C'est après avoir accompagné mes enfants à l'école ce matin, pris un café avec un contributeur Mozilla de passage à Paris, que j'ai sauté sur mon vif destrier (mon scoutaire Peugeot de 125cm3), tel Gérard Lambert, pour rallier la Défense, ses milliers de mètres cube de béton et ses cadres encravatés par millions. Non, je n'y vait pas suite à un contrat d'embauche, mais tout simplement pour visiter le salon Solutions Linux et pour y donner une conférence sur les standards. On se fait une visite guidée ?

Je commence par la keynote : on m'a affirmé que c'est là que je trouverais mon badge de conférencier. Le speaker d'HP, Martin Fink, a un accent québécois aussi indigeste que 3 livres de poutine (pas Vladimir, hein, la purée avec de la sauce brune et du fromage fondu). Sans l'accent (que j'apprécie), je crois bien que je me serais endormi. Je vais prendre l'air, je récupère mon badge, et je me dirige vers le salon.

Du coté de l'entrée, c'est le coté professionnel. Un salon un peu timide, un peu bas de gamme, mais avec toutefois pas mal de visiteurs, ce qui est d'autant plus intéressant que c'est pendant la keynote. Je sillonne les allées, je trouve la salle de presse. J'en profite pour embrasser la belle Solange, serrer la louche à mes deux anciens attachés de presse, toujours sympas. La garde chiourme de la salle de presse s'apprete à me faire remarquer que je ne suis pas journaliste, et ne suis donc pas habilité à polluer la salle de presse de ma présence. Un joli sourire charmeur (comme j'arrive à le faire malgré mes yeux bovins), elle se calme. Peut-être a-t-elle vu mon badge de conférencier ? Si oui, a-t-elle eu pitié de moi, réduit à faire gratuitement des conférences à des gens payant une fortune ? Je reprends mon chemin, je ne m'arrête pas sur les stands commerciaux : je n'ai rien à acheter.

Allons faire un petit tour du coté des Associations. Là, l'ambiance est toute autre. Ca bouillone, ça délire, ça code, ça fait des demos. C'est nettement plus bazar que cathédrale, mais on sent nettement l'énergie qui compense le manque de moyens. J'ai rarement vu autant de machines au mètre carré, et on sent bien le mélange d'enthousiasme et de surchauffe de matière grise. La charmante Murièle décore le stand de Nekémé Prod avec des pages de cahiers accrochée avec des bouts de ficelle. Dessus, un slogan du genre les plaquettes Nekémé, c'est bon, mangez-en (oui, c'est du second degré). Je m'exclame mais c'est consternant ! Elle éclate de rire, et montre le stand de Copine de Geek, constellé de coeurs roses façon papier crépon. Ahh, en effet, c'est presque pire. Je passe quand même sur le stand de l'AFUL, tout le monde est là. Zut, pas de T-shirt Debian à ma taille (je prépare ma migration à Linux), mais des livres à petits prix sur le libre. L'AFUL frappe fort sur ce coup-là ! Je vais serrer des louches sur des stands des associations dont j'apprécie la démarche. Adullact, Minet, ALDIL (qui m'a même remis un CD avec l'enregistrement de ma dernière prestation à Lyon, merci les gars), et bien d'autres.

Je retraverse le salon et sa partie professionnelle, définitivement moins vivace. Entre ces deux mondes qui se cotoient, le contraste est saisissant (vous avez remarqué comme tous les contrastes, dans les romans de gare, sont saisissants ?) et je me dirige vers la salle principale pour écouter Jacques Le Marois, le Président de MandrakeSoft. J'arrive en fait en avance, pendant le speech d'un grand ponte d'Oracle. A l'écouter, ce sont les meilleurs, en particulier en terme de support. J'entends une petite phrase qui a son importance : pour un support de haut niveau, il faut que nous disposions du code source des autres composants qui tournent sur votre système. Sans cela, nous ne pouvons pas vous offrir le service Linux incassable. Quelques minutes plus tard, pendant la séance de questions/réponses, Nicolas Pettiaux (Président de l'AFUL) pose la question qui tue : Nous sommes bien d'accord que pour un support de haute qualité, il vous faut les codes source. Comment voulez-vous que d'autres fournissent un support de bon niveau si vous ne livrez pas le code source d'Oracle ? ? Ah, le coup est porté de main de maître. Le type en bafouille, répond hativement un nous sommes là pour faire de l'argent, comme si c'était l'ultime confession, du genre de celles qui font reculer l'assaillant devant tant d'horreur. Il s'emmèle les pinceaux. Il accepte une autre question mais seulement si elle est plus facile. Au final, il sera bien applaudi, comme si la foule avait voulu se faire pardonner.

Enfin, c'est Jacques Le Marois, le très brillant Président historique de MandrakeSoft. Sans ordinateur portable, sans transparents, Jacques fait une comparaison Microsoft / MandrakeSoft, après tout, nous avons les mêmes initiales, et en profite pour mettre en avant les avantages du code source ouvert. C'est souvent bien vu. Il annonce les résultats (positifs) de Mandrake, et une nouvelle façon de sortir les versions. Il est chaleureusement applaudi. A la fin, je vais lui serrer la main. Il se souvient de moi, on discute un peu. Je le quitte : je dois préparer ma conférence.

La conférence, justement. J'ai hésité à venir avec mon PC portable Windows : un coup à se faire décapiter, vu l'audience. Mon deuxième portable (celui sous Linux) est en 1400*1050 de résolution, le genre bien galère avec les retro-projecteurs. Heureusement, ma clé USB est là pour me sauver. J'avais enregistré ma présentation faite avec OpenOffice.org dessus, au format OOo et au format PowerPoint (au cas où). Impossible de trouver sur l'estrade un seul PC sous Linux ! Il faut dire qu'il y avait essentiellement des Mac (sous OSX). Bon, je garde mon PC sous Windws pour faire ma présentation. J'ai l'avantage de commencer. Je tiens tout juste dans les temps, grâce à l'impossibilité de faire les demos prévues (CSSZenGarden) faute de connexion Internet. L'audience semble très attentive (le prix peut-être ?) et n'essaye même pas de m'égorger en réalisant que j'utilise Windows (mon PC s'est mis en veille sur un slide un peu long, et la boite de dialogue d'authentification Windows m'a trahie), à peine quelques Bouuuuhhh taquins. Ah, le libre n'est plus ce qu'il était ;-)

Les autres interventions sont intéressantes. Thierry Stoehr, secrétaire de l'AFUL, nous parle des format ouverts et/ou structurés. Le sujet est important. Stéphane Mariel nous parle de patrimoine de l'information, avec les problèmes liés aux formats fermés, et des coûts pour l'entreprise. Il nous fait part de son expérience en tant qu'auteur de livres et consultant, de l'importance de pouvoir générer des documents bureautiques directement depuis des applications d'entreprise. Avec le format d'OpenOffice.org (au hasard), a savoir du XML documenté et zippé, utilisé de façon native, rien n'est plus facile. Impressionant.

Le représentant d'Apple, Matthieu Cambounet, s'est très bien sorti d'un exercice de style qu'on pourrait assimiler au concours de rock acrobatique avec mannequin de crash-test dans un champ de mines. Je m'explique. Il a réussit à nous faire baver devant l'interface du Mac (superbe, reconnaissons-le), en nous faisant croire que tout ou presque sur le Mac était Open Source et que sa société était vraiment un contributeur modèle. Devant son débit de mitraillette, la gentillesse qu'il dégageait, sa débauche d'énergie pour nous embobiner, la beauté de son interface graphique, le sublime design de son portable 15 pouces, personne n'a osé le moucher, même moi ! On a du se laisser influencer par le capital sympathie de la marque et sa tenue vestimentaire : un T-shirt noir Apple et un simple blue Jean.

Enfin, Sophie Gautier, Madame OpenOffice.org en Francophonie, toute en humilité et en simplicité, est venue nous présenter le projet OpenOffice.org. Désarmante de gentillesse, et sans hausser le ton, elle a eu la patience d'expliquer le projet de bureautique libre, ce projet même qui permet, avec Mozilla, d'initier des millions de gens aux standards ouverts et aux logiciels libres, sans pour autant renoncer à Windows ; en attendant de passer à Linux, sans (trop de) douleur, avec des distributions comme Lindows.com ou Mandrake. Bravo Sophie, tu comptes un nouveau fan !

Au final, ce fut une longue journée. (Je passe sur le rendez-vous sur le parvis de la Défense pour discuter CMS et standards avec un interlocuteur venu de Montpellier). Làs, je remets mon casque, et retour vers la maison entre les voitures pour faire diner les enfants, baigner la petite, batailler pour retrouver son doudou (sans succès), discuter sur IRC et par téléphone avec mes interlocuteurs habituels, rédiger deux articles pour le StandBlog. Ca fait tout juste 18 heures que je suis debout. Autour de moi, Paris est silencieux. Dans l'appartement, seul le cliquetis de mon clavier se fait entendre. Je vais rejoindre Bénédicte et Morphée. Demain sera un autre jour.