Je lisais cet été un livre qui m'a beaucoup interessé, après en avoir entendu parler pendant des années : The Innovator's Dilemma, de Clayton M. Christiansen.

C'est un bouquin de management sur la gestion des innovations perturbatrices (Disruptive Innovations / DI), et le fait que les entreprises établies sont rarement capables de faire face à ces innovations, car pas structurées pour cela.

En substance, une innovation perturbatrice, c'est une technologie qui fait moins bien mais moins cher que les produits existants, et dont personne sur le marché ne veut. Les clients des entreprises établies n'en veulent pas : c'est beaucoup moins bien que ce qu'on leur vend.

Les entreprises établies n'en veulent pas non plus, car les marges sont plus basses, le marché inexistant.

Et puis un beau jour, une petite boite trouve le marché (minuscule et inconnu jusqu'alors) pour ce produit moins bien et moins cher. La petite boite est contente de son petit marché qui lui convient, alors que la grosse boite établie n'aurait pas pu attaquer ce petit marché (négligeable pour elle, car ne representant pas un potentiel suffisament important pour satisfaire ses besoins de croissance).

La technologie perturbatrice, à ce niveau, ne l'est pas encore : elle est toujours trop peu mature. Mais le fait qu'il y ait maintenant un marché (certes petit), permet d'investir pour améliorer la technologie. Elle va devenir plus performante et à terme, pourra répondre aux besoins du marché principal et concurrencer les technologies établies. Et c'est là qu'elle est perturbatrice !

Pour faire face à cela, l'entreprise établie, maîtrisant la technologie établie, se réfugie dans le haut de gamme, ce qui lui permet de proteger ses marges. Mais à terme, les clients habituels vont se tourner vers la technologie perturbatrice, maintenant au point, et moins chère.

Tout cela va durer jusqu'au moment où une nouvelle technologie perturbatrice va venir venir redéfinir le marché.

Voici un exemple tout simple pour ceux qui, comme moi, comprennent mieux la pratique que la théorie : les applications Web (innovation perturbatrice) contre le client lourd, l'application Windows (technologie établie).

Pendant des années, l'application Windows a été la référence : on installait le logiciel via une disquette (puis ensuite via un CD, maintenant via le réseau), et ça fonctionnait en local (ensuite est venu le mode client/serveur). On dispose d'une ergonomie assez puissante, avec du graphisme, des menus intelligents, une réactivité importante.

A coté de ça, l'application Web des débuts du Web fait bien pâle figure. Des formulaires tristes à mourir, des menus mal fichus, le problème du bouton Back, l'attente à chaque fois qu'on clique sur Submit. Seulement voilà, ça permet d'utiliser une application sans avoir rien à installer, même si elle se trouve à l'autre bout du monde. On utilise ainsi l'application Amazon, l'application Google Search... C'est moins joli et moins rapide, mais on n'a rien à installer. Alors dans certains cas, ça suffit. Avançons de quelques années, et regardons ce que donnent les nouvelles applications en Ajax. Google Mail est un bon exemple, maintenant ringardisé par le tout nouveau Yahoo! Mail américain. Autre exemple, les commentaires du blog Indicible, qui apparaîssent quand on clique sur le mot "commentaire". Tentez de rajouter un commentaire, il apparaît immédiatement, sans avoir à recharger la page. Le problème, majeur pour les applications Web, de la réactivité, est maintenant résolu. Bien sûr, avec les applications Windows on peut faire mieux, de la 3D, de la transparence. Mais qui en a besoin à part pour les jeux ? A peu près personne.

C'est pour ça que je suis très excité de voir des technos comme SVG et Canvas arriver dans les navigateurs : cela permet de faire des graphiques en Ajax. Idem pour XForms et Web Forms 2.0, qui améliorent grandement la capacité de saisie de formulaires Web.

Mais revenons aux innovations perturbatrices. Le Web en est une, de la même façon que le PC l'était, tout comme la mini-informatique l'était en son temps (je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître-euuuuh). Vous pouvez acheter le livre, (truffé d'exemples) mais là, je crois, en lisant les articles Wikipedia, que vous aurez à peu près tout compris ;-)