C'est fou comme une dépèche AFP peut pousser à se poser des questions existentielles. Démonstration :

L'AFP nous livre une dépèche sur un nouveau livre à sortir, Les dirigeants face au changement (Editions du Huitième jour), et nous offre un extrait de la pensée de Patrick Le Lay, PDG de TF1 :

Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective business, soyons réaliste: à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. (...) Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.

Voilà qui est clair.

Nous apprenons par ailleurs que Monsieur Le Lay ne regarde presque pas la télévision et préfère la poésie, les livres anciens, la peinture contemporaine (source : Management). A ce sujet, il ajoute :

Forcément, on s'interroge : comment ce Breton (...) aux centres d'intérêt élitistes s'est-il retrouvé patron de la chaîne populaire par excellence, celle de Vincent Lagaf', de "Greg le millionnaire" et de "L'Ile de la tentation" ? Comment un homme si peu intéressé par la télévision a-t-il pu consacrer déjà dix-sept ans de sa vie à transformer l'antique "première chaîne" en une redoutable "cash machine" ? Réponse : a) par devoir ; b) par devoir.

Le devoir de quoi ? De gagner beaucoup d'argent ? D'avoir du pouvoir ? De trouver de nouvelles manières d'abrutir les gens qui n'ont pas eu la chance de faire de longues études ? Tout cela me dépasse. Du haut de ma naïveté, je dois consterner le lecteur averti, qui est aussi dans la même démarche que Patrick Le Lay : gagner sa vie en trouvant de nouvelles manières d'exploiter les faiblesses des autres.

Dans la même veine, je discutais récemment avec un proche qui travaille dans le marketing. Il m'expliquait en substance, que vraiment, les gens sont cons et rajoutait en guise de démonstration : regarde un produit comme la cigarette : c'est un produit qui tue, mais on arrive quand même à le vendre en faisant croire aux gens qu'en l'utilisant, ils seront cools. C'est dingue, non ?.

Personnellement, je ne considère pas la cigarette et TF1 comme des facteurs de progrès pour la société (notez l'euphémisme) ; à constituer des fortunes pour les actionnaires, certes. Mais abrutir et tuer (à petit feu) ses congénères n'est pas, à mon sens, la meilleure façon de faire progresser notre civilisation.

Donc voilà la question existentielle que je me pose actuellement : Etre intelligent et cultivé, est-ce que cela ne donne pas aussi le devoir (mot que semble bien comprendre M. Le Lay) de participer au progrès de ses congénères ?. Est-ce que s'enrichir en contribuant toute sa vie à la médiocrité ambiante peut être considéré comme une grande réussite ?

Vous avez jusqu'à la semaine prochaine pour concocter un devoir de philo aux petits oignons. Après, je ramasse les copies !

Mise à jour : d'après Acrimed (qui reprend la dépèche AFP), Libération aurait titré Patrick Le Lay, décerveleur. Bien vu :-)

Nouvelle mise à jour : avec un extrait des Guignols de l'info, rapporté par mon ami Thierry :

La marionnette de PPDA : Mais voyons Patrick, on ne peut pas dire ça des téléspectateurs !

La marionnette de Patrick Le Lay : Mais je m'en fous de ces connards qui regardent ces émissions de merde. Est-ce que je passe mon temps devant cette télé débile ? Non, je bosse !