Plus précisément, elle a déjà commencé. La bonne nouvelle, c'est que Microsoft vient de perdre la première des batailles, mais affûte déjà ses armes pour la revanche, qui devrait avoir lieu en février 2008.

Pour qu'un format soit adopté, il y a deux possibilités :

  1. soit c'est un format de jure, c'est à dire qu'un organisme de normalisation l'impose via des lois ;
  2. soit c'est un format lié à un produit et qui s'impose de lui même, via des parts de marché (on dit alors de facto)[1].

Il se trouve que Microsoft a particulièrement bien réussi à imposer ses formats propriétaires dans la bureautique (XLS pour Excel, DOC pour Word, PPT pour PowerPoint). Mais les clients exigent de l'ouverture, de pouvoir lire et écrire ces documents avec des applications externes, pas forcément fournies par Microsoft. Et à ce titre, le format XML (définit par le W3C), s'impose

Or, l'organisme évident pour la normalisation de ce genre de choses, c'est l'ISO. Et il se trouve qu'il y a déjà un format définit par l'ISO pour la bureautique : Open Document Format (ODF), soutenu par des grands noms de l'informatique, et qui est déjà utilisé par des logiciels comme OpenOffice.org, AbiWord et autres. Microsoft veut offrir un format qui est directement dérivé des DOC, PPT et XLS mis à la sauce XML, ce qui lui permettrait de conserver un avantage concurrentiel par rapport à un format générique. C'est pour cela que Microsoft tente d'imposer à l'ISO un deuxième format bureautique basé sur XML : Office Open XML (OOXML).

Seulement voilà, techniquement, il est absolument évident que le standard OOXML hérite des défauts et limitations des formats bureautiques de Microsoft. Ce qui arrange bien Microsoft est un sérieux poids pour les utilisateurs et les fournisseurs d'applications compatibles. Pour Microsoft, il était clair que la partie était loin d'être gagnée. Il fallait donc mettre le paquet !

Ces derniers mois, les tractations ont été féroces dans les coulisses des organismes nationaux de normalisation. Les coups bas se sont multipliés, on a vu soudainement certains organismes voir leur nombre de membres grimper de façon très inhabituelle[2], d'autres ont changé d'avis contre toute attente. Le summum a été atteint fin août, quand un employé Microsoft a soudoyé des membres en Suède, avant que l'affaire n'éclate au grand jour, et que la Suède ne déclare son vote invalide.

Quoi qu'il en soit, le vote a eu lieu très récemment à l'ISO, et le quota des votes positifs a fait que pour l'instant, le format Office Open XML ne peut pas devenir un standard. Dans le cadre du processus de l'ISO, les pays votant "Non avec commentaires" (comme la France, via l'AFNOR) sont en attente de réponses à leurs commentaires par Microsoft, avant un second vote courant 2008. Microsoft donne rendez-vous pour la "décision finale en mars-Avril 2008, après une période de résolution des commentaires." D'ici là, surveillons de près l'actualité des standards : elle risque d'être passionnante, vu la taille des enjeux !

Notes

[1] On notera que les standards du W3C ne sont ni de jure ni de facto, mais plutôt entre les deux, car la W3C n'a pas les moyens juridiques d'imposer les standards...

[2] "23 sociétés se sont inscrites pratiquement simultanément au SIS (...) la quasi-totalité des entreprises fraîchement débarquées sont des partenaires proches de Microsoft", d'après PCINpact...