaye de venir le moins souvent possible en Europe[1]. Mais quand Loïc m'a demandé de venir, je n'ai pas pu dire non." On a pu aussi voir l'excellente présentation du professeur Hans Rosling, auteur du site GapMinder.org, dont la visite devrait être obligatoire !

Bien sûr, tout n'a pas été parfait dans cette conférence, mais rien ne l'est dans ce bas monde. Parmi les bévues, on peut noter que l'accès Internet était pitoyable (Orange a du se mordre les doigts à ce sujet). Mais c'est souvent le cas dans ce genre d'endroits. Il faut dire que le Wifi pour une salle de 1000 personnes, c'est pas forcément un problème simple à résoudre ! Cela dit, si certaines interventions étaient intéressantes, d'autres beaucoup moins (la session sur le commerce électronique était d'un barbant !), il fallait en profiter pour aller boire un café et discuter avec les gens présents, qu'ils soient blogueurs, exposants (le mec de Microsoft était très sympa), entrepreneurs, Libristes ou pas. Car c'était ça aussi l'intérêt de la conf' : rencontrer des gens, partager des expériences, sans l'obstacle du clavier et de l'écrit. On ne dira sans doute jamais assez l'importance (et la supériorité) de la rencontre dans la vraie vie ! Par exemple, j'ai présenté Stephanie Booth à François Hodierne. Quand on pense ce que ces deux là ont fait pour la blogosphère francophone et les standards !

Le deuxième souci, et peut-être le plus gros, c'est la présence des politiques. Quand Loïc a annoncé la venue de Shimon Peres, j'ai pensé "Wow, c'est dingue... Mais j'espère que ce qu'il aura à dire sera bien". Puis j'ai réalisé que je ne pourrais probablement pas assister à cette présentation. Ensuite, il a annoncé qu'il avait invité Sarko, Ségo et Bayrou. Pas vraiment ma tasse de thé, mais pourquoi pas ? J'ai pensé "s'ils viennent, c'est énorme". Manque de pot, il sont venus !

Etant absent à ce moment là, voici ce que j'ai retenu des discussions que j'ai eu l'après-midi avec ceux présents le matin : Sarko l'aurait joué "homme politique 1.0", avec un discours certes bien écrit, mais terriblement convenu et surtout lu pour l'essentiel, et sans aucune interaction avec la salle, puisque Sarko est parti après avoir lu le dernier feuillet. Plus que le contenu, c'était le format qui était incongru, d'après ce qu'on m'a dit. A l'inverse, Bayrou aurait été plus dans le ton, avec plus d'interaction. Il faut dire qu'il a une véritable légitimité dans le domaine, car c'est un utilisateur d'Internet, et un observateur attentif de ce qui touche aux blogs, aux wikis et au logiciel Libre. (Sarko, pour sa part, et avec une franchise qu'on doit lui reconnaître, a avoué qu'il n'utilisait pas Internet). Mise à jour : pour plus d'info, lire le billet de Versac sur les politiques et le discours de Sarko.

La venue de Bayrou et Sarko n'a semble-t-il pas plu aux étrangers, majoritaires, présents dans la salle. Il faut dire que prendre l'avion aller/retour, sortir plusieurs centaines d'euros, et prendre deux jours ou trois sur son emploi du temps pour voire un homme politique en campagne qui débarque presque sans prévenir, qui parle dans une langue qu'on ne comprend pas et pour lequel on ne pourra pas voter, ça peut énerver. Du coup, Loïc en prend plein la figure. A lire les blogueurs énervés, on pourrait croire que Loïc, c'est le Zéro dans "Web 2.0". Oui, je crois que sur ce coup là, Loïc s'est planté et a manqué de flair ou d'empathie avec ses visiteurs étrangers. Bon, il s'est planté. Ca arrive. Il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne se plantent pas. Au moins, celui qui s'est planté, c'est celui qui a tenté. Celui qui a pris un risque. C'est cette absence de prise de risque qui fait qu'on ne bouge pas assez chez nous ! C'est cette trouille d'être la risée des autres qui nous fait trop souvent choisir la voie raisonnable et sans risque. Mais "A vaincre sans péril on triomphe sans gloire", écrivait Corneille. Loïc est un jeune chien fou, impulsif, passionné. Ca lui arrive de faire des bêtises. L'année dernière, le déjeuner était parait-il mauvais, dixit Marc Canter. Loïc a corrigé le tir et c'était cette fois-ci délicieux ! Je suis prêt à parier que l'année prochaine, il n'y aura pas de politiques, ou alors qu'ils joueront la carte de l'interactivité et de la modestie. (En y réfléchissant, comme ils ne seront pas en campagne, on a moins de chance de les voir).

Alors, voilà, Le Web 3 n'était pas parfait. Mais ça avait l'immense avantage d'exister ! Et ça n'existe nulle part ailleurs en France ni en Europe, un évènement pareil. Pour tout ça, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Mise à jour : Laurent Gloguen (Embruns.net), pourtant pas le plus grand fan de Loïc, publie un bon billet, très balancé, Les pieds dans le tapis.

Notes

[1] Reid, en plus de son agenda de ministre, a une famille dont il n'aime pas s'éloigner.