Internet est surveillé, contrôlé, censuré - affiche par RSF.org

affiche de RSF.org

La redoutable loi Loppsi vient donc d'être adoptée. Elle est redoutable car elle ouvre la porte au filtrage des sites par une autorité administrative. Autrement dit, une administration va pouvoir décider sans décision de justice de censurer un site Web. C'est un immense pas en arrière en terme de liberté d'expression. Je laisse au député Jean-Jacques Urvoas le d'expliquer cela (c'est un extrait des débats parlementaires) :

À l'article 4, parmi les techniques que vous entendez utiliser pour lutter contre la pédopornographie, figure le filtrage des sites. Nous partageons évidemment vos motivations mais le cocktail que vous proposez nous paraît explosif [...] Je crains que [la lutte contre la pédopornographie] ne soit un prétexte fallacieux, d'autant, les techniciens nous l'expliquent, qu'il ne sera pas compliqué de contourner le blocage. Dans les deux pays qui ont légiféré pour bloquer des sites, l'Australie et la Finlande, l'inutilité de la mesure a malheureusement été démontrée. La liste sera secrète et arrêtée par le ministère de l'intérieur, comme en Finlande. Or, dans ce pays, elle a en réalité été publiée rapidement et elle comportait une longue liste d'opposants à ce projet mais n'ayant rien à voir avec la pédopornographie. Le même phénomène a été constaté en Australie : sur la liste interdite par le Gouvernement, figuraient des sites de poker, des vidéos publiées sur YouTube, des pages de Wikipedia, des sites sur l'euthanasie ou anti-avortement. Les décisions seront prises à la discrétion du ministère de l'intérieur, sans contrôle d'une autorité judiciaire [...] cela revient, ni plus ni moins, à légiférer en faveur de l'arbitraire. C'est d'autant plus dommage qu'existent d'autres solutions ne présentant pas ces inconvénients, tout aussi aisées à mettre en œuvre mais plus respectueuses des libertés.

L'espoir qui reste, c'est que le Conseil Constitutionnel bloque la loi dans son état actuel. C'est d'autant plus inquiétant que la lutte contre la pédo-pornographie n'est qu'un prétexte pour le filtrage et le contrôle d'Internet, comme le souligne Jérémie Zimmerman, porte-parole de la Quadrature du Net :

Le contrôle du Net est à l'ordre du jour du G8 et du G20 présidés par Nicolas Sarkozy, au travers de la notion d'un “Internet civilisé”. Dans ce contexte, il est extrêmement inquiétant de voir le Parlement imposer le filtrage administratif d'Internet. Au même titre que l'HADOPI instrumentalise les artistes et élude la question du financement de la création à l'ère numérique, le blocage de l'accès aux sites ne règle absolument rien au problème de la pédopornographie. Le cheval de Troie de la protection de l'enfance ouvre la porte, par ce vote, à la censure généralisée du Net.[1] Les citoyens épris d'Internet et de libertés doivent agir et dénoncer cette instrumentalisation.

C'est pourquoi j'encourage les lecteurs du Standblog à soutenir la Quadrature du Net, comme je viens de le faire moi même avec un don de 100€.

Lectures complémentaires :

Notes

[1] Le président Sarkozy a déja promis le filtrage aux industries du divertissement: « Plus on pourra dépolluer automatiquement les réseaux et les serveurs de toutes les sources de piratage, moins il sera nécessaire de recourir à des mesures pesant sur les internautes. […] Il faut donc expérimenter sans délai les dispositifs de filtrage. » (Vœux au monde de la culture du Président de la République, 7 janvier 2010, format PDF).