J'espère qu'on me pardonnera la brièveté de ce billet, qui pose plus de questions qu'il ne propose de réponses. Il est clair que mon propos sur la vie en ligne n'est pas arrivé à maturité, mais dans un esprit directement inspiré du slogan release early, release often du logiciel Libre, je publie tôt et souvent plutôt que d'attendre d'avoir atteint la perfection (que je n'atteins jamais dans tous les cas).

Je crois que dans les choses que chacun doit comprendre pour saisir les dangers de la vie en ligne, on peut retenir 3 principales catégories :

  1. l'identité en ligne : comment j'associe mon nom à ce que je fais en ligne ? Comment je gère éventuellement plusieurs identités (personnelle, professionnelle, etc.) sur les différents sites ?
  2. La gestion des données que je stocke dans le nuage. Sont-elles portables ? Puis-je les déplacer vers un autre endroit si le service ferme ? Puis-je les retirer quand je le décide ? Suis-je le seul propriétaire de ces données, ou bien le service peut-il les revendre ? Comment laisser l'accès à certaines personnes mais pas à d'autres ? Est-il possible de déplacer ces données et les méta-données qui vont avec (commentaires, licences, relations entre les documents) ?
  3. Les données qui sont collectées sur moi à mon insu et le profilage qu'elles permettent. Combien de temps sont-elles stockées ? À qui sont-elles communiquées ? Comment sont-elles agrégées ? Peuvent-elles être revendues ? Ai-je un droit d'accès et de suppression ?

Ca fait quelques temps que je réfléchis au sujet, et je ne sais pas comment expliquer cela ni comment valider si mon schéma de pensée est le bon. À ce sujet, les commentaires sont les bienvenus.

Quoi qu'il en soit, je viens de tomber, en quelques jours, sur quelques articles qui illustrent ces trois aspects. Les voici :

  1. Identité : Voici une anecdote qui devrait tous nous faire réfléchir. L'écrivain Yann Moix écrit un texte polémique sur Facebook. Le texte est mauvais, mais là n'est pas la question. Le système de Facebook décide de fermer le compte de l'écrivain, lequel se retrouve donc "enfermé dehors", du moins en ce qui concerne sa vie sociale en ligne[1]. Ses textes, ce qu'il a partagé avec ses fans, la liste de ses "amis", tout cela a disparu. Ca n'est pas effacé des serveurs de Facebook (on sait que le système n'efface rien), mais ça n'est juste plus lisible. Pas de mise en garde, pas de négociation, pas d'enquête, juste un algorithme, un logiciel, qui remarque une activité inhabituelle et qui prend une (mauvaise) décision. Je pense que perdre son carnet d'adresses, ses messages (le pseudo système de mail de Facebook) suite à la décision arbitraire d'un logiciel est excessivement grave, alors que Facebook gagne en importance pour chacun et en audience. On notera que Facebook étend cela avec des fonctionnalités comme Facebook Connect, dont la vocation est de faire de Facebook le système qui gère votre identité en ligne. On pourrait faire un parallèle avec le système bancaire… Peut-on imaginer que votre banque ferme votre compte (et donc vous empêche de payer) juste parce que vous avez fait une tirade enflammée contre un pays frontalier en prenant la défense d'un cinéaste ? Peut-on imaginer un gouvernement qui fermerait ses frontières à un concitoyen qui dirait du mal du pays du chocolat et des verts pâturages ?
  2. Portabilité des données. Wired publie un bon papier qui liste quelques sites importants : Nous voulons nos données. Maintenant !.
  3. Collection des données privées (mots-clés recherchés, adresses IP), publicités cliquées, sites visités, etc. Tous les sites peuvent collecter des données sur les utilisateurs, mais les moteurs de recherche ont un accès direct aux sujets qui nous préoccupent à un instant t. Voici deux moteurs qui se présentent comme plus respectueux de la vie privée de leurs utilisateurs
    1. Ixquick, "le moteur le plus respectueux de votre vie privée au monde".
    2. Ecosia, le moteur de recherche (partenaire de Bing.com et Yahoo.com) qui "supprime toutes les données de ses utilisateurs en 48 heures maximum afin de protéger votre vie privée". De plus, (et même surtout) Ecosia soutient l'action du WWF pour la protection de la forêts tropicales. Le problème de fond, c'est qu'Ecosia fait des recherches sur Bing avec des publicités Yahoo. Il est clair qu'Ecosia ne conserve vos données que peu de temps, mais les privacy policies de Microsoft et Yahoo s'appliquent. L'argument du respect de la vie privée est finalement bien faible : si l'intermédiaire (Ecosia) est respectable mais que ses partenaires font comme Google ou presque, tout cela ne sert à rien, seul le soutien du WWF est finalement intéressant (et c'est déjà beaucoup).
    3. Google Sharing, un proxy qui anonymise toutes les recherches faites sur Google. Nécessite l'installation de l'extension Google Sharing pour Firefox. On notera avec intérêt qu'il est possible de faire tourner son propre service proxy...

Voilà donc, cher lecteur, comment je répartis (brièvement et maladroitement) les trois catégories de défis pour les utilisateurs de services en ligne. Avez-vous d'autres idées de classification ? Avez-vous d'autres idées de services plus respectueux de la vie privée ? Les commentaires sont là pour ça.

Notes

[1] Yann Moix ne perd pas le nord et en profite pour faire parler de lui.