Ce billet fait partie d'une suite d'articles sur Firefox, les standards et l'avenir du Web.

  1. Introduction ;
  2. L'importance d'avoir des parts de marché (le présent billet) ;
  3. L'historique de la relation avec Google ;
  4. Le soutien des partenaires ;
  5. L'indépendance du projet Mozilla.

(Avant de continuer la lecture, merci de vous souvenir qu'il s'agit ici de mon analyse personnelle et en aucun cas d'une communication officielle du projet Mozilla).

Avant toute chose, revenons à la mission du projet Mozilla : "promouvoir le choix et l'innovation sur Internet". Toute la démarche de Mozilla peut être mesurée par rapport à cet objectif. Rappelons que Mozilla Foundation est une fondation à but non lucratif, qui possède 100% d'une filiale, la Mozilla Corporation. Les deux entités partagent la même mission.

Le projet Mozilla est né d'un constat tout simple : le marché des logiciels permettant d'utiliser Internet (navigateur et messagerie) a besoin de concurrence pour fonctionner. L'histoire est édifiante de ce point de vue là. A partir du moment où Netscape était cuit, Microsoft a cessé tout développement d'Internet Explorer. IE 5.5 est sorti en 1999, et c'etait la dernière version apportant un réel progrès. IE6, sorti en 2001, n'était qu'une mise à jour mineure destinée à profiter du "look" de Windows XP[1]. Autrement dit, cela fait cinq ans que le Web stagne coté client, après des années de progrès et d'innovation, de 1992 à 1999. Forcément, quand on a le monopole, il n'y a aucune raison d'améliorer son produit, surtout quand ce dernier ne rapporte pas d'argent ! (Rappelons que ce qui rapporte chez Microsoft, c'est Windows et Office, alors que la division MSN a perdu de l'argent pendant des années). A partir du moment où Firefox devient menaçant, surprise, Microsoft reconstitue une équipe de développement d'Internet Explorer, démantelée en 2001, et se décide à faire un IE 7 reservé aux utilisateurs de Windows XP Service Pack 2. (Sous entendu : pour les autres, à vous de payer la mise à jour vers XP ou VISTA).

Le navigateur Opera a fêté ses 10 ans en août dernier. C'est un bon logiciel, mais il a comme principal défaut... de ne pas avoir de parts de marché, et plafonne à moins d'un pour-cent d'utilisateurs, malgré d'indéniables qualités, dont le respect des standards du Web. A-t-il incité Microsoft à investir à nouveau dans IE ? Non, car il n'est pas menaçant sur le marché.

Voilà pourquoi il est essentiel pour Firefox d'avoir des parts de marché significatives : elles sont indispensables pour atteindre sa mission, qui est de promouvoir le choix et l'innovation.

Il est un autre aspect essentiel quant aux parts de marché. Avec 95% de parts de marché pour Internet Explorer les années passées, on s'est retrouvé avec des développeurs Web qui ne faisaient que des pages limitées à Internet Explorer, ce qui empêchait d'autres acteurs de pénetrer sur le marché et d'apporter la concurrence tant redoutée par le monopole de Redmond. Aussi, avoir plusieurs navigateurs respectueux des standards et disposant ensemble d'une part significative du marché est essentiel pour préserver l'interopérabilité du Web, et donc son innovation.

Notes

[1] Hormis, précision qui a son importance, l'ajout du Doctype Switching, inauguré par IE/Mac.