Ce billet fait partie d'une suite d'articles sur Firefox, les standards et l'avenir du Web.

  1. Introduction ;
  2. L'importance d'avoir des parts de marché ;
  3. L'historique de la relation avec Google ;
  4. Le soutien des partenaires ;
  5. L'indépendance du projet Mozilla (le présent billet).

(Avant de continuer la lecture, merci de vous souvenir qu'il s'agit ici de mon analyse personnelle et en aucun cas d'une communication officielle du projet Mozilla).

Comme je le disais précédemment, le mode de fonctionnement de Mozilla repose sur la mutualisation des efforts. Cette collaboration, aussi bien au niveau technique que promotionnelle, est essentielle, et les instances dirigeantes du projet Mozilla l'ont bien compris.

Mais imaginons le pire un instant, juste comme hypothèse de travail. Imaginons que le projet Mozilla abandonne sa mission qui consiste, je le rappelle, à "promouvoir le choix et l'innovation sur Internet" et ne propose plus de nouvelles versions de Firefox, par exemple (ce que Microsoft a plus ou moins fait avec IE entre 2001 et 2006, hormis le Service Pack 2 de XP fin 2004). Que se passerait-il ? Un groupe composé de gens de bonne volonté se réunirait et reprendrait le code de Firefox pour l'améliorer. Vous croyez que je délire ? Pour vous prouver le contraire, permettez moi de vous rappeler deux fois ou cette occasion s'est présentée :

  1. En juillet 2003, AOL/Netscape a décidé d'abandonner le projet. Mozilla Foundation est créée, les bénévoles se mobilisent (dont votre serviteur) et lance Firefox 1.0 quinze mois plus tard ;
  2. Peu après, il est décidé de ne plus améliorer la suite Mozilla 1.7, compte tenu du succès bien plus important de Firefox et Thunderbird. Quelques ingénieurs ne l'entendent pas de cette oreille et décident de reprendre le code, avec l'aide logistique de la Mozilla Foundation (mais sans y dédier de ressources humaines, juste en offrant l'infrastructure, dont Bugzilla, les Tinderbox, les serveurs et la bande passante). fin janvier 2006, SeaMonkey 1.0 est sorti.

Autrement dit, le code de Firefox étant Libre (sous triple licence MPL-LGPL-GPL), tout le monde peut se l'approprier pour proposer un navigateur Libre, si le leadership du projet faisait défaut. Dans le monde du logiciel Libre, c'est ce qu'on appelle un Fork, et c'est une réalité de ce monde. Ceux que cela intéresse pourront se reporter à l'historique du logiciel Mambo et de son fork Joomla, créé le 17 août 2005 suite à une forte divergence de vue entre les développeurs et la direction. Tous les développeurs ont quitté Mambo pour fonder Joomla, qui connait maintenant le succès.

On notera par ailleurs qu'il y a des projets de navigateurs basés sur le code de Gecko (projet Mozilla), et qui ne sont pas des produits de Mozilla Corp. :

  • K-meleon, un navigateur léger pour Windows. Dernière version datée du 10 janvier 2006 ;
  • Camino, navigateur léger pour OS X, en version 1.0 ;
  • Seamonkey suite Internet pour Linux, Windows et OS X, actuellement en version 1.0 ;
  • Galeon / Epiphany, navigateurs pour le bureau Gnome de GNU/Linux, navigateurs qui devraient fusionner à terme ;
  • Flock, navigateur dit "social" pour OSX, Linux et Windows. Actuellement en pré-version 0.5.11 destinée aux développeurs.

On le voit, si la direction de Mozilla venait à faire défaut, le fork ne tarderait pas, d'autant qu'il existe déjà des compétences - en dehors de Mozilla Corp. - capables de prendre le code et de porter le projet, ce qui une indéniable garantie de pérennité pour le logiciel, et qui tient à sa nature Libre. Faut-il rappeler que pendant les cinq ans où le navigateur dominant et propriétaire a été laissé en jachère, il n'y avait aucun recours? A ce titre, le code de Firefox est infiniment plus pérenne que les navigateurs propriétaires, et la Mozilla Corporation sait qu'elle se doit de continuer dans la droite ligne de sa mission : promouvoir le choix et l'innovation sur Internet, faute de quoi elle verrait la communauté la sanctionner en quittant le navire.