...ou pourquoi il ne faut pas prendre les utilisateurs pour des crétins.

Oui, le titre de ce billet est indéniablement cryptique, c'est paradoxal. Il s'agit d'un nombre exprimé en hexadécimal. Ce nombre est un nombre secret, ou plutôt qui était secret jusqu'il y a peu. C'est la clé servant à chiffrer la majorité des DVD Haute Résolution. Sans cette clé, impossible de lire un DVD. Les majors d'Hollywood tiennent à garder cette clé secrète, mais voilà, dans un monde libre et connecté, rien ne peut rester longtemps secret, surtout quand une toute petite minorité doit cacher un secret qui fait suer énormément de gens. Bien sûr, on relira avec plaisir le billet de Mark Shuttleworth, Certaines idées sont débiles mais suffisament excitantes pour certains qui fait qu'elles sont condamnées à être appliquées encore et encore. Les DRM sont une de ces idées..

Que faire une fois que ce secret est découvert ? Faire taire tous ceux qui en parlent en les menaçant de les traîner en justice ? L'Advanced Access Content System Licencing Authority (voir aussi leur site Web) a tenté cela, en écrivant des courriers de ce genre, prétextant la violation de la DMCA (genre de DADVSI américaine, pour faire simple). Quelques jours après, des dizaines de milliers de pages portant la clé était recensées par Google, ce qui prouve bien que de tels efforts étaient complètement vains. Je viens de faire le test à l'instant, et plus de 329 000 sites mentionnent la clé "secrète", et ça n'est qu'un début.

Ce qui est intéressant, c'est de voir le Web se rebeller face aux actions de l'AACSLA (en fait de ses membres, dont Microsoft, IBM, Intel, Walt Disney et Warner Bros et des fabricants que lecteurs de DVD).

Il y a une deuxième leçon, c'est celle du Web 2.0. Peut-être connaissez-vous digg.com, un site où l'actualité est publiée et filtrée par les utilisateurs. Digg.com a subi une véritable révolte de ses utilisateurs. Voici comment ça s'est passé :

  1. un utilisateur veut publier une dépêche contenant la clé (c'est interdit).
  2. l'équipe dirigeante de Digg.com décide de supprimer la dépêche, malgré des milliers de votes pour qu'elle figure sur la page d'accueil. Le compte de celui qui l'a publiée est fermé.
  3. le directeur des opérations de Digg.com publie un billet pour expliquer la situation et déclare que toutes les dépêches sur ce sujet sont retirées et les comptes fermés.
  4. Les utilisateurs et lecteurs de Digg.com ne l'entendent pas de cette oreille et publient massivement des dépêches interdites.
  5. Digg.com se trouve dans une position où il faudrait donc fermer le site à toute la communauté des gens qui publient.
  6. Digg.com fait marche arrière. Son fondateur, Kevin Rose, publie un billet affirmant vous preférez voir Digg fermer plutôt que de plier aux exigences d'une entreprise plus grosse. Nous vous avons entendu (...).

C'est très intéressant de voir comment les utilisateurs, qui sont le moteur du site, peuvent prendre le pouvoir quand les instances dirigeantes sont d'un avis contraire. Ce qui vient de se passer est très bien : faisant d'une pierre deux coups, on vient de démontrer l'aberration des lois scélérates protégeant les DRM, tout en rappelant que quand on met l'utilisateur au coeur d'un système, il faut se souvenir qu'il peut demander des comptes...

On lira avec profit l'article de Cory Doctorow, Digg users revolt over AACS key, ainsi que Blu-Ray AND HD-DVD broken - processing keys extracted, qui détaille les failles du systèmes AACS.