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vendredi 17 avril 2015

Loi renseignement : les boites noires adoptées par le parlement

Voilà, l’info est tombée mercredi soir, 15 avril 2015, date qui restera dans les mémoires : Les députés approuvent le système de surveillance du trafic sur Internet.

Trente présents dans l’hémicycle. Sur 577. Soit 5,2% de présents. Les institutions fonctionnant encore un peu, on a les noms. Sur les 30 présents, 25 ont voté pour les boites noires, 5 ont voté contre.

Voici les 5 députés ayant voté CONTRE les boites noires : Laure de La Raudière, Lionel Tardy, Isabelle Attard, Sergio Coronado, Jean-Jacques Candelier. Qu’ils soient ici remerciés du fond du coeur d’avoir eu le courage de défendre nos libertés dans un débat difficile (voir plus bas).

Rappelons le, cette loi est fondamentale : l’excellent Laurent Chemla se charge de nous le rappeler, avec une Lettre à ceux qui s’en foutent. La lecture est recommandée.

Qu’en est-il des hébergeurs ?

Face à la pression des hébergeurs qui menaçaient de quitter le territoire, plusieurs ministres les ont reçus pour discuter des modalités des boites noires, ces équipements qui doivent “détecter les mouvements suspects” sur Internet. Cela a donné lieu à l’amendement 437 que d’aucuns trouvent très creux.

Je n’étais pas invité aux réunions entre les ministres et les hébergeurs, mais j’en ai eu quelques échos par les personnes présentes.

  • Les boites noires sont toujours là, mais plus pratiques à gérer pour les hébergeurs.
  • Les hébergeurs ont eu l’assurance qu’ils pourront s’assurer techniquement que seules les méta-données sont visibles par les boites noires (mais on sait que ça reste un problème majeur, car il est facile de recouper les méta-données).

L’amendement discuté avec les hébergeurs est bien entendu fait pour calmer le jeu. J’ai des doutes sur son efficacité, vu les dernières annonces :

Faut-il boire pour oublier ?

Alors, faut-il aller picoler pour oublier ? Non. Tout n’est pas perdu !

Le texte doit encore passer par le Sénat, malgré le fait que le gouvernement ait eu recours à une procédure accélérée. Les sénateurs peuvent encore amender le texte.

Il y a aussi la possibilité pour un député de saisir le Conseil Constitutionnel. Bonne nouvelle, François Fillon a annoncé qu’il le saisira ! Quelques questions demeurent :

  • Aura-t-il suffisamment de signatures de députés pour cela ? (il en faut 60).
  • S’il est contre le projet de loi et en particulier les boites noires, pourquoi n’était-il pas dans l’hémicycle à voter contre ?

A propos d’incohérence, parmi les députés ayant voté POUR les boites noires, on remarque Eric Alauzet, qui s’était pourtant fendu d’un article très argumenté CONTRE les boites noires. En voici un extrait :

ce big data suscite des questions relatives au respect de la vie privée et plus encore au respect de la démocratie. Souhaiter tout connaître, tout prévoir, afin de mieux contrôler, c’est prendre le risque de réduire notre espace de liberté, espace de liberté sans lequel la démocratie ne peut exister.

C’est très bien dit. Depuis ce vote malheureux, je suis très inquiet. Eric Alauzet a-t-il perdu la tête juste avant le vote ? A-t-il été menacé ? Tout est possible quand on sait que son compte Twitter est sans activité depuis le 9 avril. Va-t-on le retrouver enchainé à un radiateur dans les locaux de la DGSI ? Tout est possible…

Par ailleurs, on sait bien que la plupart des députés ne comprennent rien à la technologie. Seuls les 5 qui comprennent ont voté contre les boites noires. Aussi, ça donne lieu à un magnifique chapelet d’inepties à l’assemblée nationale lors des débats. Par exemple, une phrase de Bernard Cazeneuve :

Si vous voyez un seul article qui remet en cause la liberté publique, dites-le moi. En revanche, il y a des articles qui remettent en cause la vie privée.

Voilà, c’est dit, ça remet en cause la vie privée. Pourtant, c’est tellement important, la vie privée, que c’est inscrit dans plusieurs grands textes de loi. Je les ai recensés dans un chapitre entier de mon livre. Juste un exemple, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, juridiquement contraignante dans les 27 états membres de l’Union Européenne depuis 2007.

article 7 : toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.

Rions un peu

Bon, ça n’est pas tout ça, rions un peu en attendant la mort les boites noires. Pour cela, j’ai sélectionné quelques liens rigolos :

Mieux comprendre la loi Renseignement

Comprendre, c’est déjà agir. Voici donc un peu de lecture pour mieux saisir le problème…

Agir

  • J’encourage les individus contre la loi à signer la pétition #stopLoiRenseignement ;
  • De même, les acteurs français d’Internet devraient signer la déclaration #NiPigeonsNiEspions qui compte déjà plus de 500 signataires, dont Criteo, Libération, les membres du CNNum, OVH, Gandi, Linagora, Capitaine Train, l’INRIA, PLOSS, FaberNovel, XWiki, GTLL Systematic, Prestashop, Videolan/VLC, Aquinum, Claranet, OpenWide, Médiapart, France Digitale, Captain Dash, Servebox, Syntec Numérique… Encouragez votre employeur à signer !
  • Surtout, il faut bien se rappeler que la loi sera inefficace pour quiconque sait se servir d’outils de chiffrement. Alors, si vous avez envie de vous protéger des boites noires, il suffit d’apprendre comment se servir de ces outils lors du prochain Café Vie Privée, à Paris ou ailleurs.

mercredi 15 avril 2015

#NiPigeonsNiEspions : les acteurs du numérique contre les boites noires

Cela fait tout juste un mois que j’ai découvert le projet de loi Renseignement et que mes nuits ont soudainement raccourci (et pas seulement parce que les jours rallongent !). J’ai déjà écrit plusieurs articles sur le Standblog, donné d’innombrables interviews pour alerter mes compatriotes de cette loi et expliquer sans relâche le danger des boites noires, ces systèmes classés « Secret Défense » qui vont, je cite, « détecter les comportements suspects » sur l’Internet français. J’ai expliqué pourquoi ces dispositifs étaient inefficaces (quiconque utilisant du chiffrement, dont les terroristes, sera invisible pour ces boites noires). J’ai expliqué pourquoi c’était liberticide (panoptique, auto-censure, conformité de la pensée). En vain ou presque. C’est comme si la tragédie de Charlie Hebdo avait anesthésié la capacité de penser nos libertés, comme si la majorité des français était résignée à tout, même l’impensable.

À coté de l’inefficacité de loi et de son coté liberticide, l’argument économique me paraissait presque faible. Et pourtant, en discutant autour de moi, j’ai vu que c’était lui qui portait. Avec quelques proches, nous avons décidé de lancer le mouvement Ni pigeons ni espions. Quelques nuits encore plus courtes, de nombreuses discussions, des documents partagés et ça a donné http://ni-pigeons-ni-espions.fr/.

Les grands noms du numérique français répondent présent

Il est trop tôt pour dire si ces efforts seront suivis d’effet, mais la couverture presse d’une part (voir ci-dessous) et les signataires prestigieux (OVH, Syntec Numérique, Criteo, INRIA, Gandi, Fabernovel, Capitaine Train, Emakina, Linagora, XWiki, Captain Dash, CNNum, JoliCloud, Prestashop, et les centaines qui affluent) ne laissent aucun doute sur l’impact de ce mouvement. Mise à jour : nous venons de passer les 200 signataires !

Tous ces noms ne sont pas connus, mais il faut bien voir que ce sont les jeunes sociétés françaises qui créent des emplois et génèrent de la croissance.

La France est-elle en suffisamment bonne forme économique pour que nous puissions nous passer du relais de croissance offert par le numérique ? Les députés semblent penser que oui. Il nous appartient de leur expliquer que la Loi Renseignement et ses boites noires sont néfastes au numérique français.

Il faut passer à l’action !

Aussi, si…

Ils en parlent :

dimanche 12 avril 2015

Loi Renseignement : comprendre et agir

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Le selfie, version 2016. Par Thibaut Soulcié, via Iconovox et Urtikan.net

La liste de ceux qui s’opposent au projet de loi Renseignement (aka #PJLRenseignement et #LoiRenseignement) ne cesse de s’allonger. Le problème est grave : veut-on autoriser les services de renseignement, à l’aide de leurs fameuses “boites noires”, à mettre tout l’Internet français sous écoute dans l’espoir vain d’attraper des terroristes qui seront bien sûr indétectables car utilisant des techniques de chiffrement ? Rappelons que la NSA, malgré ses 10 milliards de dollars de budget, a du reconnaitre du bout des lèvres qu’elle n’a réussi qu’à éviter qu’un ou deux attentats !

Face à cette menace, chaque internaute français a le devoir de s’informer et d’agir. Voici comment :

S’informer

Nous avons annoncé un plan d’investissement de 400 millions d’euros sur trois ans. Nous devons décider d’ici à septembre comment répartir cette somme et où investir. Si la loi est votée, nous irons mettre nos serveurs ailleurs. Actuellement, en France, nos principaux « data centers » sont situés à Roubaix, à Gravelines et à Strasbourg. Si la loi passe, nous irons de l’autre côté de la frontière au Royaume Uni, en Allemagne… Si nous ne le faisons pas, il faudra nous résoudre à voir nos clients partir : 40 % de notre activité concerne des clients étrangers (de Singapour, des Etats-Unis, d’Italie, etc.). Les Allemands, pour des raisons historiques, sont très soucieux de ces questions de surveillance.

Agir

Il existe plusieurs moyens de ne pas laisser passer cette loi inefficace, dangereuse pour la démocratie et pour l’économie française. En voici trois à la portée de chacun :

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