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mercredi 5 août 2009

S'attaquer aux tabous pour devenir écolo

On trouve parfois d'excellents articles dans des endroits inattendus. Le dernier exemple en date, c'est Je n'arrive pas à être écolo, paru dans le cahier Été de Libération, censé être "ludique". On y trouve une citation de Séverine Millet (auteur de La stratégie du colibri). L'emphase est de mon fait :

La notion de limites apparaît insupportable à nos sociétés (...). Changer de comportement est insuffisant, la crise appelle à un revirement en profondeur du système de valeurs que notre éducation, notre culture, notre histoire ont contribué à forger.

Ca m'a fait plaisir de lire ces mots, ça ils résonnent avec ce que je sens depuis que je m'intéresse à l'environnement. En substance, je sens un décalage croissant entre les valeurs qui m'ont été inculquées et ce qu'il faudrait que je fasse (et que nous fassions tous) pour que la race humaine ait un avenir sur cette planète. Voici quelques notes sur les valeurs qui nous sont inculquées par nos parents, la religion, l'école, l'entreprise, la télévision et la publicité (j'oublie sûrement d'autres facteurs d'influence) :

  • Il faut manger de la viande plus souvent. C'est bon pour la santé. Sauf que la production de viande est très polluante en terme de CO2 par rapport à ce qu'elle fournit en terme de calories par rapport aux sources végétales de protéines. Mais bon, c'est pas facile d'aller à la fois contre ce qu'on nous a répété pendant toute notre enfance et contre le lobby de la filière viande...
  • Pas d'économie en bonne santé sans croissance. Là, c'est carrément un dogme économique, un truc qu'on ne peut pas remettre en cause. Et pourtant...
  • Réussir, c'est gagner beaucoup d'argent et avoir une belle voiture qu'on change souvent. Ici, c'est la combinaison du couple jalousie/orgueil d'une part et de la publicité d'autre part. Hyper puissant. Quasiment imbattable.
  • C'est important d'être bien habillé (et d'avoir des vêtements à la mode). Sur l'air de "t'es has-been, t'as les mêmes lunettes de soleil que l'année dernière !". Ca repose sur l'envie de plaire, d'avoir l'air riche, le besoin d'apparence, soutenu en bloc par l'industrie de la mode qui a tout intérêt à ce qu'on n'attende pas que les vêtements soient usés pour les changer.
  • J'ai gardé le plus tabou pour la fin : Il faut faire des enfants. Que les choses soient claires : j'ai deux enfants, je les adore, et je suis ravi de les avoir ! Mais voilà, dans notre société, il faut avoir des enfants. C'est la norme. Si possible plus de deux. Pourtant, avoir un enfant de moins est 20 plus efficace pour réduire les gaz à effet de serre que toute une vie à utiliser des ampoules basse consommation ou un véhicule hybride. Et on a le tabou ultime, car on combat la parole divine, via le premier livre de la genèse, "Croissez et multipliez", reprise par le Pape Jean-Paul II.

Pour être franc, j'ai un peu honte d'écrire un pareil billet. Dire au gens qu'il faut limiter le nombre d'enfant, c'est carrément "contre-nature" (si j'ose écrire). C'est tabou.

De même, critiquer la croissance, c'est s'assurer qu'on va passer pour un odieux gauchiste, un révolutionaire, un rebelle, un aigri, un "mec qui n'a rien compris", un raté qui tente d'imaginer une société dont les règles lui seraient plus favorables que celle dans laquelle il est perçu comme un loser.

J'ai même l'impression que le statut tabou de ces valeurs est bien pratique pour disqualifier ceux qui questionnent. Ca permet facilement de nier l'importance de ces questions, comme si la société avait mis en place des barrières pour qu'on évite de remettre en cause ses fondements.

Dans l'esprit participatif de ce blog, j'ai quelques questions pour toi, cher lecteur :

  • As-tu noté d'autres valeurs qui nous sont transmises et qui nous empêchent d'être écologiquement responsables ?
  • Où et comment ces valeurs nous sont transmises ? J'ai cité "nos parents, la religion, l'école, l'entreprise, la télévision et la publicité". En connais-tu d'autres ?

Merci de laisser vos réponses dans les commentaires ci-dessous.

Mise à jour :

Après discussion et réflexion sur le dernier tabou, celui de la natalité, il est apparu que le facteur premier est tout simplement biologique. La priorité première pour un individu d'à peu près toutes les races – y compris animales et végétales – c'est d'assurer la reproduction de l'espèce. Après, les religions, l'école & co ne font que reprendre ce thème pour le renforcer. C'est pour cela qu'il est si tabou : il revient à nier notre essence biologique même.

vendredi 7 mars 2008

Quand le dévot, le révolutionnaire et le millionnaire sont dans un bateau... Libre

Trois approches antagonistes du logiciel Libre.

Approché par la télévision belge dans le cadre d'une émission sur Mai 68, on me demande si le logiciel Libre et Internet sont des héritiers de Mai 68. J'avais deux ans à l'époque et je ne peux pas prétendre avoir participé à la chose ni même conservé le moindre souvenir de l'époque, mais dans une certaine mesure, on retrouve des valeurs de Mai 68 dans l'approche du logiciel Libre. Je pense à la gratuité, au travail en communauté (fais tourner, man ! ;-), et à un certain idéal, à une liberté, une indépendance. J'en parlais avec Fred Couchet (fondateur de l'APRIL), qui m'a pointé sur une interview dans Libé, qui va dans ce sens :

Dans l’open source le logiciel libre[1], le pouvoir appartient à tous, et plus seulement à quelques-uns. Le logiciel libre démocratise le savoir en évitant son appropriation exclusive par des multinationales. Le monde du libre induit aussi un changement culturel très profond dans la manière de travailler. A un modèle hiérarchique et fermé opérant en vase clos, le logiciel libre substitue un modèle communautaire, fondé sur la coopération et le partage. Ce n’est pas un hasard si le boom du logiciel libre est allé de pair avec la démocratisation d’Internet. La fantastique croissance de ce réseau mondial a permis une diffusion archi-simplifiée du savoir. On le voit avec un site comme l’encyclopédie libre Wikipedia, qui a permis à des gens issus de la planète entière de travailler ensemble. C’est l’utopie soixante-huitarde du libre devenue en partie une réalité.

Ce qui est très paradoxal, c'est qu'au même moment, mon collègue Gerv Markham (contributeur Mozilla de longue date maintenant employé par Mozilla Foundation), publiait une analyse culturelle et théologique du mouvement du logiciel Libre, avec référence aux Corinthiens et et à la Genèse. Il faut dire que Gerv est un catholique convaincu (tout autant qu'il est Libriste). Le logiciel Libre serait-elle une extension de la religion catholique ? Allez, je vous livre la conclusion de Gerv : Produire du logiciel Libre est bénéfique pour le croyant et (indirectement) recommandé par les écritures, alors qu'utiliser du logiciel propriétaire n'est pas interdit par ces mêmes écritures. Allez, je me fends de la traduction de sa conclusion :

Ansi, il n'est pas possible d'aller jusqu'à dire, comme la Free Software Foundation, que le logiciel propriétaire est éthiquement mauvais. Mais avec toutes les mises en garde précisées, et pour les raisons citées précédemment, le logiciel Libre est un positif d'un point de vue social et, en tant que tel, les chrétiens doivent être encouragés à en produire, à l'utiliser et à le partager.

Enfin, encore plus paradoxal sans doute, est l'approche 100% capitaliste, où finalement, le Libre est surtout un moyen plus efficace, moins coûteux, de faire du logiciel de meilleure qualité... pour gagner le plus d'argent possible. Je n'ai pas eu à chercher loin pour trouver une illustration de cet esprit, il m'a suffit d'écouter les première secondes de l'interview de Marten Mickos, MySQL, qui balance tout de go (traduction de mon cru) :

Nous avons toujours eu ce rêve d'être coté en bourse, de rester indépendants et de faire grandir notre affaire pour dépasser le milliard de dollars ou d'euros (...)

C'est un sujet auquel je réfléchis depuis longtemps, alors que j'essaye de comprendre ce qui me fait tant aimer le logiciel Libre. Le partage, oui. L'entraide ? C'est certain. La création de valeur (non financière, la plupart du temps) de façon novatrice (via une communauté qui possède en commun le résultat du travail) aussi. Il y a aussi l'aspect éducatif et indépendant : je suis libre de voir ce qu'il y a "sous le capot" de mon logiciel et l'adapter à mes besoins. Enfin, la perspective d'inventer un "truc", autant d'un point de vue technique que social et économique, est très fort...

Et vous chez lecteur, si vous participez à un projet Libre, vous sentez vous plus dévot, révolutionnaire ou millionnaire ? Qu'est-ce qui vous intéresse dans le Libre ? Lâchez vous dans les commentaires (mais ne tombez pas à bras raccourcis sur Gerv en trollant, il a le droit de croire en ce qu'il veut, même si c'est différent de ce en quoi vous croyez).

Notes

[1] Mise à jour : Fred Couchet ne dit pas "Open Source", il dit "logiciel libre". Ca m'avait étonné, aussi ! Il m'a demandé une correction, ce que je lui offre très volontiers.