Contrairement à ce qu'on pourrait croire, j'ai un avis nuancé sur la loi Création et Internet (dite ''Hadopi). Il y a du pour et du contre à mon sens dans cette loi. Le problème, c'est qu'il est devenu difficile de s'exprimer de façon nuancée dans ce débat. Voici donc mon avis sur le sujet :

Pour

Je comprends le désarroi des industries du divertissement (musique, films, jeux vidéos) face au téléchargement illégal. C'est normal d'être en colère quand on voit son chiffre d'affaire baisser. Je comprends que ces industriels demandent à l'état d'intervenir. C'est humain. Maintenant, je me pose une vraie question : est-ce qu'on est à un moment de l'histoire où ces industries doivent disparaître parce qu'elles sont devenues obsolètes ? Ca ne serait pas les premières ! Je pense à tous ces métiers qui ont disparu, toutes ces industries devenues quantités négligeables après une période faste, suite à des évolutions technologiques. En informatique, la carte perforée à laissé place au stockage magnétique. Le telex a disparu en faveur du fax qui va faire de même en faveur du mail. Les fabricants de bougie n'ont pas pu faire face à la fée électricité. Les moines copistes n'ont pas sur résister à l'imprimerie.

Je suis fan de musique, même si j'en parle peu sur le Standblog. Je suis bien sûr pour une rémunération des artistes, bien sûr. Par contre, les maisons de disques, qui prennent l'immense majorité de l'argent et qui sont en lointain rapport avec la création en elle même, m'indiffèrent nettement plus.

Je pense que l'offre légale a en effet plus de chance de réussir si elle n'a pas à faire face à une gratuité illégale. Je pense qu'il faut améliorer l'offre légale, car aujourd'hui, pirater est devenu trivial[1].

Maintenant, je ne vois pas comment passer de l'état actuel des choses, où tout une tranche d'âge télécharge illégalement depuis des années sans mettre à mal le droit à la vie privée, le droit d'utiliser les logiciels de son choix et sans déléguer à des acteurs privés (représentants du disques et fournisseurs d'accès) ce qui relève de la justice.

En ce qui concerne la licence globale, c'est peut-être la solution. Le principe n'est pas si différent de ce que fait la SACEM (aussi imparfait leur processus soit-il). L'inconvénient majeur, bien sûr, c'est de transformer les métiers des industriels (les producteurs, les maisons de disques). Or, ce sont eux – et pas les artistes – qui poussent le gouvernement à faire la loi Création et Internet.

Il y a quelques années, au moment des débats autour de la loi DADVSI (abondamment commentée sur le Standblog en son temps), j'avais des doutes sur la licence globale. Je pensais que l'industrie ne pourrait pas accepter une telle proposition. Quelques années plus tard, j'ai tendance à préférer cette solution, malgré les réticences de l'industrie. La licence globale est loin d'être une solution parfaite, mais c'est probablement "la moins pire".

Contre

  • Les amalgames démagogiques qui plombent le débat. Non, tous les gens qui téléchargent n'auraient pas acheté le DVD.
  • Le poids des lobbies dans la discussion, qui cherchent à préserver le status quo de leurs clients (les industriels du divertissement) plutôt que de voir qu'il faut évoluer.
  • Le refus de comprendre que la création est l'affaire de tous, les artistes en tête, mais que la plupart des artistes n'ont pas de contrat avec l'industrie
  • Le refus de comprendre que la gratuité existe dans le monde numérique. Mes photos sont gratuites. Sont-elles sans valeur ? Non. Firefox est gratuit, et pourtant il est très utile à des centaines de millions de gens.
  • Le fait que les conseillers techniques des Ministères ne soient pas écoutés. Ils valent mieux que le projet actuel, j'en suis convaincu.
  • La volonté de punir toute une tranche d'âge, ce qui est irréaliste.
  • Le fait que la sanction est déclenchée et mise en oeuvre par des acteurs privés (respectivement l'industrie et les fournisseurs d'accès à Internet).
  • L'obsolescence immédiate des moyens techniques demandés par le gouvernement. On peut voter tout ce qu'on veut, se mettre à dos les jeunes, mais si c'est pour ne rien changer au problème parce que le téléchargement illégal reste possible, tout cela est une gigantesque perte de temps, d'énergie et plus encore de crédibilité.

Conclusion

Le problème du téléchargement illégal existe. C'est un fait. Mais le projet de loi Création et Internet est totalement inadapté. Au lieu de préparer l'avenir, il essaye de protéger une industrie dont l'heure est probablement venue. Au passage, on hypothèque la vie privée des internautes et la place de la France dans la société numérique qu'on essaye de construire. A ce titre, je ne peux pas supporter la loi Création et Internet.

Notes

[1] j'ai testé pour vous et je vais faire un article sur je sujet