Libération nous offre un dossier Développement dans le cadre de la publication du rapport sur les écosystèmes du millénaire, sous l'égide de l'ONU : 1360 chercheurs, 4 ans de travail, 95 pays impliqués

La planète n'a plus les moyens. 1 360 experts sonnent l'alarme : à force de dégrader les écosystèmes, l'homme menace son propre bien-être d'ici à quarante ans. :

Les experts tirent quatre grandes conclusions de leur étude. Tout d'abord, les humains ont modifié les écosystèmes plus rapidement et plus profondément au cours des cinquante dernières années qu'à tout autre moment de leur histoire, essentiellement pour répondre à des besoins croissants en nourriture, eau douce, bois, fibres et combustibles. Plus de terres ont été mises en culture depuis 1945 que pendant les XVIIIe et XIXe siècles réunis. Plus de la moitié des engrais azotés synthétiques utilisés pour l'agriculture (mis au point en 1913) l'ont été depuis 1985.

Un excellent édito de Patrick Sabatier, dont voici quelques extraits :

Le rapport qui vient d'être rendu aux Nations unies sur le (piteux) état de la planète n'est pas le produit de l'alarmisme, parfois provocateur, souvent reproché aux organisations écologistes. Plus d'un millier d'experts, et des plus qualifiés, ont compilé et analysé toutes les données disponibles sur l'impact des activités humaines sur les écosystèmes qui rendent possible la vie sur Terre.

Conclusion : ça ne peut plus durer, et ça ne durera pas, au rythme où nous dépensons les bijoux de la famille terrestre.

L'exploitation de plus en plus frénétique des ressources naturelles a permis d'améliorer le sort d'une population en croissance rapide, quoi qu'en disent les critiques du progrès. Mais ce développement s'est fait au prix d'une dégradation accélérée de la plupart des écosystèmes vitaux. Pour la première fois dans l'histoire de la vie sur Terre, la pérennité de celle-ci ne paraît plus assurée ­ même en écartant l'hypothèse d'une autodestruction de l'espèce par la guerre.

A force de sonner l'alarme et d'empiler les rapports, on risque que plus personne n'y prenne garde, tant la capacité humaine à se projeter dans l'avenir est limitée. Nous n'avons pourtant plus le luxe de l'ignorance. Sauf à léguer à nos descendants un monde invivable (littéralement), il faut relever le défi du développement durable : c'est-à-dire enrayer la destruction des écosystèmes fragiles dont nous dépendons pour notre existence comme un plongeur dépend de ses bouteilles d'oxygène, tout en continuant à les exploiter pour nos besoins croissants.

A compléter par une très bonne interview de Jacques Weber, un des économistes auteurs de l'étude :

L'un des Etats les plus pauvres du monde est le Kerala, en Inde. Mais on parle de pauvreté au sens monétaire du terme. Cet Etat a été comparé avec celui de l'Alagoas au Brésil. Ecologiquement semblable au Kerala, l'Alagoas est beaucoup plus riche du point de vue du PIB par tête. Mais, surprise : les indicateurs sociaux de ce dernier ressemblent à ceux d'un pays du tiers-monde. La mortalité y est élevée, les inégalités fortes... En revanche, le Kerala a des indicateurs sociaux proches de ceux des pays les plus développés. (...) Le Kerala lutte contre les insécurités, même lorsqu'elles sont liées à l'accès aux ressources naturelles. Il s'agit des insécurités au sens d'Amartya Sen. Au Kerala, l'accès à l'eau ou à la terre n'est pas un problème... On est dans un écosystème où ça fonctionne, grâce à une bonne gouvernance qui fait en sorte que les enfants soient scolarisés, que la démocratie vive... La pauvreté c'est l'insécurité, l'angoisse, l'absence d'assurance.



En complément, je ne saurais trop vous recommander la lecture de l'excellentissime et si on changeait de thermomètre ? (format PDF), publié par le WWF France.

Libé propose aussi un dernier article, moins intéressant à mon goût : Garantir un développement durable passe par des décisions politiques. (même si le titre est prometteur).