Le New York Times vient de publier un article passionnant sur les brevets : La guerre des brevets entre géants de la technologie bride la concurrence
L'article est long, mais on y trouve quantité de preuves de la nocivité des brevets dans le domaine du logiciel. En voici quelques uns :
- Comment Vlingo, start-up innovante dans la reconnaissance vocale, a été rachetée par Nuance, concurrent moins innovant, mais qui a réussi à mettre à genoux la première à coups de procès (pourtant perdus !) pour des brevets logiciels. La distraction causée par ces procès, combinée aux dépenses juridiques ont suffi pour que la société innovante soit à la merci de son concurrent plus établi et moins innovant. On notera que la technologie de Vlingo était à la base de celle de Siri, l'assistant vocal de l'iPhone
- "Un système de brevets logiciels décrit par les juges, les économistes, les juristes et les cadres de sociétés de technologies comme étant si bancal qu'il empêche souvent l'innovation"
- Dans l'industrie du smartphone, d'après une analyse de l'université de Stanford, 20 milliards de dollars ont été dépensés en procès et achats de brevets ces deux dernières années, soit 8 fois le coût d'une mission d'exploration de la planète Mars.
- L'année dernière, pour la première fois, les dépenses d'Apple et Google pour les procès liés aux brevets et les achats de brevets ont dépassé les investissements en recherche et développement de nouveaux produits.
Comme l'indique Michael Phillips, le fondateur de Vlingo, "les startups, c'est là que se trouve l'innovation. Si vous passez votre temps au tribunal, alors vous ne pouvez plus créer de la technologie". Michael Phillips, écoeuré par six ans de bataille juridique, racheté par son concurrent a passé l'été à récupérer ses forces après des années difficiles. Et puis, en septembre, il a démissionné. Il a beau être l'un des meilleurs spécialistes en synthèse vocale au monde, diplômé du MIT et de Carnegie Mellon, il a décidé d'abandonner ce champ de recherche, en faveur d'un secteur moins miné par les brevets logiciels.
Une histoire que l'on devrait garder à l'esprit alors que le Brevet Unitaire est en cours de discussion au niveau européen. A ce titre, je vous encourage à suivre l'actualité du brevet unitaire et à agir en conséquence.
PS : lire aussi Monopole sur les idées, pour approfondir le sujet.
7 réactions
1 De Dominique De Vito - 08/10/2012, 16:04
J’ai aussi trouvé le papier suivant qui prône l'abolition des brevets:
« The Case for Abolishing Patents (Yes, All of Them) »
http://www.theatlantic.com/business...
par Michele Boldrin and David Levine, professors at Washington University in St. Louis.
L’argument central est qu’il y a moins d’inconvénients à vivre sans brevet qu’avec.
« A closer look at the historical and international evidence suggests that while weak patent systems may mildly increase innovation with limited side-effects, strong patent systems retard innovation with many negative side-effects. Both theoretically and empirically, the political economy of government operated patent systems indicates that weak legislation will generally evolve into a strong protection and that the political demand for stronger patent protection comes from old and stagnant industries and firms, not from new and innovative ones. Hence the best solution is to abolish patents entirely emphasis mine through strong constitutional measures and to find other legislative instruments, less open to lobbying and rent-seeking, to foster innovation whenever there is clear evidence that laissez-faire under-supplies it. »
2 De Regis - 08/10/2012, 17:49
Ce que je trouve le plus navrant dans cette histoire de brevets logiciels c'est qu'au final, ce sont les consommateurs qui payent. 20 milliards dites vous, ça fait 133 us$ par smartphone vendu (150 millions) en 2011.
Les brevets sur les logiciels lèsent non seulement l'innovation, mais aussi les consommateurs qui payent plus cher un produit qui pourrait être meilleur... à méditer.
Il me semble pas idiot d'expliquer les brevets logiciels (qui restent des brevets sur les idées) par rapport à la littérature. Imaginez : Quelqu'un dépose l'idée d'une histoire d'un homme qui est né grace à une intervention surnaturelle et qui décide de prêcher l'amour au nom de son Père...
C'est bon ça, ça va rapporter je crois...
Je pense sincèrement que la meilleure analogie possible pour les personnes qui n'ont aucune compétences techniques c'est la littérature. En tout cas, c'est comme ça que je l'explique et tout le monde comprend tout de suite.
Si ça peut aider. (copyleft)
3 De Regis - 08/10/2012, 17:51
ooops, c'est 150 millions de smartphones en 1 trimestre soit 4x moins : 33 $ (ce qui reste conséquent)
4 De Wally - 09/10/2012, 13:32
Les têtes pensantes du logiciel libre le disent depuis plus de dix ans, mais tout le monde s'en fout.
5 De Nico - 09/10/2012, 16:08
Le problème est que l'idéologie dominante dans certain cercle de la commission Européenne est que les brevets est le dernier remparts compétitif contre la déferlante chinoises, et autre économie émergente à bas cout.
Ils ne se sont pas aperçu qu'il s'agit de se tirer une balle dans le pied, car le système de brevet actuel revient à ne pas avoir de brevet du tout, pour les grosses boites avec les accords de licence croisée (sauf guerre type Apple/Google), et les procès pour les startups (qui n'ont pas de monnaie d'échange), qui sont l'avenir.
6 De Gourmet - 10/10/2012, 11:24
Le même phénomène est récurrent dans tous les domaines;
Jugez-en :
1. il est préférable de jouer la carte brevet voire d'enfumer le monde avec des brevets inexistants plutôt que d'innover.
2. Il est préférable de menacer les internautes d'un procès afin de leurs soutirer quelques bricoles plutôt que de réellement innover dans la distribution de la musique.
3. Il est préférable de vendre de la technologie aux étrangers plutôt que de continuer à développer sa propre technologie (cas de Sanofi qui brocarde actuellement sa technologie à la Chine et, bien entendu, licencie en France).
Ces 3 exemples ont 3 points en commun.
Le premier c'est la qualité d'extorsion.
Le deuxième c'est la satisfaction de l'actionnaire avant tout (Sanofi explose en bourse et sa capitalisation est à égalité avec celle de Total : 90 milliards d'euros).
La troisième c'est quoi ? C'est que dans tous les cas, seul l'instant compte ! Aucune de ces actions n'est conçue pour durer.
Une fois que Sanofi aura dilapider son savoir-faire, elle mettra la clé sous la porte et son PDG aura une excellente retraite-chapeau tandis que les actionnaires, bien gavés, auront déjà les yeux ailleurs laissant sur le carreau des milliers d'employés sans AUCUN avenir !
C'est ça le monde dans lequel entreront vos enfants !
db
7 De LVM - 11/10/2012, 10:22
Article passionnant on en doute pas, mais juste un tout petit peu sensationnaliste dès qu'on commence à regarder les faits d'un peu plus près.
http://www.technovia.co.uk/2012/10/...
Comme le dit Technovia, on ne peut pas juger sur une année (2011), qui fut juridiquement assez particulière (des opportunités d'achats de brevets comme ceux de Nortel ne se reproduiront pas tous les deux jours).
Et mettre de l'argent dans les brevets n'empêche absolument pas d'innover. Surtout quand on a les moyens de géants comme Google ou Apple.
En parlant de la Pomme on rappellera d'ailleurs qu'elle a justement augmenté son budget R&D de 33% en 2011, ce qui n'est pas rien. Mais ça évidement le NYT préfère le passer sous silence car ça va contre sa belle théorie du vilain brevet. Ce qui s'écarte du journalisme pour devenir de la manipulation d'opinion. Et c'est d'ailleurs pas la première fois, on rappellera la sinistre histoire de l'affabulateur Mike Daisey dont les dires avaient été copiés tels quels dans le NYT. L'auteur de l'article avait veiller à scrupuleusement ne rien vérifier de ce qui s'est avéré être une histoire inventée de toute pièce.
Cela a heureusement fait scandale quand un journaliste (un vrai) a démonté l'article. Mais visiblement ça n'empêche absolument pas le NYT de renouer avec ses pratiques.
Moi ça ne me gène pas que le NYT ai décidé d'attaquer Apple sur tout et n'importe quoi (c'est au moins le dixième article à charge contre la Pomme depuis 2 ans il serait bon de le rappeler, on dirait vraiment qu'il y a une brouille entre ces deux-là...), après tout c'est à ça que sert la liberté d'expression.
Mais de grâce ne tombez pas dans le piège de prendre pour argent comptant tout ce que dit le NYT (l'affaire Mike Daisey devrait vous alerter). Allez lire d'autres articles, particulièrement ceux où il y a des faits et des chiffres (je dis bien tous les chiffres comme le +33% en R&D d'Apple).
Et souvenez vous bien que quand on ne vous dit pas tout, ce n'est pas un simple oubli, c'est que ce n'est pas de l'information.