The plane that flew me from Heathrow to Rotterdam

Un avion à turbo-propulseur, pour les petites distances

Le gentil lecteur V_Atekor vient de laisser un commentaire agacé sur le Standblog, suite au billet où je raconte une de mes promenades à moto avec un collègue :

lorsque je viens au travail en vélo pendant 1 an pour éviter de polluer sur un trajet qui m'est nécessaire, tu détruits le bénéfice de cet effort pour ton bon plaisir en une après midi.

On sent bien qu'il est agacé, hein ! Il faut dire qu'il y a de quoi.

En fait, je réalise qu'il vient de démontrer superbement pourquoi la taxe carbone est indispensable (et à un niveau un peu moins ridicule que les 17EUR de Sarkozy). Je m'explique...

La réflection qu'un consommateur ordinaire fera, c'est :

j'ai envie de faire un tour à moto. Est-ce que je peux me l'offrir ?

Ca ne sera pas :

Est-ce que je suis en train de réduire à néant les efforts cyclistes de v_atekor ?

Paul, mon passager, a payé l'essence de mon tour à moto. Ca lui a couté 15$, soit 10,15EUR, ce qui était symbolique à coté du prix de la location de moto. (Un litre d'essence 98 à Mountain View, c'est environ 52 centimes d'euro)[1]. Autrement dit, bruler de l'essence "pour le plaisir" est totalement indolore d'un point de vue financier. 10 EUR pour passer un moment génial à deux dans la journée, c'est une super affaire (on a pris 3 pots dans la journée, et ça nous a couté à chacun bien plus cher que ça).

Donc première conclusion, le prix de l'essence devrait être lourdement taxé aux USA. Tant que ça ne sera pas le cas, la situation ne changera pas. En France, c'est déjà taxé, mais ça devrait l'être bien plus pour avoir plus d'effet encore.

Ensuite, mettons en perspective cette promenade de 250km environ avec les 18800 km en avion que j'ai fait pour aller en Californie (pour des raisons qui n'ont rien à voir avec cette sortie moto, puisque c'était pour une semaine de travail avec l'équipe marketing/évangelisme et des meetings avec la direction de Mozilla).

Je cite le calculateur de CO2 d'Air France :

Paris (CDG) - San Francisco (SFO) 18806 km : 1617 kg de CO2 pour le voyage aller-retour. Soit 86 g de CO2 / passager / km et une consommation de 3,5 litres de carburant / passager / 100 km

Mon tour à moto (comptons large avec 150g de CO2 au km), avec un passager, a produit environ 37,5kg de CO2. soit 17,75 kg par personne. A comparer avec 1,6 tonne en avion. (on notera que justement, le carburant d'avion n'est pas taxé à ma connaissance, ce qui est une totale absurdité).

Autrement dit, ce voyage a produit 91 fois plus de CO2 que ma journée à moto. Concrètement, la journée à moto est négligeable.

Autrement dit, les efforts à vélo de notre gentil lecteur (qui ne donne pas les chiffres, c'est dommage) sont négligeables par rapport à mon voyage. D'autant que sur le Boeing 747-400 que j'ai pris et qui était plein, nous étions plus de 400 personnes. A vue de nez, ça correspond à 640 tonnes de CO2 produit sur ce voyage. (Air France en fait 365 jours par an, des aller-retour CDG-SFO, et il y a d'autres compagnies aériennes qui font la même chose, mais avec des changements, donc avec une production supérieure de CO2). Le vol quotidien Paris-San Francisco-Paris produit 233 600 tonnes de CO2 par an. Ca représente environ 13,3 millions de balades à moto.

Ne nous méprenons pas : je ne me réjouis pas du tout du résultat de ce calcul. Je ne suis pas un cynique du tout. Je veux juste mettre des chiffres en face de nos émotions et de nos efforts personnels au quotidien. En fait, nous venons de démontrer que nos efforts personnels à si petite échelle, sont négligeables au sens propre du terme tant que les choses n'ont pas changé d'un point de vue fiscal, donc politique.

C'est pour cela que je suis un fervent partisan de la taxe carbone (et l'application de la TIPP aux compagnies aériennes). Tant qu'on aura pas d'incitation financière à moins voyager, la production de CO2 ne se réduira pas de façon significative. On pourra toujours essayer de faire un peu plus de vélo, ça ne changera absolument rien (à part avoir la sensation méritée d'avoir fait un effort).

Notes

[1] Il faut préciser que quand je suis parti le matin, le réservoir n'était pas plein...