Alors que je suis sur le départ pour Londres, le temps me manque pour faire un billet détaillé sur les Assises du numérique. Il y a pourtant plein de choses à dire ! (Billet publié depuis Londres, 36 heures plus tard)

D'abord, il faut bien reconnaître que l'affaire était particulièrement mal engagée. En terme d'accessibilité déjà, défaut que j'avais pointé dans un billet rageur. Mais aussi en terme de forme. En guise d'assises, on avait surtout une longue succession de politiciens s'adressant de façon unilatérale à des spectateurs payant 300 EUR pour les entendre. Le tout se passait à Paris, autre démonstration d'une approche centralisé, top-down, qui s'accordait fort mal avec le dynamisme de cette industrie et la complexité de ces enjeux. Je n'ai pas été le seul, dans la blogosphère, à tirer la sonnette d'alarme. Daniel a écrit 7 billets à lui seul sur le sujet, et bien d'autres ont fait de même.

En d'autres temps, rien n'aurait changé. Indifférents aux aboiements de la populace, la caravane des politiciens aurait continué son chemin. Mais les choses ne se sont pas passées comme ont allait s'y résigner. En quelques mots :

  • Le site a fait de gros progrès en terme d'accessibilité. L'état se devait de montrer l'exemple, et sans être devenu exemplaire, le site n'est plus une honte comme précédemment...
  • L'accès aux assises est devenu gratuit ! C'était la moindre des choses, mais j'imagine qu'au niveau du budget, ce changement a du faire transpirer les organisateurs
  • Les conférenciers ont gagné en diversité (au début, seul Tariq Krim, alors chez Netvibes.com, représentait les acteurs économiques)
  • Le format même des assises a largement évolué, passant d'une journée unique à Paris à une suite de conférences en province complétant celle de Paris, sur des tas d'autres sujets.
  • Grace à l'utilisation d'un Wiki mis en place par Xwiki, la société de Ludovic Dubost
  • Enfin, et c'est plutôt anecdotique, Eric Besson, secrétaire d'état chargé du Développement de l’économie numérique (et de plein d'autres choses) a reçu une poignée de blogueurs à diner[1].

Si on a pu constater une évolution significative par rapport au début, ça ne signifie pas que tout soit parfait dans le meilleur des mondes. En fait, il y a à boire et à manger dans le bilan (forcément provisoire) des assises du numérique :

Ce que je regrette, c'est l'approche est essentiellement économique. Est-ce lié au parcours d'Eric Besson ? Toujours est-il qu'on se préoccupe par ordre décroissant :

  • De la politique
  • de secteur des telecoms
  • des logiciels propriétaires (la partie sur l'innovation du logiciel était organisée par l'AFDEL, excluant de fait le logiciel Libre et laisse entendre que l'innovation passe par le logiciel propriétaire et les brevets logiciels).

On regrettera la faible représentation du logiciel Libre dans le cadre de ces assises. Certes, on en parlait dans la table ronde administration, mais sinon, c'était le grand absent... On a ainsi fait l'impasse de ce formidable enjeu de société. On a oublié l'adéquation entre éducation et logiciel Libre. On a omis l'importance que les commandes publiques pouvaient apporter au Libre et le Libre aux commandes publiques.

Ce que j'apprécie, c'est que malgré cette relative absence du logiciel Libre dans les interventions, si on plonge dans les 27 mesures suggérées par le ministre, on peut voir qu'y figurent deux mesures reprises du rapport Attali (c'est écrit tout petit page 16) :

  1. Objectif de 20% des marchés publics logiciel en open source
  2. Considérer l’aide au logiciel libre comme du mécénat

Au final, le bilan à mi-parcours de ces assises est mitigé. Pour moi, c'est l'internaute le grand absent de cet effort. Le citoyen numérique et ses usages de l'Internet. Quid des DRM, de l'interopérabilité ? Quid des enjeux de société, le contrôle des utilisateurs de leurs données ? Quid du respect de la vie privée ? Ne nous trompons pas, j'apprécie les progrès réalisés par les Assises du Numérique depuis la première mouture. Pourtant, à vouloir rendre un rapport courant juillet sur ce sujet, à se focaliser sur l'infrastructure, on ne laisse guère de place à la prospective sur le long terme, et à la place que doit occuper le citoyen dans la société numérique.

Quelques liens complémentaires :

Notes

[1] Y compris votre serviteur, mais qui ne figure pas sur la photo, ça lui apprendra à se pointer à la bourre chez un ministre ;-)