(Ce billet fait partie d'une suite de billets : Introduction, deuxième partie, troisième partie, quatrième partie).

On peut prendre ce terme "économie" dans deux sens successivement : l'économie réalisée en utilisant du logiciel Libre, ou l'économie au sens de science économique.

Commençons par la première interprétation du mot. Vu le faible coût des licences (souvent faible ou nul, mais pas nécessairement), le logiciel Libre est économique. Mais il ne s'agit pas non plus d'oublier les coûts plus ou moins cachés lors d'une migration vers le logiciel Libre : formation, administration, déploiement. Ces coûts, il faut les anticiper, et les amortir sur plusieurs années. À ce moment-là, le logiciel Libre est le plus souvent largement rentable, même sans tenir compte des aspects difficile à mesurer en terme d'indépendance technologique, de sécurité, de capacité à exploiter nativement des formats ouverts.

Regardons maintenant le logiciel Libre avec des yeux d'économiste[1]. Là, il faut bien reconnaître que logiciel Libre n'a pas encore fait ses preuves, du moins en terme de modèle économique. Du côté des sociétés de services comme IdealX, le modèle est tout trouvé. Une poignée d'éditeurs comme Jboss, MySQL AB, Mandriva semblent tirer leur épingle du jeu. Mais le modèle n'est pas trivial à faire fonctionner. Il reste aussi des efforts strictement bénévoles comme Apache, DotClear et Debian GNU/Linux (tiens, c'est justement ce qui fait tourner le Standblog !) et dont la qualité est démontrée.

Pourtant, si le logiciel Libre fonctionne pour ce qui est d'Apache, Debian, PostgreSQL et Mozilla, qui sont des produits Libre et gratuits, c'est tout simplement parce qu'ils sont autant de moyens d'allouer, entre plusieurs acteurs, sur un terrain neutre, des ressources de développement à un projet commun. Si un grand acteur (comme IBM, au hasard) paye des développeurs pour faire du logiciel Libre, c'est que cela a du sens et lui permet d'offrir des produits à ses clients, produits intégrés dans des prestations de service.

Et c'est peut-être là la grande différence entre le logiciel propriétaire et le logiciel Libre : dans le premier cas, un entrepreneur investit seul dans un logiciel. Si par bonheur il trouve un marché, il rentre dans ses frais. Si le marché est immense, alors le logiciel se transforme en planche à billets (cf les cas Microsoft Windows et Microsoft Office avec les marges indécentes que l'on sait).

Dans le cas du logiciel Libre, on définit un terrain neutre où les bonnes volontés sont appelées à participer. Elles offrent leur capacité à produire un bout du logiciel. Elles retirent de cet effort la totalité du logiciel. Le seul hic, c'est qu'à partir de là, il est bien difficile de faire tourner la planche à billet, car chacun peut redistribuer le logiciel, ce qui fait échec à l'organisation de la rareté, et donc à la montée des prix.

On remarquera que l'utilisation de la licence GNU GPL aide grandement à la création de ce terrain neutre, indispensable à la collaboration. À l'inverse, elle empêche de fait le passage au mode "planche à billet". Ce qui fait dire à certains que la "GPL c'est nul", car elle ne permet pas d'avoir le beurre et l'argent du beurre. D'autres diront que c'est justement son principal intérêt !

Au final, toujours du point de vue de l'économiste, le modèle Libre est une alternative au modèle propriétaire. C'est même dans certains cas une alternative plus efficace pour la création de valeur que celle du modèle propriétaire[2]. le principal inconvénient étant que cette valeur est bien souvent non mesurable d'un point de vue de gain financier pour une seule personne ou une seule organisation : la valeur est répartie entre tous les utilisateurs (qui ont maintenant un logiciel qui fonctionne) et contributeurs (qui ont appris quelque chose, souvent très intéressant), mais l'argent n'a pas changé de main. Dans le monde dans lequel nous vivons, ça ressemble bigrement à une faute grave !

Notes

[1] Rappelons que je ne suis pas un économiste, donc je vais odieusement simuler cet état dans le présent paragraphe. Merci de votre indulgence !

[2] C'est probablement ce qui fait dire à Mark Shuttleworth que le modèle du logiciel propriétaire tire à sa fin.