Ah, il s'en passe des choses dans le monde tumultueux du contenu numérique ! D'un coté on se rend compte que les DRM gênent les ventes, mais que d'un autre coté, on redoute plus que tout le piratage. Ca me rappelle mes leçons de physique sur les systèmes oscillants ! J'ai compilé ci-dessous quelques liens révélateurs de ce mécanisme. Il y a toutefois quelque chose qui m'amuse et m'inquiète à la fois, c'est que l'industrie du disque jouent avec le feu quand il s'agit de promouvoir les DRM. Je m'explique :

Les majors du disque ont réalisé trop tard l'erreur phénoménale qu'ils ont commise en laissant dans les mains des utilisateurs des enregistrement numériques duplicables à l'infini. Ils ont tenté de faire des magasins en ligne pour vendre de la musique, sans succès. C'est alors qu'Apple leur a proposé de faire l'iTunes Music Store (iTMS) : vendre de la musique en ligne avec un DRM "maison" fait par Apple et appelé FairPlay. Ce DRM fonctionnerait depuis iTMS jusqu'à l'iPod, en passant par le logiciel sur le Mac (puis le PC), iTunes. Vu le succès de l'iPod, les majors ont tenté l'expérience. Résultat, avec presque deux milliards de chansons vendues, iTMS est de loin le leader mondial du marché. le deuxièmes est eMusic[1], avec 100 millions de téléchargement (20 fois moins).

Seulement voilà, devant le succès d'Apple et son modèle fermé, l'industrie se retrouve coincée : elle doit composer avec la firme à la pomme, et ça pose des problèmes. On se souviendra des conflits autour du prix des chansons, où Steve Jobs a réussi à maintenir le prix unique de 99 centimes l'unité, contre l'avis des majors. Depuis les distributeurs, (les disquaires) se retrouvent évincés. Apple, cette aide providentielle, s'est transformée en monstre plus puissant que son maître. Comment faire pour sortir de cette impasse ? Deux possibilités se présentent :

  • Faire un deuxième monstre pour tuer le premier. Pour tuer le monstre Apple (ou plutôt son emprise sur la distribution de musique), l'industrie se propose de Faire un autre monstre destiné à le concurrencer. En l'occurrence, c'est Microsoft qui jette ses forces dans la bataille, d'abord avec le défunt PlaysForSure et maintenant avec le Zune. Microsoft est très content de trouver des alliés dans la bataille contre Apple pour dominer les médias, mais le prix a payer, c'est de brider son système d'exploitation Vista à grands renforts de DRM ;
  • Commencer à vendre des titres sans DRM. VirginMega et la Fnac viennent d'annoncer la mise en vente prochaine, sur leurs sites, de fichiers musicaux non protégés, au format mp3. On notera la petite phrase du patron de VirginMega.fr : "Aujourd'hui, c'est plus compliqué d'acheter de la musique que de la pirater. On essaie de convaincre les gens qu'il faut acheter de la musique mais on leur met des bâtons dans les roues". Autant ça fait plaisir de voir l'industrie prendre conscience de telles évidences que je répète ici depuis une éternité, autant l'ouverture de seulement 200.000 morceaux pour VirginMega, c'est décevant, car ça ne représente que 10% de leur catalogue.

Le souci, et ça me rappelle l'histore de Frankenstein, c'est que le monstre créé se retourne contre son géniteur, et la création d'un autre monstre, encore plus dangereux, ne réglera en rien le problème : soit on se retrouve avec deux monstres qui feront la loi, soit c'est un seul monstre qui survivra (et les clients du monstre défunt n'auront que leurs yeux pour pleurer).

Pendant ce temps là, on se fiche de ce qui compte vraiment, à savoir l'oeuvre et sa pérennité, l'artiste, et son public...

Quelques liens sur le sujet :

Notes

[1] J'ai testé pour vous : on vous demande votre numéro de carte bancaire puis on vous facture un abonnement mensuel, qui offre un certain nombre de chansons format non-protégé téléchargeables dans le mois. Coté catalogue, on a un peu l'impression de se retrouver dans les bacs d'un disquaire d'occasion, avec quelques noms connus, mais un max de vieux trucs dont personne ne veut...