lundi 12 février 2024

En vrac de fevrier 2024

Numérique et anthropocène

  • Je découvre GreenAlgorithms.org, un simulateur d’empreinte carbone. Open Source, contenu sous licence CC-BY, ça coche les bonnes cases ! Cela complète CodeCarbonFootprint, CodeCarbon et bien sûr Scaphandre de Hubblo.
  • Boring Technology, une présentation très intéressante sur le fait que les technologies matures sont moins couteuses sur le long terme, par opposition aux technologies à la mode. Existe aussi en version texte ;
  • Coding for a finite world par l’ami David Teller, ex-Mozilla comme moi, tout particulièrement les sections Designing for finite performance et design for finite brainpower ;
  • C’est vieux mais c’est bon : The cost of code par Dylan Beattie. C’est drôle, féroce, ça parle de Nintendo, de logiciel libre pas gratuit, d’obsolescence programmé et de cette merde de Facebook. C’est rafraîchissant.
  • Au FOSDEM 2024, il y avait une présentation par l’ami Florian Quèze : Firefox Power Profiling: a powerful visualization of web sustainability (Google Slides). Au delà de l’affichage de la consommation électrique du navigateur qui intéressera les développeurs, on notera que Mozilla travaille à réduire l’obsolescence programmée imposée par Microsoft. Ainsi, “Firefox ESR 115 est le seul navigateur compatible Windows 7 qui reçoit encore des mises à jour de sécurité” ;
  • Très fier de voir mon employeur, OCTO Technology, signataire de la Charte d’engagement NZI for IT de Carbone 4.
  • How to stop a datacenter, ou comment le quartier populaire de Cerrillos, à Santiago, au Chili, s’est opposé à l’installation d’un datacenter de Google qui aurait pompé toute leur eau. Ils avaient déjà des soucis pour s’approvisionner et devaient avoir recours à des camions citernes pour cela, quand ils ont réalisé que le datacenter allait pomper 169 l d’eau par seconde. Il est mentionné une initiative comparable en Uruguay, pays qui connait sa pire sécheresse en 74 ans. Le chercheur, Dr Sebastián Lehuedé souligne la relation directe entre déploiement massif de l’IA, la consommation d’énergie, la consommation de ressources minérales et d’eau.
  • La fin de Windows 10 pourrait amener à la benne 240 millions de PC. “Vous allez me dire : Mais quel intérêt ? Microsoft ne vend pas d’ordinateurs. En fait, chaque fois que quelqu’un rachète un PC neuf, il rachète Windows (Alors qu’il possède déjà une licence Windows).  Mais comme le prix de Windows n’est jamais affiché sur la facture (=vente liée), les clients ne gueulent pas.”
  • Why Bloat Is Still Software’s Biggest Vulnerability, a 2024 plea for lean software, sur les traces de Wirth et en réaction aux dégâts imposés par la loi de Moore au numérique et au vivant, en particulier sur la surface d’attaque et le fait qu’on embarque des quantités hallucinantes de code écrit par des tiers, dont on ignore (presque) tout de la qualité (oui, Electron et Node, c’est de vous qu’il parle !) ;

Climat

  • Zonal Climate Anomalies 1880-2023, une dataviz de la NASA qui permet de mieux comprendre l’évolution du climat au fil du temps. Une merveille !
  • On se souviendra aussi de NASA Climate Spiral 1880-Present au format spirale, ici dans une version mise à jour avec les dernières données de 2023 (on voit bien que le réchauffement s’accélère) ;

Open source et logiciel libre

  • Etude : l’usage de l’Open source en France - Open Source Monitor 2023, via ITforBusiness ;
    • deux tiers (64%) des 600 organisations interrogées (500 côté privé, 100 côté public) s’affirment « ouvertes » ou « très ouvertes » aux logiciels libres ;
    • 85% des entreprises privées et 93% des organisations publiques s’en servent ;
    • 62 % des entreprises de plus de 2000 employés ont mis en place un OSPO (Open Source Program Office), soit une entité dédiée à la gestion globale (stratégique et opérationnelle) des activités liées aux solutions et communautés open source en son sein.
    • On notera la conclusion sur la souveraineté, qui correspond à mon point de vue (j’aime !) : “certes je ne suis pas souverain si j’utilise de l’open source, mais je peux en faire une composante de mon indépendance” ;

AI bullshit

  • I’m sorry, but I cannot fulfill this request as it goes against OpenAI use policy, quand les vendeurs de produits en ligne traduisent leurs annonces ou cherchent des titres optimisés SEO … grâce à ChatGPT. Le problème : cela va à l’encontre de la politique d’Open AI qui répond donc en ce sens. Mais les vendeurs de produits ne parlent pas anglais et copient-collent donc simplement ce refus comme titre de produit. (via [Romane et son Screenédit) ;
  • C’est vieux mais c’est assez significatif quant à la baisse des résultats de Google : First Google Search Result for Tiananmen Square “Tank Man” Is AI Generated Selfie. Rappelons que la vraie photo (en fait une des huit très proches les unes des autres) est très différente. Il faut dire qu’en 1989, la pratique du selfie était bien moins répandue : les photos étaient argentiques et les appareils photo beaucoup moins répandus, encore moins avec un tel grand angle. Dans la même veine, lire Usbek & Rica : Les IA génératives sont-elles en train de tuer le Web ?. La réponse, en gros, est oui : les contenus de basse qualité généré par les IA à des vue de SEO (Search Engine Optimization) font que la qualité du Web se dilue, les vrais contenus écris par les humains sont de plus en concurrencés par l’IA.
  • Pour avoir Copilot Pro sur son PC, celui-ci devra avoir au moins 16 Go de mémoire vive et pas n’importe quel CPU “Pour supporter les fonctionnalités locales d’IA, les PC devront disposer d’un Unité de Traitement Neuronale (NPU) performant. Les derniers processeurs mobiles d’AMD (Ryzen AI), Intel (AI Boost) et Qualcomm (Snapdragon X Elite) intègrent ces NPUs. Qualcomm prévoit de commercialiser le Snapdragon X Elite dans la seconde moitié de l’année. Selon TrendForce, Microsoft aurait établi une puissance de calcul minimale de 40 TOPS pour faire fonctionner Copilot. Si les plateformes de Qualcomm et les séries Ryzen 8050 (Strix Point) d’AMD semblent répondre à cette exigence, les CPU Core « Meteor Lake » d’Intel, limités à 34 TOPS, ne répondent pas à ce critère. Intel mise donc sur ses futurs processeurs Lunar Lake, attendus en fin d’année. Il ne suffira donc pas de payer son abonnement pour que l’assistant basé sur l’intelligence artificielle performant de Microsoft fonctionne de manière satisfaisante puisque toutes les machines seront loin d’être assez puissantes.”
  • Estimating the environmental impact of Generative-AI services using an LCA-based methodology, publié par un de mes jeunes collègues,

Vieilleries

  • 24 janvier 1984 : il y a donc 40 ans, c’était le lancement du Mac. Nombreux sont ceux qui reviennent dessus, dont Numérama : on a classé les 10 plus beaux ordinateurs Apple. En anglais : The Mac turns 40, a lot of praise and an archive of all its looks over the years.
  • Une vieille vidéo de Steve Jobs que j’adore. D’abord, il parle de “l’ordinateur comme étant une bicyclette pour l’esprit”, qui est une façon très intéressante d’en parler. Plus de détails sur le contexte et le document évoqué : How the bicycle beats evolution and why Steve Jobs was so taken with this fact. On notera l’absence du condor dans l’étude de départ, alors qu’il est mentionné à chaque fois par Steve Jobs dans ses interview. On voit bien qu’on est ici dans le storytelling et que les détails (voire la vérité) ne sont pas si importants chez Steve Jobs. On se rappellera qu’il était connu pour émettre un reality distortion field autour de lui : il avait un tel pouvoir de persuasion que la vérité avait moins d’importance que l’histoire racontée.
  • Là qu’on parle des ieuvs : I Used Netscape Composer in 2024 ;

Extractivisme

  • Quels risques pose l’exploitation minière des fonds marins ? Comprendre en trois minutes en vidéo ;
  • L’agence Internationale de l’Energie vient de publier son dernier rapport Electricité 2024, Analyse et perspectives pour 2026. Extraits :
    • Electricity consumption from data centres, artificial intelligence (AI) and the cryptocurrency sector could double by 2026. Data centres are significant drivers of growth in electricity demand in many regions. After globally consuming an estimated 460 terawatt-hours (TWh) in 2022, data centres’ total electricity consumption could reach more than 1 000 TWh in 2026.”En français : la consommation d’électricité des Datacenters, de l’IA et des cryptomonnaies pourrait doublier d’ici 2026. Rappel : dans le même temps, on souhaite passe autant de véhicules que possible à l’électrique.
    • Record-breaking electricity generation from low-emissions sources – which includes nuclear and renewables such as solar, wind and hydro – is set to cover all global demand growth over the next three years. Low-emissions sources, which will reduce the role of fossil fuels in producing electricity globally, are forecast to account for almost half of the world’s electricity generation by 2026, up from 39% in 2023.” La production basse émission (nucléaire et renouvelables) va représenter plus de 50% de la production électrique alors que c’était 39% en 2023. C’est la bonne nouvelle du rapport (modulo le fait que le nucléaire fait partie de la solution. Le nucléaire a de faibles émissions, certes, mais il a d’autres inconvénients) ;
  • Eaux en bouteille : des pratiques trompeuses à grande échelle. “Pendant des années, des eaux vendues comme « de source » ou « minérales naturelles » ont subi des techniques de purification interdites. Selon une enquête conjointe du « Monde » et de Radio France, un tiers au moins des marques françaises sont concernées, dont celles de Nestlé, qui a reconnu ces pratiques. Informé depuis 2021, le gouvernement a assoupli la réglementation dans la plus grande discrétion.” Rappel : le seul truc que fabriquent vraiment ces industriel, ce sont les bouteilles en plastique. Maintenant, il apparaît très clairement que faire cheminer dans des camions carburant au diesel des bouteilles en plastique (mal recyclé), qui contient des micro-plastiques dans une eau frelatée et qu’on ira acheter en bagnole au supermarché est une moins bonne idée que de boire l’eau du robinet dans la plupart des cas, sauf si votre eau du robinet a déjà été polluée par d’autres activités humaines. Rappelons qu’il existe des méthodes pour purifier l’eau du robinet (par exemple les filtres Brita) et la rendre gazeuse…
  • Trois excellentes conférences sur le numérique et les implications qu’il a sur le colonialisme et l’extractivisme :

Mobilité et véhicules intermédiaires

  • Je découvre via un magazine le travail de Bernard Cauquil, inventeur qui produit des véhicules intermédiaires (à mi-chemin entre le vélo et la voiture) à 3 ou 4 roues et solaires. Il les invente, les fabrique, les perfectionne et part en voyage avec, et c’est absolument dingue ! Voir ecosunriders.com
  • Voir aussi dans le même genre le Vhélio, un vélo dont les plans sont sous licence libre ;
  • Une belle vidéo sur le concours de véhicules intermédiaires de l’Ademe : 10 véhicules fous pour remplacer votre voiture
  • Rigolo : Joker Bike, la fourche de vélo qui transforme votre vélo en cargo !
  • Rustine Libre, une belle initiative qui a besoin de visibilité. C’est une plateforme libre qui vise à mettre en relation d’une part les cyclistes ayant besoin de réparation de leurs vélos et d’autre part des entreprises capable de proposer de telles prestations. Actuellement, les entreprises recensées sont toutes dans les Hauts de France. Ca serait bien que ça s’étende au reste de la France, voire même du Monde ! Bonus, Rustine Libre regroupe trois sujets qui me passionnent : les communautés Web, les Communs et la bicyclette !

Lecture vélo

  • La ride, une BD (ou roman graphique ?) de Simon Boileau (Scénario) et Florent Pierre (Dessins) ;
  • La bataille du vélo : Vaincre le système automobile de Joseph D’halluin. Un livre militant, comme le laisse entendre le titre. Par quelqu’un qui connaît le sujet par coeur, puisqu’il a été président de la Maison du Vélo de Lyon et Secrétaire général de la Fédération des usagers de la Bicyclette.
  • Prendre la route par Alexandre Schiratti. Un livre d’histoire, facile à lire. Très reposant et passionnant !

Complètement en vrac

samedi 10 février 2024

Bilan 5 ans de velotaf

compteurs d'écran de vélo

Début décembre 2018, je remontais à vélo, et pour la première fois, c’était pour aller travailler . Un beau VAE (vélo à assistance électrique) : je venais de changer de travail, les trajets en transports en commun étaient compliqués et j’avais revendu mon scooter parce qu’il était mauvais pour ma santé et l’environnement.

Un an plus tard, je fais le bilan et ma conclusion après avoir perdu 6 kg au passage, c’est que j’aurais du commencer le vélo plus tôt.

bilan 3 ans de vélotaf environ 11 000 km parcourus, 16 kg de perdus par rapport à la période où je me déplaçais en scooter.

Et maintenant, 5 ans plus tard ? Plus de 19 000 km parcourus, 19 kg de perdus. Mon VAE n’est quasiment plus utilisé, mon vélo musculaire (sans assistance) est celui que j’utilise au quotidien. Comme je parcours environ 12 km par jour tous les jours, je suis sur une tendance à 4200 km par an environ. Pourvu que ça dure !

Je vois relis le paragraphe ci-dessus, et j’éprouve des sentiments contradictoires. D’un coté, je suis ravi et fier d’approcher les 20 000 km à vélo. Ca me paraît incroyable. D’un autre coté, je ne voudrais pas que cela soit pris pour un genre de vantardise, une façon de me faire mousser, un genre de version cycliste de blaireau en SUV qui clame qu‘“il fait de la borne”.

Je suis impressionné par le le nombre de kilomètres effectués sans finalement m’en rendre compte, à coup de 25 mn aller le matin et 25 minutes retour le soir. Si je parle de de ces kilomètres, c’est plus pour encourager mes contemporains qui auraient du mal à imaginer faire de même.

Et pourtant, il suffit de ressortir le VTT qui dort probablement dans la cave, le faire réviser, pour voir un week-end si on peut aller au boulot en prenant les itinéraires proposés par l’excellent Géovélo. Il peut être intéressant de se faire accompagner par quelqu’un de plus expérimenté, qui connaît les pistes cyclables.

Tristan sur son vélo en Suisse Normande, sur un pont

dimanche 21 janvier 2024

En vrac de janvier 2024

Vélo de nuit sur une plage normande en hiver

Il est encore temps de souhaiter aux lecteurs du Standblog une excellente année 2024. À quoi ça peut bien ressembler, une bonne année ? Déjà, la santé est un pré-requis. Cela implique que ça soit une année où l’on prenne soin de soi et de ses proches, car sans une (relativement) bonne santé, il est difficile d’agir. Dans la bonne santé, il convient d’entretenir nos corps mais aussi nos esprits, et donc prendre soin de soi mentalement ! Ensuite, il est de bon ton de vous souhaitez la réussite de vos projets. Alors je vous souhaite que vos projets soient de ceux qu’on ne regrette pas plus tard, et qu’ils soient authentiquement votre intention : faites avancer les choses pour vous, pour vos proches, vos amis, votre famille, vos voisins et les autres habitants de la planète. Les projets qui n’existent que pour nourrir votre ego ont probablement moins d’intérêt que vous ne le pensez. Et je vous souhaite aussi d’investir votre temps et votre énergie dans des projets qui sont positifs pour la planète et ses habitants. Ceux-là sont ceux qu’on regrettera le moins !

vendredi 5 janvier 2024

Décès de Niklaus Wirth

Portrait de Niklaus Wirth par Tyomitch sur Wikipedia

L’incroyable Niklaus Wirth vient de mourir. Cet informaticien suisse a eu une énorme influence et j’aurais aimé qu’elle soit plus grande encore. Je m’explique :

NIklaus Wirth a fait ses études à Zurich puis Berkeley et a enseigné à Stanford. Il a inventé le langage Pascal et remporté le prix Turing (aka le prix Nobel d’informatique). Et bien plus encore.

Il est l’auteur, dès 1995, un article intitulé “A plea for lean software” / « un plaidoyer pour du logiciel sans gras ».

Il y écrivait ceci :

Il est clair que deux facteurs contribuent à l’acceptation de la croissance effrénée du logiciel :

1 - la performance croissante et sans arrêt du matériel (NdT : voir ce que j’explique dans mes travaux sur la loi de Moore)

2 - l’incapacité des utilisateurs à faire la différence entre les fonctionnalités essentielles et celles qui sont juste sympas.

Mais qu’est-ce qui mène à la complexité du logiciel ? La première des causes est que les fournisseurs de logiciels acceptent de développer quasiment toutes les fonctionnalités demandées par les utilisateurs. Toute incompatibilité avec le concept de départ est ignorée, ce qui rend le design plus compliqué et l’utilisation plus compliquée. Quand l’attrait d’un système est mesuré par le nombre de nouveautés, la quantité devient plus importante que la qualité. Chaque nouvelle version doit apporter de nouvelles choses, même si certaines n’améliorent pas la fonctionnalité.

Cette démarche des industries du matériel et du logiciel, Wirth la résumait ainsi : « le logiciel ralentit plus vite que le matériel n’accélère ». On l’a aussi transposée à la bureautique de cette façon : « Ce qu’Intel vous donne, Microsoft vous le reprend ». Bref, le numérique court toujours plus vite… pour finir par faire du sur-place.

Tout cela a mené le numérique au gaspillage et à la pollution qu’on lui connait depuis 50 ans : une nouvelle génération de matériel permet de faire tourner une nouvelle génération de logiciels, alors l’ancienne génération — qui fonctionne encore parfaitement — est alors vue comme obsolète et se retrouve dans une décharge à ciel ouvert en Afrique.

À l’heure où nous prenons de plus en plus conscience des problématiques d’effondrement de la biodiversité et de notre empreinte carbone, nous ferions bien d’écouter un peu plus Niklaus Wirth et tâcher de revenir à plus de simplicité, de discernement et surtout d’optimisation de nos logiciels. Car à nous focaliser sur la création de nouvelles fonctionnalités “sexy” plutôt que de faire du logiciel qui tourne vite et bien, nous avons écrit du logiciel pas optimisé qui pourrait tourner considérablement plus vite si on s’en donnait la peine.

Seulement voilà, il faut savoir que les trois quarts de l’empreinte carbone du numérique provient de la fabrication du matériel. Si on prenait le temps de faire cette optimisation sur laquelle nous avons collectivement procrastiné, nous pourrions faire durer nos matériels considérablement plus longtemps et ainsi réduire massivement l’empreinte du numérique… et utiliser les ressources libérées par l’optimisation pour continuer à innover et inventer de nouveaux usages.

Mes collègues d’OCTO et moi travaillons sur ces sujets. Cela débouche sur une série de conférences et d’épisodes de podcasts ! (Oui, l’Octet Vert va reprendre du service, sous un autre format).

mercredi 6 décembre 2023

En vrac de décembre

Gravel à Barfleur, juillet 2023

Un peu de lecture

Ecologie

GAFAM, technologie et Web

IA, vérité et ressources consommées

Mobilité

Soyons généreux !

S’il vous reste un peu de sous de votre 13e mois (à condition qu’il existe !), pourquoi ne pas donner un peu d’argent à ceux qui font un numérique plus respectueux de leurs utilisateurs ? Voici quelques suggestions :

mardi 24 octobre 2023

En vrac de retour de Bordeaux

Place_de_Bir-Hakeim_-_Bordeaux.JPG, oct. 2023

Marc Andreessen, mon ancien patron, tête de gondole de NCSA Mosaic puis de Netscape, vient de trébucher dans un saladier de coke et a commis The Techno-Optimist Manifesto. C’est pas beau à voir, on pourrait croire à à une parodie, mais non. On lira avec intérêt la réponse solidement argumentée de Dave Karpf, Why can’t our tech billionaires learn anything new?

Marc Andreesseen est la preuve même de la véracité de deux de mes phrases préférées :

  • « Quand on a un marteau (pour lui, l’entrepreneuriat combiné au capital risque), tous les problèmes ressemblent à des clous » ;
  • À ne pas voir que son modèle lié à l’hyper-croissance est incompatible avec le changement climatique et les limites planétaires, il confirme la phrase d’Upton Sinclair : « il est très difficile d’expliquer quelque chose à quelqu’un quand il est payé pour ne pas le comprendre ! »

Logiciel Libre et Communs Numériques

Climat

Carburants fossiles, mal-adaptation et monde d’avant

IA

  • La consommation d’électricité phénoménale de l’intelligence artificielle. « Si le futur énergétique des IA reste encore incertain, une chose est sûre : leur présence et leur efficacité ne feront que croître. Afin d’anticiper cette évolution, l’étude a établi des scénarios, dont l’un s’appuie sur le nombre de serveurs fournis aux géants technologiques concepteurs d’IA. NVIDIA, leader en la matière, devrait livrer cette année près de 100 000 serveurs représentant une puissance de 650 à 1 020 MW. Mais d’ici 2027, la demande croissante pourrait porter ce chiffre à 1,5 million d’unités, soit une puissance de 9,75 à 15,3 GW. En termes de consommation annuelle, cela équivaudrait à 85,4 à 134 TWh. Pour contextualiser, l’IA pourrait, d’ici là, rivaliser avec la consommation annuelle de certains pays tels que la Norvège, l’Argentine ou la Belgique qui ont respectivement consommé 122 TWh, 121 TWh et 82 TWh en 2020. » (ces chiffres ne concernent que pour les machines équipées de puces Nvidia, leader du domaine mais pas seul fournisseur) ;
  • 6,4 milliards de litres pour Microsoft : l’IA générative a-t-elle fait exploser la consommation d’eau des géants de la tech ? ;
  • Intelligence artificielle : la CNIL dévoile ses premières réponses pour une IA innovante et respectueuse de la vie privée  ;
  • L’IA est fondamentalement une technologie de surveillance, balance Mederith Whittaker de Signal. Ca balance sévère : “You know, you walk past a facial recognition camera that’s instrumented with pseudo-scientific emotion recognition, and it produces data about you, right or wrong, that says ‘you are happy, you are sad, you have a bad character, you’re a liar, whatever.’ These are ultimately surveillance systems that are being marketed to those who have power over us generally: our employers, governments, border control, etc., to make determinations and predictions that will shape our access to resources and opportunities.”
  • Google says it’ll support Pixel 8 series with seven years of Android updates. Ca fait 3 ans de moins que chez Fairphone, mais c’est déjà mieux qu’avant. Et ça laisse loin derrière les LG, Samsung, OnePlus et Xiaomi… On notera quand même un truc bizarre : certaines fonctionnalités Cloud ne seront disponibles que pour le Pixel 8 Pro et pas le Pixel 8 tout court. Pourtant, la puissance de ces smartphones sont quasiment identiques, la principale différence étant au niveau de la taille de l’écran et du prix. C’est là qu’il faut probablement chercher la différence, car on imagine bien que cette différence de prix permet de financer les traitements prétendument gratuits effectués dans le Cloud par Google… On notera avec intérêt que certains traitements d’IA (résumé de texte, “gomme magique”) sont exécutés sur le smartphone lui-même, démontrant qu’il devient possible de faire des traitement d’IA génératifs localement, sans faire appel au Cloud.
  • OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage, et c’est dommage, c’était une approche qui visant à réduire considérablement le coût de développement et d’usage de l’IA sous le nom de code “sparsity” / « parcimonie ». Rappelons que « L’outil d’aide à l’écriture de code informatique proposé par la plateforme Github, détenue par Microsoft, génère par exemple 20 dollars de pertes par mois et par abonné. ». Dans la même newsletter (que je recommande chaudement), on apprend aussi que le déploiement de la 5G est bien moindre qu’anticipé. « Le principal problème de la 5G vient de sa proposition de valeur. Si les opérateurs ont beaucoup insisté sur le gain de vitesse, celui-ci est difficilement perceptible pour l’immense majorité des usages du grand public. »
  • Ca m’a fait sourire de surprise : alors que j’essaye de pousser de nouveaux imaginaires, l’IA vient à la rescousse avec DutchCyclingLifestyle.com, un outil en ligne qui demande une adresse, recherche la photo sur Google Street View et qui remplace le bitume et les voitures par des pistes cyclables avec des fleurs et des vélo. C’est encore balbutiant (on voit beaucoup de défauts), mais l’idée est très amusante !

Totalement En Vrac (mais à lire aussi)

mardi 26 septembre 2023

En vrac du mardi

Numérique et limites planétaires

Le scenario « business as usual » chiffré par l’Ademe dans son étude de prospective de 2023 estime l’empreinte carbone du digital en France en 2050 à hauteur de 49 MtCO2eq, contre 17 MtCO2eq en 2020 (soit 2,5% des émissions nationales à cette date).

La part du numérique représenterait plus de 60% du total des émissions nationales en 2050 dans l’hypothèse où nous parviendrions par ailleurs à atteindre l’objectif de « neutralité carbone » (soit un quota d’émission d’environ 80MtCO2eq) !

Autrement, dit, la croissance de l’empreinte carbone du numérique est incompatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Continuer le numérique comme avant ou avoir une planète habitable, il va falloir choisir.

Mobilité

  • Pétition taxons le kérosène. En effet, le kérosène, carburant pour avions, n’est peu ou pas taxé, beaucoup moins que la voiture, alors que c’est le moyen de transport le plus polluant et le moins égalitaire. C’est ce qui fait que l’avions est souvent moins cher que le train. D’où la pétition !
  • C’est quoi l’empreinte carbone d’un vélo ? Le fabricant de vélos Trek a fait le calcul et c’est passionnant ! En moyenne, un vélo c’est 174 k d’équivalent CO2 (eCO2) pour sa fabrication. C’est variable suivant le modèle. Un VTT en aluminium d’entrée de gamme (le Marlin, chez eux), c’est 116 kg alors qu’un vélo de route en carbone c’est 197 kg. Un VAE c’est 229 kg. Autrement dit, il suffit de rouler 692 km avec votre vélo pour “rembourser” l’empreinte carbone et devenir “carbone négatif”. À l’inverse, une voiture thermique c’est environ 6 tonnes d’eCO2 pendant sa fabrication, et environ 160 à 200 g par km parcouru, donc 160 à 200 kg d’eCO2 pour 1000 km parcourus. (Info trouvée via La difficile mesure de l’empreinte carbone d’un vélo par Olivier Razemon) ;

Low tech et bricolage

Logiciel Libre et éducation nationale

La future solution unique sera basée sur des logiciels libres. A l’automne 2023, quatre académies serviront de pilotes. La généralisation sera effectuée courant 2024. La difficulté, c’est que nous avons à gérer 1,8 million de boîtes (…) Le choix s’est donc porté sur Zimbra que nous allons intégrer avec d’autres outils.

pour la visioconférence, nous avons misé très tôt sur le logiciel libre BigBlueButton. La solution est déjà déployée, tant pour les visio que pour les classes virtuelles, et est devenue interministérielle. Nous avons réalisé des développements partagés avec la communauté pour rendre la solution pleinement adaptée à la réalisation de cours en télé présence. Nous travaillons à son intégration « sans couture » avec la messagerie-agenda Zimbra.

Nous disposons également d’une solution de partage de fichiers baptisée Nuage (une implémentation de Nextcloud). Là encore, nous travaillons à son intégration dans Zimbra, notamment pour les pièces jointes de gros volume.

En Vrac !

samedi 16 septembre 2023

Non, la nouvelle Apple Watch n'est pas neutre en carbone

Copie d'écran du site Apple montrant une Apple Watch prétendument neutre en carbone

Copie d’écran du site Apple montrant une Apple Watch prétendument neutre en carbone

Non, la nouvelle Apple Watch n’est pas neutre en carbone.

Apple crie sur tous les toits que sa nouvelle gamme d’Apple Watch est neutre en carbone. Sous-entendu : vous pouvez vous l’offrir sans mettre en danger ni le climat ni la planète.

C’est faux, et c’est compliqué.

Je m’explique : je salue vraiment les efforts d’Apple pour réduire leur empreinte carbone et énergétique, et pour communiquer sur le sujet. J’aimerais que d’autres constructeurs en fassent autant voire plus.

Mais voilà, on ne peut pas dire qu’un produit (ni une entreprise) est neutre en carbone et l’ADEME explique pourquoi en détail.

Voici ce qu’Apple dit sur son site :

Notre stratégie exigeante de décarbonation des produits se concentre sur différents aspects : la transition vers de l’électricité propre, la fabrication à base de matériaux recyclés et renouvelables, et le choix prioritaire de modes de transport à plus faible empreinte carbone pour nos produits, comme le fret maritime. Ce n’est qu’une fois que nous avons réduit nos émissions de façon substantielle que nous appliquons les crédits carbone issus de projets de haute qualité pour atteindre la neutralité carbone.

Soyons clairs :

  1. C’est bien de réutiliser des matériaux recyclés (titane, aluminium, bouteilles plastiques, filets de pêche, etc. dans le cas de la montre) ;
  2. C’est bien d’utiliser de l’électricité décarboné (à base d’éolien, de photovoltaïque ou d’hydraulique) ;
  3. C’est bien de réduire le recours au transport aérien, très polluant par rapport au train et au fret maritime.

Mais dans tous les cas ça produit toujours des gaz à effet de serre. Moins que dans les modèles précédents, certes, mais ça en produit toujours, c’est factuel. Il faut toujours du pétrole pour fabriquer et faire avancer les bateaux, pour produire des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, des barrages, des centrales nucléaires[1] etc.

Alors comment Apple arrive-t-il à affirmer que la production et l’utilisation de la montre ne produisent pas de gaz à effet de serre ? Tout simplement en ayant recours à la compensation carbone (en anglais : Carbon Offsets). En gros, ils plantent des arbres ou protègent des forêts contre la déforestation. Et ça ne marche pas, pour des tas de raisons, en voici quelques unes :

  • Les arbres ne vont retenir du carbone que lors qu’ils seront grands, c’est à dire dans des décennies (alors que la production du CO2 est faite cette année) ;
  • Il faut que ces arbres vivent longtemps pour conserver le carbone capturé (et donc que cela soit épargné par les feux de forêt) ;
  • Il faut que la forêt plantée soit utile aux populations locales sinon elle ne sera pas entretenue et sera dommageable aux populations ;
  • Pour des raisons de coûts, on a tendance à planter des arbres de la même essence, ce qui est un drame pour la biodiversité.

Bref, bravo à Apple de montrer l’exemple sur ces sujets de réduction d’empreinte, mais appeler cela de la neutralité carbone en vue de nous faire consommer plus, c’est là que ça ne va pas.

Parce que la seule Apple Watch neutre en carbone, c’est celle qui n’est pas produite et donc pas achetée.

Mise à jour du 27/10/2023 : Apple épinglé pour greenwashing : Mère Nature était corrompue. « Des associations de consommateurs européennes s’attaquent à Apple et à ses arguments de vente écologistes : elles remettent en cause l’utilisation de la marque de la « neutralité carbone », qui tromperait les consommateurs. Apple pourrait même se voit interdire l’utilisation de cette expression. »

Quelques liens complémentaires sur Apple

Pour en savoir plus sur la compensation carbone

Note

[1] Encore faut-il considérer comme « propre » le nucléaire, ce qui est un autre débat. Décarboné, certes, mais propre ? J’ai un doute…

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