Trois approches antagonistes du logiciel Libre.
Approché par la télévision belge dans le cadre d'une émission sur Mai 68, on me demande si le logiciel Libre et Internet sont des héritiers de Mai 68. J'avais deux ans à l'époque et je ne peux pas prétendre avoir participé à la chose ni même conservé le moindre souvenir de l'époque, mais dans une certaine mesure, on retrouve des valeurs de Mai 68 dans l'approche du logiciel Libre. Je pense à la gratuité, au travail en communauté (fais tourner, man ! ;-), et à un certain idéal, à une liberté, une indépendance. J'en parlais avec Fred Couchet (fondateur de l'APRIL), qui m'a pointé sur une interview dans Libé, qui va dans ce sens :
Dans
l’open sourcele logiciel libre[1], le pouvoir appartient à tous, et plus seulement à quelques-uns. Le logiciel libre démocratise le savoir en évitant son appropriation exclusive par des multinationales. Le monde du libre induit aussi un changement culturel très profond dans la manière de travailler. A un modèle hiérarchique et fermé opérant en vase clos, le logiciel libre substitue un modèle communautaire, fondé sur la coopération et le partage. Ce n’est pas un hasard si le boom du logiciel libre est allé de pair avec la démocratisation d’Internet. La fantastique croissance de ce réseau mondial a permis une diffusion archi-simplifiée du savoir. On le voit avec un site comme l’encyclopédie libre Wikipedia, qui a permis à des gens issus de la planète entière de travailler ensemble. C’est l’utopie soixante-huitarde du libre devenue en partie une réalité.
Ce qui est très paradoxal, c'est qu'au même moment, mon collègue Gerv Markham (contributeur Mozilla de longue date maintenant employé par Mozilla Foundation), publiait une analyse culturelle et théologique du mouvement du logiciel Libre, avec référence aux Corinthiens et et à la Genèse. Il faut dire que Gerv est un catholique convaincu (tout autant qu'il est Libriste). Le logiciel Libre serait-elle une extension de la religion catholique ? Allez, je vous livre la conclusion de Gerv : Produire du logiciel Libre est bénéfique pour le croyant et (indirectement) recommandé par les écritures, alors qu'utiliser du logiciel propriétaire n'est pas interdit par ces mêmes écritures. Allez, je me fends de la traduction de sa conclusion :
Ansi, il n'est pas possible d'aller jusqu'à dire, comme la Free Software Foundation, que le logiciel propriétaire est éthiquement mauvais. Mais avec toutes les mises en garde précisées, et pour les raisons citées précédemment, le logiciel Libre est un positif d'un point de vue social et, en tant que tel, les chrétiens doivent être encouragés à en produire, à l'utiliser et à le partager.
Enfin, encore plus paradoxal sans doute, est l'approche 100% capitaliste, où finalement, le Libre est surtout un moyen plus efficace, moins coûteux, de faire du logiciel de meilleure qualité... pour gagner le plus d'argent possible. Je n'ai pas eu à chercher loin pour trouver une illustration de cet esprit, il m'a suffit d'écouter les première secondes de l'interview de Marten Mickos, MySQL, qui balance tout de go (traduction de mon cru) :
Nous avons toujours eu ce rêve d'être coté en bourse, de rester indépendants et de faire grandir notre affaire pour dépasser le milliard de dollars ou d'euros (...)
C'est un sujet auquel je réfléchis depuis longtemps, alors que j'essaye de comprendre ce qui me fait tant aimer le logiciel Libre. Le partage, oui. L'entraide ? C'est certain. La création de valeur (non financière, la plupart du temps) de façon novatrice (via une communauté qui possède en commun le résultat du travail) aussi. Il y a aussi l'aspect éducatif et indépendant : je suis libre de voir ce qu'il y a "sous le capot" de mon logiciel et l'adapter à mes besoins. Enfin, la perspective d'inventer un "truc", autant d'un point de vue technique que social et économique, est très fort...
Et vous chez lecteur, si vous participez à un projet Libre, vous sentez vous plus dévot, révolutionnaire ou millionnaire ? Qu'est-ce qui vous intéresse dans le Libre ? Lâchez vous dans les commentaires (mais ne tombez pas à bras raccourcis sur Gerv en trollant, il a le droit de croire en ce qu'il veut, même si c'est différent de ce en quoi vous croyez).
Notes
[1] Mise à jour : Fred Couchet ne dit pas "Open Source", il dit "logiciel libre". Ca m'avait étonné, aussi ! Il m'a demandé une correction, ce que je lui offre très volontiers.
24 réactions
1 De Tangui - 08/03/2008, 00:01
Chacun essaye de faire entrer le libre dans son idéologie politique.
Les communistes font valoir qu'ils ont en commun le partage, mais oublient que le logiciel libre n'est pas planifié, qu'il n'existe pas de hiérarchie (bienveillante...) qui montre la voie.
Les capitalistes eux mettent l'accent sur la liberté, la libre entreprise, en oubliant que la propriété n'existe pas dans le logiciel libre, ou plus précisément que le code appartient à tous.
Le logiciel libre avec des caractéristiques comme l'inexistence de hiérarchie, d'autorité (exemple : les forks), la libre association entre les membres de la communauté, la promotion de la liberté individuelle (pas seulement celle du code) n'aurait-il pas quelquechose à voir avec l'anarchie ?
2 De edav - 08/03/2008, 01:07
Bonjour,
J'ai participé à plusieurs iniatives d'entraide sur Internet depuis de nombreuses années, notamment des forums et aujourd'hui des projets libres autour de distributions Linux... Je partage aussi ma bande passante en hébergeant quelques torrents. Ma seule motivation est l'entraide totalement désintéressée. Je ne crois pas au modèle tout libre, les logiciels payants et/ou propriétaires sont simplement un modèle économique qui permet de payer des salaires et d'insérer dans l'économie de marché une activité humaine. Il n'y a pas idéologiquement de problème avec ça, à mon avis.
Donc, je me sens plus proche du modèle défendu par Marten Mickos, même si je pense que que si on tire profit du libre, il faut le lui rendre par une contribution désintéressée. Simple question d'éthique. Le modèle "militant du libre" ne me gène cependant pas: certaines opinions extrèmes font souvent progresser les débats en faisant réfléchir tous les autres. Ce qui me gène dans l'esprit défendu par les libristes militants, c'est que leur coté "communauté", "partage libre et gratuit", "l'économie de marché, bou, cémal", a tendance à classer le mouvement open source et l'ensemble des sujets qui s'y rapportent, très à gauche, ce qui est un repoussoir pour de nombreux décideurs de droite. Je pense (sans rire) que cela constitue un des principaux freins à l'adoption de l'open source, notamment en France.
Bon, d'accord, je schématise un peu et mon propos gauche-droite est un peu manichéen mais vous voyez ce que je veux dire...
edav.
3 De Cédric - 08/03/2008, 01:15
Bon, je ne crois pas, je pense, enfin j'essaie . Je contribue au logiciel libre, mais je ne me sens ni dévot, ni révolutionnaire, ni millionnaire. Je partage les points de vue de Richard M. Stallman concernant les logiciels libres, pour faire court, la connaissance et le savoir doivent être diffusés, accessibles et modifiables pour tout le monde (en informatique, et plus généralement pour le reste, de mon point de vue). Et sans lui, tout aussi polémique puisse-t-il être, les logiciels libres n'existeraient peut-être (sans doute) pas. À mon humble niveau, je mets mes compétences et une partie de mon temps libre au service des autres, et je bénéficie en retour des contributions et compétences de centaines, de milliers d'autres personnes. Quand on contribue à un logiciel libre, quel que soit le moyen, développement, traduction, aide aux utilisateurs, tests, etc., on ne le fait pas pour attendre des remerciements ou des gratifications, mais parce qu'on pense que cela va rendre service à beaucoup d'autres personnes, et beaucoup d'autres contributeurs participent, et en retour vous rendent service. Dans mon humble cas, ce que je peux dire, c'est que ma contribution à divers logiciels libres, m'a été rendue au centuple, pas en argent, mais en d'autres manières gratifiantes.
4 De Bob - 08/03/2008, 01:19
Aucun des trois. Je suis plus dans la case une on va dire, mais je ne crois pas que les notions de partage des connaissances et d'entraide soient apparues avec mai 68, ni avec le christianisme.
5 De leg - 08/03/2008, 09:05
Le Libre, héritier de la tradition universitaire (catholique, à l'origine) : partage du savoir et circulation des idées, évaluation par les pairs, communauté, méritocratie.
Et du ressort éthique des ONG (type Croix-Rouge). Les fondements chrétiens de la chose ne sont donc si contestables (je suis athée, je le précise).
Je pense que le réseau dans sa version électronique est un formidable amplificateur, en comparaison du papier (cf p.ex. monter une conférence). Un bon outil au service d'une bonne cause !
6 De Nico - 08/03/2008, 09:10
Ni dévot, ni révolutionnaire, ni millionnaire... simplement être maître de mon PC, armé de bons softs qui ne s'occupent pas de gérer ma vie privée, qui fonctionnent bien et qui répondent à mes besoins, c'est tout !
7 De pro - 08/03/2008, 09:27
Je respecte pleinement la vision de Gerv, une approche différente et enrichissante.
Quant à sa religion, c'est plutôt:
http://www.enfieldevangelicalfreech...
8 De Bruno - 08/03/2008, 09:49
Je me suis souvent interrogé également sur la neutralité idéologique du logiciel libre. Il est toujours étonnant au premier abord que des mouvements de gauche, ou d'extrême gauche, des chrétiens, et des libéraux se retrouvent dans les valeurs induites par le logiciel libre.
Pourtant ce n'est pas si paradoxal que cela. Le mode de développement communautaire, le partage du savoir, sont induits par le caractère ouvert du code, par la liberté d'étudier, modifier, adapter et améliorer le logiciel. Cette façon de travailler semble effectivement à l'opposé de l'organisation du travail hyper-hierarchisé qui a prévalu dans la société industrielle du 20éme siècle. Le mouvement de mai 68 s'est fait en grande partie en réaction à ce modèle et certaines figures du libre sont bien les héritiers de cette période. Il est donc légitime de penser que le logiciel libre s'inscrit historiquement et idéologiquement dans ce mouvement. Pourtant si la connaissance est théoriquement accessible à tous, elle est dans les faits souvent réservées à un microcosme de spécialistes possédant la maîtrise de technologie complexes. Évidemment ces microcosmes s'organisent en communautés plus ou moins ouvertes et plus ou moins hiérarchisées. Les barrières d'entrées qui s'y établissent : techniques, linguistiques, cooptation par les autres membres, etc. sont indispensables à la cohérence et a l'efficacité d'un projet libre. On reste tout de même assez proche d'un idéal communautaire post-68, chaque projet libre essayant de trouver son équilibre entre le bazar et la cathédrale
Les chrétiens se retrouvent dans d'autres valeurs induites par la liberté de développement du libre. Participer à ses communauté c'est aussi faire don de soi, de son temps, de ses compétences, pour le bénéfice commun. Le logiciel libre, qui implique souvent la gratuité, est en soi un don fait à l'humanité, un don fait aussi à ceux qui n'ont pas les moyens financiers ou technologiques pour utiliser ces outils. Le religions ont toute latitude pour démontrer que les valeurs morales qu'elles véhiculent sont présentes dans le libre. Pourtant le logiciel libre ne véhicule en soi aucune valeur morale.
Le modèle économique libéral (ou capitaliste) s'accommode fort bien du logiciel libre grâce à sa liberté d'utilisation. De très nombreuses entreprises vendent des services basés sur le logiciel libre et ce secteur est en forte croissance. Cependant, si le libre s'intègre bien dans le monde libéral, certaines principes ont du mal à faire leur chemin, et peuvent même paraître dangereux. Les pays développés sont dans une phase de dés industrialisation croissante, la production industrielle appartient désormais aux pays dits émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.). Les pays du Nord ne semblent avoir comme seule ressource pour maintenir leur niveau économique, outre le basculement vers les services, que de monopoliser l'innovation technologique en se défendant à grand coup de brevets et de protection de la « propriété intellectuelle » (que l'on a une fâcheuse tendance à confondre avec la propriété de biens matériels..).
Le logiciel libre, dans son domaine, propose à tous de bénéficier d'innovations technologiques. Là où notre modèle libéral voudrait mettre des brevets, vendre des licences, le libre fait don des idées et de leurs applications techniques. Si cela dérange profondément certaines grandes entreprises, d'autres ont compris que ce n'était pas un frein à l'innovation et au développement économique, bien au contraire. Le développement mutualisé, le partage, l'ouverture du code, rendent le logiciel libre plus efficace, plus performant et plus sûr que le modèle propriétaire. Et il a été largement démontré au cours de ces dernières années que l'innovation était plutôt du côté du libre.
Je crois donc que le logiciel libre n'est pas tout à fait idéologiquement neutre. Son modèle de développement et de distribution induit également un modèle social. Plus exactement le logiciel libre crée du lien social sur un mode assez éloigné de celui créé par le monde de l'entreprise, sans être anarchique pour autant. Ce modèle n'est ni de droite ni de gauche, ni chrétien ni religieux, il est nouveau, et il est porté et rendu possible par la « révolution » de la société de l'information.
On peut y trouver des échos à nos propres valeurs qu'elles soient humanistes, religieuses ou athées, capitalistes ou anti-capitalistes. C'est là une grande liberté que nous permet le libre.
PS: désolé pour ce commentaire un peu long et pour les choses sans doute un peu triviales qu'il contient
9 De heineken - 08/03/2008, 09:54
petite faute de frape à la fin:
(mais ne tombez pas à bras raccourcis sur Gerv en trollant, il a le droit de croire en ce qu'il veut, même si c'est différent de ce EN quoi vous croyez).
moi je serais plutôt adepte de l'idée de partage et d'égalité face aux logiciels libres, mais finalement vous montrez bien qu'on y voit au fond ce que l'on veut, c'est peut être là que réside sa vraie force, extrêmement fédératrice.
10 De Daniel Glazman - 08/03/2008, 10:36
En bon amateur de logique booléenne, j'ai pris la négation de ton "dévot ou révolutionnaire ou millionnaire". Je suis donc tout simplement mécréant, loyaliste et pauvre
11 De p4bl0 - 08/03/2008, 10:54
Révolutionnaire, définitivement !
Pour moi le Libre (logiciel et culture), c'est la liberté, le partage, la mise en commun...
12 De Bob - 08/03/2008, 11:10
@Tangui: pas d'accord du tout. La plupart des gros projets libres sont très structurés, avec une hiérarchie bien présente, reposant plus ou moins démocratiques. ex Debian qui élit un leader et qui prend chaque grosse décision grâce à un vote. Ou de plus petits projets généralement dirigés par un dév principal qui prend toutes les décisions, à la manière d'un dictateur. L'anarchie dans le libre ça existe pas amha.
Un petit article d'en développeur debian daté d'aujourd'hui : http://www.linux.codehelp.co.uk/ser...
13 De seb - 08/03/2008, 13:25
Pour ma part, les projets "libres" sont un leurre. Les grosses entreprises comme Google, MySQL, Zend, n'ont qu'un unique but : s'enrichir. Et cela marche plutôt bien pour elles. Que les millions d'utilisateurs que nous sommes en profitent, c'est certain. Que certains d'entre nous, qui ont la technicité, le temps pour le faire contribuent, c'est formidable. Sans le "libre", l'informatique ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui, c'est certain. Nous serions tous sous Windows Millénium SP 12, équipé des quatre maigres logiciels que nous aurions pu nous payer.
De là à devenir des "opensource evangelist" en robe de bure... Il faut garder du recul par rapport à tout cela, s'enthousiasmer et participer, mais ne pas être les dindons de la farce. Les milliers de contributeurs de MySQL ne sont pas de ceux qui ont reçu l'argent de Sun. Gardez tous en tête que l'immense majorité des OpenSource créés aujourd'hui ne sont que des Mandalay qui finiront en poussière virtuelle un jour ou l'autre.
Alors contribuons, faisons-nous plaisir, mais soyons vigilants. Pour moi, le modèle est loin d'être idéal. C'est une révolution, et à la fin des révolutions, ce ne sont pas les idéalistes qui sont aux premières loges, ce sont les dictateurs et les marchands...
(Précision : je contribue à des OpenSource moi aussi
14 De Jean-Baptiste Balleyguier - 08/03/2008, 14:49
C'est marrant ce titre : ça me fait penser à "Le bon, la brute et le truand" ... reste à savoir qui pourrait être le bon, la brute ou le truand, entre le dévot, le révolutionnaire et le millionnaire :p
Soyons sérieux : pour moi je prendrai un peu du dévôt et du millionnaire...
Dévôt, parce qu'il faut bien l'avouer et Gerv le montre bien : les notions de partage et d'accès de tous à la connaissance (en tant que valeurs !) sont bien issues du christianisme (hé oui Bob) : il suffit de lire les Actes des Apotres et les différentes épitres (St Paul et St Jacques), en plus des Evangiles pour percevoir ce fondement, qui n'était pas présents auparavant (pas même, en tous cas de manière aussi claire, dans la religion juive : tout au plus chez les Esséniens). De plus, comme le montre leg, le mouvement Universitaire est issu principalement au Moyen-Age, du mouvement de la scolastique qui avait pour but principal de diffuser la connaissance de l'époque sous une forme dialectique (à la manière d'Aristote...). Qui plus est, les premières écoles gratuites apparaissent au Moyen-Age et son financées par l'Eglise. Donc oui, l'idéal de partage de la connaissance visible dans le logiciel libre est un lointain héritier de la religion chrétienne et plus précisément catholique (doit-on rappeler que Stallman lui même cite la règle d'or évangélique "Fais aux autres ce que tu aimerais que l'on te fasse à toi" pour justifier les idéaux du logiciel libre dans "Free Software Free Society" ?).
Millionnaire, tout simplement parce qu'il faut bien manger, et que l'argent pour s'acheter de quoi manger, ne pousse pas sur les arbres. Malgré ses défaut, le modèle capitaliste est celui qui nous permet à tous de vivre aujourd'hui. Il est évident cependant, que le modèle libre n'a pas pour seul but de faire de l'argent, mais il s'agit de l'une des libertés que ce modèle garantit : "Free is for Freedom". Le logiciel libre garantit un modèle économique autour de l'offre et de la demande, tout en permettant le libre partage du produit...
15 De Laurentj - 08/03/2008, 15:43
@tangui : deux grosses erreurs dans ton commentaire.
1) comme Bob le fait remarquer, la grande majorité des projets libres sont organisés, planifiés (Firefox par ex), hierarchisés, certain même sur un modèle dictatoriale comme le projet du noyau linux.
2) deuxio : la propriété existe dans le logiciel libre. Dans beaucoup de projets (la majorité même ?), les contributeurs gardent leur copyright sur leurs lignes de codes ! Le code appartient uniquement à celui qui l'a créé. Les licences libres, comme la GPL, ne donnent que certaines libertés qui caractérisent le libre : libertés d'utiliser le logiciel, de redistribuer le logiciel, de modifier le logiciel, et de redistribuer les modifications. Nulle part il est dit dans la plupart des licences libres que les auteurs doivent absolument cèder leurs droits, donc leur propriété sur le code, ou qu'il faut qu'il y ait un transfert de propriété.
16 De oomu - 08/03/2008, 16:18
ce n'est vraiment pas compliqué : l'union fait la force.
l'ouverture et le partage c'est efficace : on donne des moyens aux gens et du coup ils sont productifs ou aidés
ce qui efficace et éthique est bon pour l'économie : une économie efficace grâce aux outils qui font participer tout le monde et stable car éthique (pas de coup fourré)
une bonne économie c'est sain et éthique : les gens vivent bien et commercent/travaillent/vivent avec leurs semblables
de fait, le logiciel libre est évidemment tout cela à la fois !
et y a rien de mal à vouloir partager, gagner de l'argent, et être éthique. ces trois choses vont ensemble.
si on veut que tout le monde puisse partager et s'enrichir de ces outils (gagner donc que cela soit des billets verts ou des outils concrets) on est de fait dans une démarche éthique.
le logiciel libre est à la fois éthique (pour le philosophe), moral (pour le religieux), une méthodologie efficace (pour l'ingénieur) et du coup c'est une opportunité d'enrichissement (qu'elle soit financière ou culturelle)
peu importe donc la motivation personnelle d'un nouveau "libriste", si vous vous y engagez vous vous engagez dans une démarche éthique, efficace et enrichissante.
--
au petit jeu des origines, je peux aussi m'amuser à dire que c'est évidemment la Révolution Française, avec sa protection de la propriété individuel comme droit intangible et son esprit des lumières (solidarité, répandre les connaissances etc) qui est la source de l'esprit du Logiciel Libre.
(et je vous assure que je n'ai pas fait de contre-sens dans ce que je viens d'écrire, même en parlant de propriété individuelle).
Demain , je reviens en vous expliquant que c'est Socratique le logiciel libre.
Le logiciel libre est tout simplement une évidence si on suit l'évolution de notre société, c'est pour cela que vous allez retrouver les germes de son esprit, dans presque tout ce qui a façonné notre société.
17 De oomu - 08/03/2008, 16:27
>Les capitalistes eux mettent l'accent sur la liberté, la libre entreprise, en oubliant que la propriété n'existe
>pas dans le logiciel libre, ou plus précisément que le code appartient à tous.
faut le code appartient à quelqu'un. par défaut au contributeur du dit code ou dans le cadre de projet bien structuré à une organisation à but non lucrative qui chapeaute le bon intérêt du projet (par exemple GNU)
les 2 fonctionnent bien, parce que justement il y a une propriété (forte) du code par ses auteurs (donc dans un projet massif comme Linux, tout le monde est dans le même bateau, chacun a la propriété de sa bille mais vu le nombre de contributeurs c'est un non sens de vouloir imposer des conditions iniques, et dans le cadre de Gnu, la propriété est unifiée et donc bien identifié par une organisation au statut clair et connu)
le logiciel libre est la théorie du copyleft : le renversement du copyright (pratique américaine de la propriété intellectuelle) pour le retourner comme une crêpe : en faire un outil de protection du partage.
(ce qui fait bien de Stallman quelqu'un d'inscrit dans la logique américaine)
Car en effet dans nos sociétés ouvertes et libres, si il n'y avait pas la protection de la propriété du code pour ses auteurs on ne pourrait pas garantir l'ouverture du code et la pérennité du projet et de son enrichissement.
Cela renvoie au vaste débat BSD vs GNU.
-
de fait, et j'insisterai lourdement sur cela, le logiciel libre et quasi tout le mouvement opensource (sauf le cas rare du domaine public , tel sqlite) reposent entièrement sur la protection de la propriété par les Etats.
Sans cette protection, seule la loi du plus fort existerait : celui qui peut vous prendre votre code et s'en servir pour son unique intérêt et au passage détruire votre travail dés que vous devenez gênant.
bref : non , la notion de propriété est quelque chose de très fort dans le logiciel libre. Cela se vérifie dans les discussions au sein de Linux, Gnu et Mozilla par exemple : trois projets qui ont bénéficié de vastes analyses, ces trois projets ont pourtant des approches différentes de la gestion de la propriété.
18 De Franck - 08/03/2008, 22:05
Le partage du savoir - et donc du pouvoir - est une valeur qui a motivé Mai 68.
Le partage (tout court) est une valeur catholique affichée.
Quant à l'approche libérale, elle épouse n'importe quelle valeur tant qu'il y a de l'argent à se faire.
Pour moi, le partage est simplement une (bonne) valeur humaine, qui s'exprime plus ou moins selon le contexte. La raison nous pousse vers le partage, l'instinct vers le communautarisme et le repli sur soi.
De ce point de vue, l'expression "communauté du libre" est étrange non?
19 De Fizz - 09/03/2008, 10:55
L'idéologie et la recherche de profit sont probablement parmi les principales motivations.
Il y a aussi la recherche d'efficacité, avec l'idée que "plus il y a de personnes qui accèdent au code source, meilleur il sera".
J'ajouterais comme autres motivations possibles :
- le besoin de reconnaissance par ses pairs, encouragé par la méritocratie même si le pouvoir peut avoir beaucoup plus de poids que le mérite dans les projets open source, j'ai trouvé à ce sujet un document très intéressant sur le fonctionnement de la structure qui conçoit VideoLAN : http://thomas.basset.free.fr/dea/vi...
- répondre à son propre besoin au moindre effort : le particulier ou l'entreprise qui développe un composant logiciel pour ses besoins propres et le met en open source pour partager avec d'autres utilisateurs potentiels l'effort de maintenance corrective et évolutive.
20 De plic - 09/03/2008, 20:13
Parce qu'un logiciel propriétaire ne peut être modifié (support des anciennes architectures, non bridage du matériel, correction de bugs...) que par une seule société ?
Parce que je veux savoir ce qui tourne comme service sur ma machine ?
Et surtout : pourquoi utiliser du logiciel propriétaire ? pourquoi utiliser quelque chose de moins bien et plus cher ?
21 De Bernadette - 10/03/2008, 11:52
Bonjour à tous !
Je suis la journaliste belge qui met Tristan sur le grill ! Pour tout dire , je suis un peu intruse dans votre milieu , je suis beotienne mais je me rend compte a travers les différents témoignages (recueillis aussi de mon côté) qu'il y a quand même un esprit libertaire sur le net et il y a bien quelques idées quarantenaires. Je me rend compte aussi que le web est le reflet de notre société , on y trouve donc de tout, des mercenaires et des idéologistes, des artisans et des machines, des généreux et des intéressés ... l'impression aussi que ceux qui défendent le libre courrent un danger à terme , celui de s'enfermer dans un cercle, même large , mais uniquement composés d'initiés ...
22 De gros_bidule - 10/03/2008, 12:41
@plic "Et surtout : pourquoi utiliser du logiciel propriétaire ? pourquoi utiliser quelque chose de moins bien et plus cher ?"
Fais attention de ne pas tomber dans le préjugé totalement abusif du "le proprio çay-le-mal et le libre çay-le-bien".
Non, le libre est un modèle et a ses qualités, mais le proprio aussi ! Quant aux coûts, ce n'est pas si simple, et le libre n'est pas toujours moins chère, non non non et non. Et puis le proprio ce n'est pas que MS et Apple, il y a aussi de très bon produits propriétaires, en particulier dans le domaine des serveurs d'application et de la bureautique (je pense à IBM pour le serveur WebSphere et la suite Lotus).
Pour finir, mon type de libriste : ben je ne passe pas tout mon temps libre sur des projets libres ou open source, je garde quand même une vie sociale, mais ça ne m'empêche pas de me garder du temps pour des applis sur lesquelles je travaille depuis belle lurette, et qui j'espère seront un jour finalisées. Quand à la reconnaissance et au fric, je n'en attend absolument rien.
23 De Lanza - 11/03/2008, 10:10
Bonjour,
Ce qui m'intéresse le plus dans le Libre, c'est qu'on commence à voir apparaître des innovations que le modèle économique du logiciel propriétaire ne permet pas. L'installation à la demande d'applications via une interface centralisée, par exemple, est inimaginable sur les systèmes propriétaires traditionnels. Apple a pompé avec l'AppStore de l'iPhone (le passage à la caisse en plus), mais l'iPhone est une nouvelle plateforme.
Je m'attends aussi à ce que les interfaces des systèmes Libres abandonne le paradigme de l'application pour se recentrer sur le document, qu'une foultitude de mini applications dédiés à une tâche précise permettraient de visualiser/modifier (un peu à la manière dont fonctionne UNIX en ligne de commande). Parce que ce qui importe à l'utilisateur, c'est bien le document, l'application il s'en contrefiche, quand il sait qu'elle est là. Mais ça, ça ne sera possible que quand les formats ouverts seront suffisamment mûrs. On commence seulement à trouver HTML un peu partout via l'intégration de gecko, KHTML ou du webkit. Avec des formats comme SVG, ça va devenir vraiment intéressant.
24 De Klael - 12/03/2008, 11:35
Salut à tous
je suis utilisateur de logiciels libres depuis des années, Firefox et Thunderbird, Filezilla, OpenOffice etc...
Le plus souvent par choix idéologique ou technique mais parfois aussi financier (qui a les moyens d'acheter Ms Office pour son ordinateur perso ? pas moi en tout cas).
Par contre il y a un domaine où le libre ne perce pas et amha, n'est pas près de percer, c'est le domaine des jeux vidéo.
Malheureusement non seulement cela n'est pas près d'arriver mais le développement des OS libres sera toujours limité au strict domaine professionnel tant qu'il n'y aura pas de développement (libre ou pas) de jeux de qualité professionnelle pour ces OS.
Quelle famille avec des enfants acceptera d'installer un nouveau PC à la maison avec une Mandriva ou une Ubuntu incapable de faire fonctionner les derniers jeux sortis (et qu'on ne vienne pas me parler de Wine/Cedega qui sont une fausse solution) ?
Tant qu'il n'y aura pas de jeux récents sous Linux, Microsoft continuera à truster le marché mondial au niveau des OS et du coup cela lui permet de développer des applis telles que MsOffice qui ont forcément une meilleure interaction avec le système par le biais des fonctionnalités non accessibles à la concurrence (ce qui ne m'empêche pas d'utiliser OpenOffice)...