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vendredi 5 décembre 2014

Comment avoir un smartphone aussi Libre que possible ?

Voilà, toute la question est dans le titre : je me demande comment on pourrait avoir un smartphone de type Android (ça retire de l'équation l'option Firefox OS) qui ne me flique pas et qui est donc autant que faire se peut basé sur du logiciel Libre associé à des services éthiques et/ou Libres et décentralisés.

Est-ce que ça existe ?

Note : j'ai déjà lu The great Ars experiment—free and open source software on a smartphone?! , mais je voudrais en plus ajouter un critère : ne pas être (trop ?) fliqué par les services en ligne associés.

Je suis sûr que j'ai parmi mes lecteurs des gens qui se sont déjà posé ces questions et qui se feront un plaisir de partager leur expérience dnas les commentaires... A vous de jouer ! (Note : les commentaires doivent être relus avant publication et ne sont publiés qu'après modération, patience, donc !)

Mise à jour

Il faut le dire haut et fort : mes lecteurs sont formidables ! 15 commentaires et des réponses sur Twitter, c'est génial ! Je récapitule les principales options :

  1. Des téléphones du marché, équipés d'une distro indépendante de type CyanogenMod (attention, elle n'est pas 100% libre !), avec un AppStore dédié au Libre comme F-Droid. c'est l'option la plus souvent citée.
    1. Campagne Libérez votre Android par la FSFE ;
    2. Replicant semble être la solution la plus Libre, elle est en tout cas recommandée par la Free Software Foundation|https://www.gnu.org/philosophy/android-and-users-freedom.fr.html|fr]. Par ailleurs, rappelons que certaines couches logicielles comme les pilotes et ce qui touche aux modules radio sont presque toujours propriétaires...
    3. OmniROM ;
    4. ParanoidAndroid, qui malgré son nom se focalise sur l'éexpérience utilisateur ;
  2. Des téléphones spécifiques :
    1. FairPhone (Variante d'Android avec un objectif de fabrication éthique, mais rien sur l'aspect Libre et respectueux de la vie privée)
    2. Jolla (Sailfish OS, partiellement Libre)
    3. BlackPhone focalisé sur la vie privée, sur une base Android, avec un abonnement annuel pour bénéficier de services sécurisés respectueux de la vie privée ;
    4. Neo900, un projet visant à redonner une nouvelle vie au Nokia N900

A voir aussi : À quand les smartphones et tablettes libres ? qui est très complet dans une optique libriste, même s'il date de mai 2013.

lundi 1 février 2010

Le libre au-delà des logiciels : Shtooka et l'apprentissage des langues

Il y a quelque temps, je rencontrais Nicolas Vion, fondateur du projet Shtooka, projet qui vise à créer des collections audio libres de mots et expressions dans différentes langues.

Nicolas Vion, préparant une séance d'enregistrement

Nicolas Vion (du projet Shtooka) préparant une séance d'enregistrement

À l'occasion de cette rencontre avec Nicolas, j'ai pu apporter ma modeste pierre à l'édifice Shtooka en prêtant ma voix à une nouvelle collection de 144 proverbes français.

Quelques questions à Nicolas Vion, du projet Shtooka

Nicolas, tu travailles sur Shtooka.net depuis ses débuts, projet dont j'ai déjà parlé suite au billet de Framablog lecture recommandée avant de poursuivre la lecture de cet entretien). Tu peux nous expliquer ce qu'est Shtooka et à quoi ça sert ?

Le projet Shtooka vise à enregistrer des collections de mots, expressions, proverbes avec la voix de locuteurs dans leur langue maternelle. Ce projet est rendu possible grâce à une technique d'enregistrement originale que nous avons mise au point et affinée avec le temps. Cette technique permet l'enregistrement systématique de listes de mots ou expressions, le locuteur n'ayant qu'à lire à haute voix les mots qui défilent à l'écran. Grâce à cette technique, nous pouvons enregistrer près de 1000 mots en moins d'une heure. Tu as d'ailleurs eu l'occasion de tester cette technique lorsque nous avons enregistré ensemble les proverbes français.

Et c'est sous licence Libre ? Pourquoi ?

Finalement, les collections audio que nous proposons, c'est une matière un peu brute, quasiment inutilisable en l'état. Pour être utile, il faut donc que nos enregistrements puissent être utilisés par d'autres projets (comme par exemple, le dictionnaire de Wikipedia : le Wiktionnaire) ou bien être intégrés dans des activités pédagogiques par des professeurs de langues. Nous ne pouvons à nous seuls imaginer tous les usages rendus possibles par nos collections. Nous sommes d'ailleurs souvent surpris par l'imagination des internautes. Nous avons même récemment découvert que nos enregistrements pouvaient servir à la reconnaissance vocale pour les personnes à mobilité réduite. La seule façon de rendre tout cela possible est de diffuser nos collections sous licence libre !

Tu as un scoop à révéler "en exclusivité" pour le Standblog ? Quoi de neuf dans le projet Shtooka ?

Nous venons de mettre en ligne le 100 000 ème enregistrement audio !

Wow, 100'000 !

Pour fêter cet événement nous organisons une journée de promotion de notre projet et plus généralement des logiciels libres pour l'enseignement des langues. Nous présenterons de courts exposés suivis de discussions mais aussi des ateliers, des démonstrations... Cet événement aura lieu à Paris, à l'espace de travail La Cantine le 13 février de 13h à 18h.

Donc on peut faire un appel aux bonnes volontés ! C'est une bonne façon de découvrir l'association... Qui peut venir à cet événement ?

L'entrée est libre ! Nous nous adressons à tous les libristes de la région parisienne, mais aussi aux professeurs de langues, aux associations culturelles, mais aussi à tous les curieux. Alors, venez nombreux !

J'allais le dire ! Merci Nicolas pour avoir pris le temps de répondre à mes questions, et longue vie au projet Shtooka !

lundi 14 avril 2008

L'homme (Libre) qui plantait du code

Je viens de découvrir le court métrage d'animation L'homme qui plantait des arbres, tiré d'un texte de Jean Giono (plus d'info sur Wikipedia). Jean Giono y raconte la vie d'un vieil homme solitaire en Provence, qui redonne vie à toute une région en y semant des glands de chêne. Le film datant de 1987, est magnifique, très bien servi par la voix off de Philippe Noiret.

Dans l'histoire, un homme ayant perdu sa famille est devenu berger. Il s'appelle Elzéard Bouffier. A ses heures perdues, il plante des glands en vue d'avoir une forêt de chênes. Il n'est pas propriétaire de la terre abandonnée. Il ne sait même pas à qui elle appartient. Il a juste constaté qu'elle était peu propice à la vie, alors il a décidé de faire quelque chose : planter des arbres, pour que la terre s'améliore. La forêt grandit, la vie renaît dans la région.

Il y a un parallèle très intéressant avec Jean Giono, qui a mis le texte de cette nouvelle dans le domaine public, comme il l'explique dans une lettre. Son objectif, en écrivant cette histoire, c'était, je cite, faire aimer à planter des arbres. Jean Giono, dans sa démarche, était désintéressé. Le berger aussi, était désintéressé.

Indécrottable Libriste que je suis, je n'ai pas pu m'empêcher de faire un rapprochement avec la communauté du Libre. Souvent, mais pas toujours, le Libriste est désintéressé. Mais au lieu de planter des glands, il produit du code. Dans notre monde connecté, où les ordinateurs et le réseau ont un importance croissante, le code est ce qui fait tourner tout cela. Produire le code pour le donner, c'est un acte désintéressé. C'est en quelque sorte offrir une chance à la vie, aux générations futures et à leur liberté.

Vallée d'Auvergne

Vallée d'Auvergne

J'entends déjà ricaner bon nombre de mes lecteurs qui se demandent si je n'ai abusé de l'herbe de provence qui fait rire. Je suis conscient d'être complètement à contre-courant de la tendance blinb-bling / Rolex / pipole / 4x4 du moment, mais je crois fermement qu'aujourd'hui, faire du code Libre, partager son savoir, se battre contre les monopoles, la privatisation des technologies et des réseaux, c'est préparer l'avenir, quitte à passer pour un doux rêveur aux yeux de nos contemporains.

Dans la nouvelle de Giono, le narrateur revient voir le berger qui plante ses glands plusieurs années après, et découvre qu'il y a maintenant une forêt :

Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J'étais littéralement privé de parole et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt. Elle avait, en trois tronçons, onze kilomètres de long et trois kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l'âme de cet homme - sans moyens techniques - on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction.

Un peu plus tard....

En 1935, une véritable délégation administrative vint examiner la « forêt naturelle ». Il y avait un grand personnage des Eaux et Forêts, un député, des techniciens. On prononça beaucoup de paroles inutiles. On décida de faire quelque chose et, heureusement, on ne fit rien, sinon la seule chose utile : mettre la forêt sous la sauvegarde de l'Etat et interdire qu'on vienne y charbonner[1]. (...) J'avais un ami parmi les capitaines forestiers qui était de la délégation. Je lui expliquai le mystère. Un jour de la semaine d'après, nous allâmes tous les deux à la recherche d'Elzéard Bouffier. Nous le trouvâmes en plein travail, à vingt kilomètres de l'endroit où avait eu lieu l'inspection. (...) C'est grâce à ce capitaine que, non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme furent protégés. Il fit nommer trois gardes-forestiers pour cette protection et il les terrorisa de telle façon qu'ils restèrent insensibles à tous les pots-de-vin que les bûcherons pouvaient proposer.

Là encore, le parallèle est frappant, entre d'une part l'environnement saccagé par l'homme, qu'Elzéard Bouffier va sauver ; et d'autre part ce qui fait notre avenir : la technologie. Dans les deux cas, on tente de la privatiser en la détruisant, en favorisant l'intérêt à court terme. Chez Giono, ce sont les bûcherons qui font du charbon de bois. En ce début du 21° siècle, c'est la protection de la prétendue "propriété intellectuelle" qui empêchent le partage des idées, qui tentent de contrôler le destin de leurs concitoyens, via les DRM, la prétendue "informatique de confiance", les brevets logiciels, les logiciels propriétaires.

Dans les deux cas, des gens à contre-courant vont préserver l'avenir en écrivant du code Libre, en espérant que la puissance publique fasse son devoir et protège ce patrimoine... Ils oeuvrent pour les générations futures, pour une grande idée, ils en vivent plus ou moins bien, ils aiment ce qu'ils font, mais surtout ce travail les dépasse.

A titre personnel, je me retrouve dans ce personnage. Bien sûr, aujourd'hui Mozilla me verse un salaire, comme environ 159 autres salariés mozilliens, mais aucun de nous n'attend des millions de dollars d'une éventuelle IPO, même si Firefox est valorisé à 4 milliards de dollars... Le fait est que comme Elzéard Bouffier qui n'était pas propriétaire du terrain, nous n'avons pas le contrôle du code. Le code produit est utilisable Librement[2] par tous. Au moment où j'ai monté Mozilla Europe avec Peterv, rejoint par Pascal et d'autres, aucun d'entre nous ne pensait en vivre un jour. Mais on sentait que c'était quelque chose d'important à faire, pour plus tard. Pour le Web. Pour les autres. Bien sûr, c'était intéressant, passionnant, délirant, pour tout dire. Et notre entourage nous le faisait bien sentir (je reviendrai sur ce sujet). Mais surtout, ça nous dépassait. Il fallait qu'on le fasse. Et si ça n'était pas nous, on ne voyait pas qui ça serait. Alors on a plongé, malgré les regards des autres, malgré l'absence de perspectives économiques. Et aucun de nous ne le regrette... Et puis voilà, 4 ans et demi après la création de Mozilla Europe, je découvre le court-métrage de Giono, dont le texte a été écrit en 1953, bien avant l'invention d'Internet, du Web, et même du logiciel. Et pourtant, Giono, pacifiste, idéaliste, moraliste, né à la fin du 19° siècle, avait déjà tracé le chemin de sa plume.

Si vous avez 30 minutes à consacrer à un court métrage extraordinaire, je vous encourage à le regarder et à laisser un commentaire ci-dessous, sur la parallèle entre les Libristes et Elzéard Bouffier, le vieux berger qui a redonné vie à toute une région.

Notes

[1] Note de Tristan : de couper les arbres pour en faire du charbon de bois, qui avait été la raison pour laquelle la précédente forêt avait été détruite, ce qui avait rendu la vie impossible dans la région.

[2] Dans les limites décrites par les licences GPL, LGPL et MPL, sous lesquelles il est mis à disposition.

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