Merci à Olivier Meunier pour le lien vers la lettre de Darl McBride aux membres du congrès américain, véritable tissu de désinformation, à coté du quel les insanités de Fox News passeraient pour des paroles de Michel Fugain. Il faut savoir que Darl McBride, c'est le patron de SCO, la société qui prétend qu'on trouve dans Linux des morceaux d'Unix, que des contributeurs auraient piraté. (pour plus d'info, voir l'excellent GrokLaw). Tout laisse à croire que c'est un énorme mensonge, mais le fait est que SCO attaque IBM (en lui demandant la bagatelle d'un milliard de dollars) pour piratage. Bah oui, faute de vendre des licences Unix (qui en voudrait, avec l'ascension de Linux ?), SCO rackette les grosses boites. C'est un business model comme un autre, après tout.

Dernier rebondissement dans l'affaire, on vient de découvrir que Darl McBride, l'homme le plus détesté par la communauté Linux juste devant Bill Gates, fait des courriers aux membres du congrès américain, leur expliquand que le logiciel libre, c'est dangereux, ça aide les terroristes, c'est anti-américain, et pour tout dire, avec de telles méthodes de dumping, c'est en train de miner l'économie américaine. Oui oui oui. Comme je vous le dis... Je cite :

La diffusion effrénée des logiciels open source sous GPL est une menace bien plus sérieuse pour notre système capitaliste que les sociétés américaines ne l'imaginent.

Très franchement, si on en venait à interdire le logiciel libre, autant arrêter tout de suite la communication entre les gens ! Parce que c'est ça, le logiciel libre. C'est le partage du savoir. Que les piliers du Libre me pardonnent pour cette répétition, mais il ne faut pas oublier que le savoir s'accroit quand on le partage. (Contrairement au pognon que recherche Darl McBride, dont les parts diminuent quand on fait un partage). Si j'ai une idée, et que vous en avez une autre, échangeons-les. Nous ressortirons tous deux de ce processus avec chacun deux idées. C'est ça, la liberté de partager. C'est ça le logiciel libre. Alors avec les idées de McBride, autant arrêter tout de suite l'école, cet horrible endroit où les gens partagent les savoirs ! Arrêtons tout de suite le Web, et OpenWeb en premier ! Faire des choses de façon désinteressées, c'est horriblement anti-capitaliste ! A ce compte-là, interdisons tout de suite les associations loi 1901, qui permettent à tant de gens de partager leurs passions, aider les autres, et souvent même, prendre le relais d'un état parfois défaillant. Rahh, pourquoi des associations de réinsertion, de prévention de la délinquance, des MJC alors qu'on pourrait faire un bon bizness avec des prisons privées ? Bon, je me calme, et j'en viens au fait...

A tous les Darl McBride de la terre, j'annonce que j'ai une pensée à vous communiquer, à partager avec vous (non, c'est pas sale). Le logiciel devrait être libre. Pas forcément tout le logiciel, mais une partie. Je m'explique :

Il existe des micro-marchés où il n'y a pas vraiment de valeur marchande à soutirer. Un informaticien (ou assimilé) a une idée, il développe un morceau de logiciel, il le partage. C'est tellement simple (quelques heures de travail) et tellement ciblé (quelques dizaines de personnes intéressées) que ça ne vaut pas le coup de tenter de le vendre. Un exemple ? Le plug-in du moteur de recherche du StandBlog fait par Pascal. C'est super cool, mais vraiment, ça intéresse trop peut de monde.

Il existe des marchés de taille moyenne, qui peuvent s'avérer lucratifs, comme certains logiciels de niche, des choses très complexes, avec des milliers d'utilisateurs potentiels, et donc faire ces logiciels n'est pas le metier. Pour ces gens-là, économiser le développement en partageant les frais de développement par l'intermédiaire d'un éditeur de logiciels, ça peut avoir du sens.

Et il existe des macro-marchés. Des trucs monstrueux. Avec des besoins universels ou presque. Je vous citerais 3 exemples. Les systèmes d'exploitation pour ordinateurs personnels. Tout les utilisateurs de micro en ont besoin. C'est un marché fabuleux. C'est absolument nécessaire à tous. Depuis que le Micro-ordinateur fait partie de la vie quotidienne des occidentaux, le système d'exploitation est devenu une partie de l'infrastructure de la société. En tant que tel, il ne devrait pas être confié à une société privée. Chacun devrait participer à son développement, mais pas via une société privée. Car si elle a le monopole de la chose, c'est la porte ouverte à toutes les dérives liées à ce monopole. Deux autres exemples : la suite bureautique et le navigateur Web/messagerie. Pour exactement les même raisons. Pour l'instant, ces macro-marchés sont détenus par des sociétés américaines. Enfin plutot une société américaine. Son fondateur est l'homme le plus riche du monde. Il est reçu comme un homme d'état. Il faut dire qu'il est bien plus puissant que ces derniers. Le chiffre d'affaire de Microsoft vient de dépasser les 10 milliards de dollars. Par trimestre. Mais revenons à ces macro-marchés, expressions de macro-besoins. Cette infrastructure logicielle personnelle est en fait comme les routes qui nous permettent de nous déplacer. Comme les lignes électriques. Comme les lignes de trains. Sans cela, notre société de l'information n'existerait pas.

Pour moi, Linux, OpenOffice.org et Mozilla sont les trois logiciels qui peuvent permettre à la France, à l'Europe, et aux pays qui le souhaitent, de reprendre contrôle de leur infrastructure d'informatique personnelle. Pour cela, il faudrait investir, dans des proportion significatives, dans le logiciel libre. J'entends déjà des voix s'elever, citant le déficit budgétaire de notre vieux pays, les dépenses auquelles il doit faire face, le trou de la sécu, les problème de retraite, l'insécurité. Alors investir dans le logiciel libre, en plus, vous n'y pensez-pas ?

Si, j'y pense, et c'est même très simple. Prenons la décision politique de réduire de 80% les couts de licences Microsoft en passant progressivement à OpenOffice.org, puis Linux. Et réinvestissons 20% de ces économies dans le logiciel libre. Ca sera bien suffisant pour créer des emplois en France (en formation à ces logiciels, par exemple), et pour réduire le déficit tant évoqué. Au moins, tout cet argent n'ira pas dans l'état de Washington.

Ah, au fait, vous avais-je expliqué que Microsoft avait donné 6 millions de dollars à SCO juste après que SCO ait lancé son attaque contre IBM ? De fait, Microsoft finance le pire ennemi actuel du logiciel libre. C'est peut-être un hasard. Si c'est le cas, alors je m'appelle Darl McBride !