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lundi 15 novembre 2021

De combien va se réchauffer la planète d'ici à la fin du siècle ?

Voilà, la COP26 s’est terminée, et l’ambiance n’est pas au beau fixe. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi aussi clairement et rapidement que possible en réutilisant des graphiques issus d’un article en anglais traduit par mes soins : Sur quelle trajectoire (de réchauffement) sommes-nous ?. Autrement dit :

De combien va se réchauffer la planète d’ici à la fin du siècle ?

En fait, ça dépend de combien de gaz à effet de serre on émet collectivement. Restez avec moi, c’est moins compliqué qu’il n’y paraît !

C’est quoi un gaz à effet de serre ?

Petit rappel : le changement climatique existe parce que l’humain, en se développant, émet de plus en plus de gaz à effet de serre (GES), ce qui provoque une augmentation de la température moyenne sur la Terre. Pour mesurer cette augmentation, on a pris la moyenne des températures de la Terre entre 1850 et 1900, et depuis on compare combien de degrés on a gagné depuis cette période, dite « pré-industrielle ».

Il y a trois grands gaz à effet de serre qui sont émis, et pour simplifier les calculs d’émissions de gaz à effet de serre, on les rassemble sous la notion d‘équivalent CO2 ou eCO2[1] .

Un réchauffement très dangereux pour l’humain

Pour faire simple, on sait depuis longtemps (depuis le XIXe S.[2]) que plus on émet de gaz à effet de serre, plus on provoque le réchauffement.

C’est ce que montre le graphique ci-dessous :

Émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre si on ne fait rien pour les réduire

En abscisse (l’axe des X, horizontal), c’est le temps, de 1990 à 2100.

En ordonnée (l’axe des Y, vertical), ce sont les émissions annuelles de gaz à effet de serre dans le monde. Elles sont exprimées en gigatonnes (milliards de tonnes) d’équivalent CO2.

En gris sur le graphique, on voit ce qui a été produit chaque année depuis 1990 (environ 40 gigatonnes) à 2020 (environ 50 gigatonnes). C’est à peu près stable depuis 2010, ce qui est une excellente nouvelle : le problème des gaz à effet de serre cesse d’augmenter !

La zone couleur vieux rose, c’est les émissions possibles si on avait pas de politique mise en place pour les réduire : on aurait continué sur notre lancée. Comme c’est une projection (on parle du futur, là), on a une forme (à peu près) triangulaire, car il y a plusieurs scénarios. Et plus on parle du futur, plus la fourchette s’élargit. Dans les hypothèses pessimistes, on approcherait des 180 gigatonnes (Gt) par an en 2100, et dans le plus optimistes, plutôt vers les 80 Gt.

Et ça donne combien en terme de réchauffement ?

Franchement, ça serait catastrophique : + 4,1°C à +4,8°C par rapport à la moyenne de 1850 à 1900. Juste pour vous donner un ordre de grandeur : nous sommes actuellement à un réchauffement de 1,1°C, et on voit déjà les impacts du changements climatiques. Rien que cet été, méga-feux au Canada et en Californie, inondations en Belgique, en Allemagne et en Chine, famine à Madagascar, etc.

Il faut garder à l’esprit que ces chiffres sont une moyenne, et que l’impact serait désastreux en terme de santé, d’alimentation, d’alimentation en eau, de migrations (des tas d’endroits seraient inhabitables) et donc beaucoup de conflits armés. Vraiment pas un monde qu’on pourrait souhaiter pour nos enfants.

Mais heureusement les gouvernements ont mis en place des règlements !

Effectivement, un certain nombre de règlements ont été mis en place dans les différents pays du monde pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple des malus sur les voitures qui en émettent beaucoup, ce qui dissuade (parfois) les gens d’en acheter. Ou des aides pour isoler son logement, etc. Cela fait de l’effet, c’est pour cela que depuis 10 ans les émissions plafonnent autour des 50 Gt. Et c’est bien !

 Émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre si on respecte les décisions politiques prises

Enfin, il ne faut pas être trop optimiste non plus : même si ces émissions restent à peu près stables comme l’indique la courbe orangée, on arrive à une augmentation de la température mondiale moyenne de +2,7°C à +3,1°C. Là encore, c’est monstrueux et la planète ne sera toujours pas un endroit qu’on peut souhaitez pour nos enfants.

Il faut donc faire mieux.

Mais heureusement, les gouvernements ont pris des engagements pour le futur !

Oui, et c’est une excellente nouvelle ! C’est dans les différentes COP que sont discutés et âprement négociés les nouveaux engagements des gouvernements. Par exemple, une quarantaine d’Etats ont annoncé, jeudi, abandonner le charbon pour produire leur électricité, d’ici à 2040 au plus tard.

Bon, le souci, c’est que ce sont des promesses qui sont faites, par exemple celle de réduire ceci ou cela d’ici 10, 20 ou 30 ans. Et on le sait, « il y a loin de la coupe aux lèvres » comme disait ma grand-mère, ou « un tient vaut mieux que tu l’auras ». Comprendre : certaines promesses n’engagent que ceux qui y croient, elles ne sont pas toujours tenues…

Mais bon, imaginons ce que ça donnerait si tous les pays tenaient leurs engagements ? C’est le trait bleu canard sur le graphe :

Émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre si on respecte les engagements futurs

Une belle réduction des gaz à effet de serre, divisés par 2 d’ici 2100 !

Mais ça ne suffira pas !

Eh non, ça ne suffira pas, et de loin ! Puisque ça donnerait, toujours d’après les scientifiques, un réchauffement de l’ordre de 2,4°C, beaucoup plus important que ce qu’on peut se permettre.

Au passage, notons que ce graphique ne tient pas encore compte des engagements de la COP26 qui vient tout juste de se terminer. Il sera mis à jour prochainement, mais ne vous attendez pas à un miracle non plus.

L’accord de Paris : vise un réchauffement « largement en dessous de 2°C, idéalement 1,5°C »

En effet, l’accord de Paris, qui était historique et date déjà d’il y a 6 ans, en 2015, vise un réchauffement « largement en dessous des 2°C », car, d’après les scientifiques, le réchauffement maximum raisonnable est de 1,5°C.

Émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre si on veut se limiter à 1,5°C

Bref, oui, on a déjà fait des progrès très significatifs, mais nous sommes encore loin du compte. Il va falloir changer beaucoup de choses. Comme le disait le communiqué de presse du GIEC le 8 octobre 2018 (format PDF) :

Limiter le changement climatique à 1,5°C nécessitera des changements rapides, profonds et sans précédents dans tous les aspects de la société.

Ce sont ces changements que j’essaye de comprendre, documenter et raconter ici sur le Standblog et dans mon podcast l’Octet Vert.

Pour finir, je vous mets l’image avec la légende complète pour la diffuser si vous le souhaitez :

Émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre si on vise 1,5°C de réchauffement

Source : What trajectory is the world currently on?, partagée sous licence Creative Commons CC-BY Hannah Ritchie et Mex Roser, traduction par Tristan Nitot.

Notes

[1] Le CO2, aussi appelé dioxyde de carbone, le CH4, aussi appelé méthane et enfin le N2O, aussi appelé protoxyde d’azote.

[2] Merci à Laurent Besson pour la correction ! J’avais initialement écris « depuis les années 1970 »…

mercredi 20 octobre 2021

Numérique et climat : se focaliser sur ce qui est important

Il y a beaucoup de débats autour de la relation complexe entre numérique et climat. L’industrie et ses représentants clament que le numérique fait partie de la solution face au défi climatique. Et c’est vrai ! Mais le numérique fait aussi partie du problème, et comme tout ce qui a une empreinte carbone, il est important, pour éviter la catastrophe climatique, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. D’où cette question essentielle : quelle partie du numérique émet-elle le plus de gaz à effet de serre ? C’est ce que je vous propose de voir (et en plus, comme ça on saura si supprimer ses emails est la chose la plus importante à faire ou pas[1]) !

Terminaux, réseau ou Datacenter ?

Pour faire simple, on va diviser le numérique en trois niveaux :

  1. le data center et ses serveurs et son stockage,
  2. le réseau, et
  3. l’équipement de l’utilisateur, donc PC de bureau, PC portable, smartphone, TV et décodeurs / box associés. On y ajoutera les objets connectés utilisés à la maison, genre montre connectée, thermostat connecté, balance connectée et autres brosses à dents elles aussi connectées.

Au delà de la simple utilisation et du CO2 : analyse multi-critères et cycle de vie

Les gens sérieux qui réfléchissent sur ces sujets ont deux principes essentiels :

  1. Penser multicritères et ne pas se focaliser sur un seul critère (par exemple seulement les Gaz à Effet de Serre — GES). Pour une raison toute simple : si on n’a qu’un seul critère, on a vite fait d’optimiser pour ce seul critère et donc reporter le problème ailleurs, là où on ne fait pas de mesures. Certes, pour lutter contre le changement climatique, mesurer les GES est essentiel, mais n’oublions pas l’utilisation d’eau (qui est une ressource critique : seulement 1 % de l’eau est potable et accessible), sa pollution, l’utilisation de ressources abiotiques[2] (par exemple les minerais dans le sol), qui eux aussi s’épuisent.
  2. penser à l’ensemble du cycle de vie du produit. Logiquement, en tant que consommateurs, on a tendance à regarder ce que consomme un appareil. Mais avant qu’il n’arrive à la maison, il y a eu des tas de choses qui ont été faites en amont : extraire les minerais et différentes matières premières pour le fabriquer, déplacer ces matières premières, assembler l’objet, le livrer au magasin, puis l’amener à la maison. De même, en aval, l’objet peut être réutilisé, réparé, voire recyclé ou dans une décharge (cas le plus fréquent). Chaque étape peut consommer de l’eau, de l’énergie, des ressources abiotiques ou polluer. Il faut le prendre en compte.

Les chiffres !

Une étude, intitulée iNUM : impacts environnementaux du numérique en France est parue en janvier 2021. Elle nous donne les chiffres que nous cherchons. Au début, ça fait un peu peur, mais pas d’inquiétude, ça se lit très bien avec un peu d’explications…

Répartition par tiers des impacts du numérique en France en 2020

Dans le tableau ci-dessus, on voit très bien, dans la colonne « GES » (gaz à effet de serre) qui est la plus importante pour le climat, que c’est du côté des terminaux des utilisateurs que se trouve l’essentiel du problème, avec 84 % des gaz à effet de serre produits. Les centres informatique (datacenters) et le réseau ne génèrent que 6 % et 10 % respectivement des GES. Dans l’idée d’avoir une approche multi-critères, on voit que côté consommation d’eau et de ressources abiotiques, c’est encore du côté des terminaux que se situe l’essentiel du problème.

Mais parce qu’il faut prendre et respecter les bonnes habitudes, voyons voir du côté du cycle de vie. Du coup, ça fait un tableau un peu plus compliqué, puisque pour chaque niveau, on sépare la phase de fabrication (notée FAB) de la phase d’utilisation (notée USE).

Répartition des impacts du numérique en France en 2020

J’ai fais une variante simplifiée du schéma pour qu’il soit plus lisible :

Répartitien par tiers des impacts en GES du numérique en France en 2020

Au niveau des émissions de gaz à effet de serre, toujours par rapport au climat, on constate que c’est la fabrication des terminaux qui domine de très loin (pour 76 %), en terme de production de gaz à effet de serre. À côté, la production de GES par les datacenters (10 %) et le réseau (6 %) sont négligeables[3].

Quelles leçons à retenir ?

La première des solutions face à cette information, c’est que pour réduire l’empreinte carbone du numérique, on dispose d’un levier beaucoup plus efficace que les autres : il faut augmenter la durée de vie des terminaux. L’étude iNum (téléchargeable au format PDF (400 Ko) recense 4 recommandations que je ne vais pas paraphraser ici, et nous verrons dans un prochain billet comment utiliser au mieux le fait que l’immense majorité des gaz à effet de serre du numérique reposent sur la fabrication des terminaux.

Notes

[1] Pour faire simple, non, ça n’est pas la bonne solution, c’est comme croire que faire pipi sous la douche sauve la planète, c’est rassurant, mais pas efficace. Il peut y avoir un cas où c’est bien, c’est quand vos messages email sont stockés en local et que votre appareil est à bout de son “espace disque”, ce qui vous pousse à le changer. À ce moment-là, supprimer des emails peut aider à garder son terminal plus longtemps. Astuce : commencez par ceux ayant de grosses pièces jointes. Et dans la foulée, supprimez les vidéos les plus grosses.

[2] Ressources non vivantes se trouvant naturellement dans l’environnement, non créées ou produites par l’homme ou l’activité humaine.

[3] On notera que ce sont des chiffres pour des équipements réseau et datacenter situés en France, où l’énergie est beaucoup plus décarbonée qu’ailleurs, grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité. Pour des datacenters situés à l’étranger, le pourcentage de GES serait un peu plus élevé.

mercredi 13 octobre 2021

Comprendre le changement climatique en 10 minutes

Tristan Nitot explique le changement climatique en 10 visuels et 10 minutes

Le changement climatique est probablement le défi du siècle pour l’humanité, mais c’est un sujet hyper complexe. J’ai essayé de l’expliquer de façon claire en une dizaine de minutes.

En effet, lors d’un récent conférence technologique, NWX Summer Festival à Rouen, j’étais invité à parler de mon parcours, qui tourne en ce moment autour du numérique et du changement climatique, j’ai expliqué ma vision de la relation entre ces deux sujets.

Je pense que si vous avez envie de comprendre le changement climatique en 10 slides et 10 minutes, c’est là qu’il faut aller. Évidemment, ce n’est qu’une partie parmi un propos plus large, dont voici les principaux thèmes, avec des liens vers chaque partie (le tout fait environ 40 minutes) :

  1. Comment j’en suis arrivé à m’intéresser à tout ça (mon parcours, et en quoi je suis une feignasse)
  2. Le changement climatique expliqué en 10 slides (à 8 mn et 27 s)
  3. Et le numérique dans tout ça ? Son rôle positif et son coté moins glorieux (à 19 mn et 55 s);
  4. Le poids du numérique dans le changement climatique et sa tendance (à 24 mn et 37 s) ;
  5. Que peut-on faire à notre niveau, en tant qu’acteur du numérique ? (à 30 mn et 12 s) ;
  6. Que peut-on faire à notre niveau, en tant que citoyen et consommateur d’objets numériques ? (à 36 mn et 01 s) .

Si vous avez des questions sur le sujet, des suggestions pour améliorer la clarté du propos, je suis preneur dans les commentaires ci-dessous !

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