A force de lire des articles sur Larzac 2003 et les alter-mondialistes, j'ai fini par me trouver un point commun avec eux. Ils portent souvent des t-shirts Le monde n'est pas une marchandise. Pour ma part, ça serait plutôt mon intelligence n'est pas qu'une marchandise. Je m'explique. Si on autorise le dépot de brevets logiciels, on prend de très gros risques. Je déteste répeter des évidences comme celle qui suit, mais c'est nécessaire pour développer mon propos. L'Europe est en (très) retard dans le domaine du traitement de l'information. Et c'est un euphémisme. Demandez à n'importe qui de vous citer 3 acteurs européens du logiciel et d'envergure mondiale. Pour ma part, je pense à BusinessObjects (France) et a SAP (Allemagne). Pas facile de trouver le troisième. A l'inverse, les acteurs américains sont légions. Il existe déjà des méthodes pour protéger le logiciel, tel que le mécanisme du droit d'auteur. Il est interdit de dupliquer tout ou partie d'un logiciel propriétaire : la licence l'interdit. Cela existe et cela fonctionne plutôt bien. Mais les brevets logiciels permettent de breveter une idée ! Autrement dit, si un employé d'une multinationale a une idée qui donne lieu à un brevet, quiconque dans le monde, même s'il n'a jamais vu l'idée en question mise en oeuvre, peut se retrouver attaqué en justice pour violation de brevet. Cela implique des coûts juridiques très élevés que seuls les plus riches pourront s'offrir. On peut très bien imaginer qu'un IBM (champion mondial du dépot de brevet) trouve un beau jour que Microsoft ou Oracle a implémenté une idée brevetée. Les avocats se rencontrent pour discuter de cela. Vont-ils s'entre-déchirer ? Sûrement pas. Entre requins de bonne compagnie, conscients des coûts (astronomiques) impliqués, ils vont comparer leurs piles respectives de brevets et parvenir à un accord du genre si je peux utiliser tes idées, tu peux utiliser les miennes. Mais imaginons une société européenne, de taille moyenne, qui innove. Elle peut se retrouver attaquée par un poids-lourd du logiciel, bardé de brevets. Pourrait-elle parvenir à un accord d'échange de brevets ? Sûrement pas. D'une part, elle ne dispose que de peu de brevets, du fait de sa taille et de la courte période ou il aura été possible d'en déposer. Quel intérêt alors pour la grande firme de faire des accords croisés ? Aucun. D'autre part, la société ne dispose pas des moyens financiers de se battre contre les bataillons d'avocats de la multinationale. Elle ne peut pas gagner. Ni gagner, ni faire la paix, donc. Souvenons-nous que l'Europe ne dispose pas d'une grande industrie du logiciel. Accepter les brevets logiciels, c'est renoncer à développer l'informatique européenne. C'est accepter de recourir pour toujours aux fournisseurs de logiciels américains. Pour moi, une Europe avec des brevets logiciels, c'est la version informatique des bourgeois de Calais, la robe blanche et la corde au cou, transposée au 21ème siècle. En acceptant les brevets logiciels, l'Europe à tout à perdre, et rien à gagner. Alors, pourquoi jouer ?

Dégats collateraux

  • Le logiciel libre (dernière chance du logiciel en Europe) est plus encore vulnérable aux brevets logiciels. Qui pourrait payer les avocats pour faire face à une attaque juridique ? pas grand monde...
  • Les sites Web sont menacés. Beaucoup de sites incorporent du code JavaScript ou CSS. Qui vous dit que le code utilisé n'est pas déjà breveté par quelqu'un ? On se souvient de la pantalonnade montée par British Telecom, qui prétendait avoir breveté l'hyperlien. Vous imaginez-cela ? Soit vous prenez une licence chez eux, soit vous fermez votre site Web. Ca serait hilarant si ça n'était pas à pleurer.

En conclusion, le StandBlog ne sera pas mis à jour le 27 août 2003, jour de la manifestation à Bruxelles contre les brevets logiciels. Je vous invite en conséquence à vous informer sur le sujet, et sur la directive en question...

A ce propos :