Avec l'accord de mes hotes, je m'installe pour trois nuits à Lausanne, le temps de découvrir un peu la Suisse à Moto. La dernière fois que je suis venu, avec ma Scénic et la smala, je m'étais promis de revenir user les bords de mes pneux dans ce pays. Chose promise, chose due ! Me voilà donc à pied d'oeuvre. Habillé de mon blouson de cuir et de mon treillis, chevauchant ma vieille Moto Guzzi T3 California passablement rouillée, je décide de retourner à un endroit qui m'avait bien plu quelques années plus tôt : Interlaken, très jolie petite ville coincée entre deux lacs, comme son nom l'indique. Pour cela, c'est parti via Bulles (joli nom pour une ville de vacances), et je pense faire le détour par Gstaad pour y déjeuner. Manque de bol, Gstaad est bondé, et sent furieusement le purin (véridique). D'après ce que j'ai pu en voir, Gstaad est au village suisse typique ce que Saint Tropez est au calme village provençal : une caricature façon Hollywood et carton pate d'un lieu qui aurait pu être sympathique si tout n'y était pas hors de prix et complètement snob, alternant galeries d'art et boutiques de luxe. Non, décidément, ça ne vaut pas le coup de s'arrêter là. Je repars donc vers Interlaken, je trouverais bien un endroit sympathique, calme et bon marché (suivant les critères suisses) sur la route. Arrivé à Interlaken, je fonce acheter une carte Compact Flash pour mon appareil photo. De là, je vais à l'hotel de luxe Victoria Jungfrau pour me faire une séquence flash-Back. Il y a quelques années de cela, j'étais venu représenter Netscape dans une conférence qui se tenait là, organisée par un prestigieux organisme de conseil d'analyse en informatique. J'y étais venu dans un petit avion, et je me souviens avoir pris l'unique taxi disponible ce soir-là. Le chauffeur avait roulé quelques centaines de mètres et s'était arreté à un stop en pleine campagne pour scruter le ciel nocturne. En fait, la route traversait la piste (que je n'avais pas vu dans l'obscurité), et le chauffeur regardait soigneusement si aucun avion n'allait décoller ou atterrir ! Ces quelques heures passées à Interlaken, dans un cadre magnifique m'avaient laissé un drôle de goût. Beaucoup de pression à cause du travail, d'agitation (toute l'équipe marketing européenne de Netscape était présente), tout cela cadrait bien mal avec l'environnement. Aujourd'hui, mal rasé sur ma veille bécane avec mon look biker, sans cravate sous le blouson noir, je suis tout aussi à coté de la plaque. Peut-être faudrait-il que je revienne un jour en cabriolet sport, blazer bleu marine à boutons dorés et pantalon blanc arborant au bras avec une fausse blonde liftée, traitée aux UV, shootée au Botox et au silicone façon pétasse, pour être plus dans le ton ?

Sur ces considérations profondément philosophiques sur le sens de la vie, je repars donc vers Lausanne, via la petite départmentale qui passe par Jaunpass, après avoir quitté la vallée et ses longues courbes pour rejoindre les hauteurs. Je redescend ensuite vers Bulle et Lausanne. Le soleil descend, le bitume parfait défile sous mes pneux alors que ronfle et vibre mon vieux V-Twin italien. L'air est tiède, la Suisse ressemble à un jardin soigneusement entretenu, à un paradis pour motard, et ma moto oscille de virage en virage. Le ciel est d'un bleu incroyable, avec juste ce qu'il faut de nuages pour ne pas être monotone. J'ai l'impression de vivre dans un rêve. Mon mal aux fesses me confirme que ça n'est pas le cas. Tant mieux !

Ce soir, après une bonne douche, je retrouverais Alexis et Monique. On va encore boire des coups, éclater de rire, discuter de tas de choses sérieuses ou pas et faire un sort à la fameuse saucisse rapportée de Morteau, accompagné de vins exotiques dénichés par Alexis. Simple, et bon...