août 2009 (13)

vendredi 21 août 2009

Les moyens de communication changent la société

Non au Minitel 2.0 !

Non au Minitel 2.0 !

Benjamin Bayart, président de French Data Network, un fournisseur d'accès Internet associatif est à nouveau interviewé par Ecrans.fr (avec une suite, intitulée La neutralité du net, un pilier des libertés)[1]. L'interview est longue et porte pour beaucoup sur la crasse faite par SFR à FDN, mais j'ai trouvé cet extrait particulièrement intéressant :

Il faut comprendre l’influence des moyens de communication sur la société. Il n’y a rien de plus fondamental pour un être humain que de communiquer. Un bébé à qui on ne parle pas meurt. Et la façon dont on parle définit la société dans laquelle on vit. L’imprimerie a défini une société qui n’avait rien à voir avec celle des moines copistes. Et ça n’est pas seulement une question de business du livre. Si la société du XXe siècle n’a rien à voir avec celle du XVe siècle, c’est en partie car l’imprimerie a restructuré la société en profondeur.

La télévision et la radio ont eu des effets similaires. La société de la télévision ne vit pas avec les mêmes images, réflexes et modes de relation entre les gens que celle du livre. Et la société du réseau acentré, le village global, Internet, sculpte une société encore radicalement différente. Mieux ou moins bien, je n’en sais rien, mais ça n’est pas le même modèle de société. TF1 en perte d’audience, ça n’est pas surprenant. Que les gens se tournent de plus en plus vers Internet, et de moins en moins vers les canaux centralisés que sont la télévision et la presse traditionnelle, ça n’est pas surprenant. Et c’est entre autres car ils peuvent y contribuer.

Q. - Pourtant, aujourd’hui, dans cette société du réseau, 95% des gens sont passifs...

Ce n’est pas vrai. Oui, 95% des gens qui ont actuellement un abonnement Internet en France sont passifs. Parce qu’ils s’en servent comme d’un minitel et vivent dans la société de la télévision. On ne restructure pas une société en six mois ou dix ans, c’est un process long. La volonté de produire croit au moins autant que celle de consommer. Il y a une vraie courbe d’apprentissage d’Internet.

En 1997, avec l’arrivée du grand public, la plupart étaient là exclusivement en consommateurs passifs. Idem en 2001 avec la grosse vague venue avec le haut débit. Puis, en 2004, cette même foule a commencé à ouvrir des blogs. Et aujourd’hui, c’est d’une banalité affligeante. N’importe quel lycéen a au minimum un skyblog. L’étape d’après, c’est le lycéen qui voudra avoir un blog sans être soumis au diktat de quelqu’un d’autre.

Ca fait jeuniste de dire ça, mais on apprend plus vite à 15 ans qu’à 60. Ceux qui ont 15 ans apprennent très facilement la nouvelle structure de la société du réseau alors que ceux qui en ont 60 ont tendance à se demander ce que font les gamins. C’est normal, ça a toujours été comme ça.

Q - Il reste cependant un public pour un Internet encadré...

Certains sont effectivement demandeurs d’un réseau non-neutre dans lequel ils sont bien encadrés, où on leur propose de la bonne vidéo de chez Disney et où ils ne risquent pas de tomber sur un truc dérangeant. Que ce soit du porno ou simplement de l’art bizarre. Mais il y en a de moins en moins. Alors qu’il y a de plus en plus de gens qui y sont fortement opposés. Et la technique même d’Internet fait qu’on ne pourra pas les contenir. C’est très facile avec n’importe quel accès GSM — tout ce qu’il y a de non neutre — d’obtenir un accès neutre en un quart d’heure . Il suffit d’avoir les bons outils.

Oui, Internet change la société. Mais il faut aussi que l'Internet en question soit ouvert et au service de ses utilisateurs, où ces derniers peuvent créer, innover, bidouiller, et non pas un Internet formaté et bridé, essentiellement au service des actionnaires de quelques sociétés. Ca tombe bien, on y travaille !

Notes

[1] Benjamin Bayart a déjà été mentionné ici en février dernier.

Google met SVG dans Internet Explorer

Google pousse sous les projecteurs le projet SVG Web avec une démo spectaculaire en vidéo. En gros, une bibliothèque JavaScript de 60Ko permet de mettre enfin du SVG dans Internet Explorer. C'est encore en version Alpha, mais c'est super prometteur. Pour les développeurs, Brad Neuberg propose une [vidéo d'une grosse demi-heure sur l'utilisation de SVG dans Internet Explorer avec SVG Web. On pourra regretter que la solution repose sur Flash 9 (mais des deux maux, ils faut choisir le moindre !).

jeudi 20 août 2009

Tabous et écologie : le retour

Mon billet S'attaquer aux tabous pour devenir écolo semble-t-il provoqué beaucoup de réactions : 140 commentaires en 72 heures (avant qu'ils ne se ferment automatiquement pour éviter le spam). Ensuite, certains lecteurs blogueurs en ont profité pour écrire des billets chez eux. En voici quelques uns :

Ca me fait plaisir de voir que la discussion continue ailleurs, sur un sujet essentiel : la déconnexion entre l'urgence d'un changement de société pour éviter un problème annoncé dont on ne vit pas (encore) les conséquences.

Et toi cher lecteur, que penses-tu qu'on puisse faire pour que la société évolue vers un mode où la race humaine est pérenne ?

Notes

[1] Donc pas de lien vers eux, pas question de faire ainsi monter leur PageRank.

Actu des navigateurs

mercredi 19 août 2009

En vrac

Voici quelques liens qui traînaient dans les onglets de mon Firefox. Fraîcheur non garantie :-) (par contre, j'espère bien que la lecture sera intéressante...)

mardi 18 août 2009

Et si on préférait l'eau du robinet ?

Fontaine St Louis à Mont-Louis, Pyrénées Orientales

Fontaine St Louis à Mont-Louis, Pyrénées Orientales

On apprend sur l'un des blogs du Wall Street Journal que Nestlé (propriétaire des marques d'eau minérale Perrier et San Pellegrino) constate une baisse de 10% des ventes d'eau en bouteille. La crise économique serait à blâmer, les consommateurs préférant l'eau du robinet. C'est dommage que ça ne soit pas pour des raisons écologiques, car boire de l'eau du robinet (éventuellement filtrée si la votre sent trop le chlore ou les nitrates)[1], c'est quand même une bonne façon de réduire la pollution. En effet, entre la consommation d'essence pour transporter des bouteilles de l'autre bout du globe ou du pays, en plus les emballages à fabriquer et recycler, ça pollue énormément, surtout quand on sait qu'il y a un réseau de distribution de l'eau déjà en place et beaucoup moins cher...

Notes

[1] Il y a bien sûr des exceptions, dont la Bretagne, où la filière porcine pollue l'eau.

Quote of the day: Jay Sullivan on Fennec

Jay Sullivan is the Mozilla VP of Mobile at Mozilla. He works on Fennec, the browser for mobile phones. Jay was recently interviewed by Lifehacker. Here is an interesting excerpt:

What we're seeing happen in mobile is just what we've been seeing on the desktop for the last five years. That's migrating from more client-heavy applications to more web-based applications. Fennec is built on the latest version of our browser engine, and has support for offline storage and things called web workers, which enables threaded applications that can run faster. All these technologies make it possible to build a first-class, HTML5-based application. Plus, we're looking at integrating with the devices' capability. A great example of that is geolocation. With a couple lines of JavaScript code, a webapp developer can take location into account. You see that in Firefox 3.5, with Google Maps supporting it. With Fennec, we're giving you that same ability, but I think it's more important in a mobile device. We're also integrating access to [the] device's camera, and we're working on other APIs to let developers access things like an accelerometer.

Back from vacations

Le matin aussi, c'est bien...

St Aubin sur Mer beach at dawn, aka Nan sector of Juno beach.

lundi 17 août 2009

Le métier de Google, expliqué par son patron

Eric Schmidt, patron de Google, explique le métier de Google et comment il va évoluer avec la téléphonie mobile :

Si on sait suffisamment de choses sur une personne, on peut lui envoyer avec leur accord une publicité ciblée. Du genre "(...) Vous avez mangé un hamburger hier, ça vous dirait une pizza aujourd'hui ? Il y a une pizzeria juste à votre droite." Ce genre de pub, ça a beaucoup de valeur pour un annonceur, parce que ça va générer une vente. (...) Je sais que ça peut faire peur, mais ça peut avoir de la valeur, aussi.

C'est résumé en 5 phrases, et ça met en valeur clairement que plus Google en sait sur vous, plus il vend cher ses publicités.

Quel rapport avec la recherche, le service le plus utilisé de Google ? Disons simplement que si on veut en savoir plus sur vous, le plus simple c'est encore de vous demander ce qui vous intéresse. Le moteur de recherche est le moyen le plus simple de le faire. Pour vendre ensuite plus de publicité. Plus ciblée, donc plus chère.

jeudi 13 août 2009

Rions ensemble avec les brevets logiciels

Entrée interdite. Pièges à feu

Entrée interdite. Pièges à feu

Les nouvelles sont rares en ce mois d'août, mais ça ne les empêche pas d'être troublantes... Voici deux articles sur Microsoft, le format XML et les brevets logiciels :

  1. 7 août : Microsoft a breveté le stockage au format XML des documents de traitement de texte. Quand on sait que les formats modernes standardisés sont sur le base d'XML, on ne peut qu'être consterné par cette démarche (encore bravo, Microsoft) ;
  2. 11 août : Un juge texan interdit à Microsoft de vendre Word pour cause de violation de brevet... justement parce que dernier permet le stockage de documents au format XML. (Daniel Glazman a plus d'info).

Tout cela serait fort drôle si ça n'était pas triste à pleurer...

Plus que jamais, il convient de réformer les brevets logiciels aux USA et d'empêcher qu'ils arrivent en Europe avec des moyens détournés. Comment faire ?

mercredi 5 août 2009

S'attaquer aux tabous pour devenir écolo

On trouve parfois d'excellents articles dans des endroits inattendus. Le dernier exemple en date, c'est Je n'arrive pas à être écolo, paru dans le cahier Été de Libération, censé être "ludique". On y trouve une citation de Séverine Millet (auteur de La stratégie du colibri). L'emphase est de mon fait :

La notion de limites apparaît insupportable à nos sociétés (...). Changer de comportement est insuffisant, la crise appelle à un revirement en profondeur du système de valeurs que notre éducation, notre culture, notre histoire ont contribué à forger.

Ca m'a fait plaisir de lire ces mots, ça ils résonnent avec ce que je sens depuis que je m'intéresse à l'environnement. En substance, je sens un décalage croissant entre les valeurs qui m'ont été inculquées et ce qu'il faudrait que je fasse (et que nous fassions tous) pour que la race humaine ait un avenir sur cette planète. Voici quelques notes sur les valeurs qui nous sont inculquées par nos parents, la religion, l'école, l'entreprise, la télévision et la publicité (j'oublie sûrement d'autres facteurs d'influence) :

  • Il faut manger de la viande plus souvent. C'est bon pour la santé. Sauf que la production de viande est très polluante en terme de CO2 par rapport à ce qu'elle fournit en terme de calories par rapport aux sources végétales de protéines. Mais bon, c'est pas facile d'aller à la fois contre ce qu'on nous a répété pendant toute notre enfance et contre le lobby de la filière viande...
  • Pas d'économie en bonne santé sans croissance. Là, c'est carrément un dogme économique, un truc qu'on ne peut pas remettre en cause. Et pourtant...
  • Réussir, c'est gagner beaucoup d'argent et avoir une belle voiture qu'on change souvent. Ici, c'est la combinaison du couple jalousie/orgueil d'une part et de la publicité d'autre part. Hyper puissant. Quasiment imbattable.
  • C'est important d'être bien habillé (et d'avoir des vêtements à la mode). Sur l'air de "t'es has-been, t'as les mêmes lunettes de soleil que l'année dernière !". Ca repose sur l'envie de plaire, d'avoir l'air riche, le besoin d'apparence, soutenu en bloc par l'industrie de la mode qui a tout intérêt à ce qu'on n'attende pas que les vêtements soient usés pour les changer.
  • J'ai gardé le plus tabou pour la fin : Il faut faire des enfants. Que les choses soient claires : j'ai deux enfants, je les adore, et je suis ravi de les avoir ! Mais voilà, dans notre société, il faut avoir des enfants. C'est la norme. Si possible plus de deux. Pourtant, avoir un enfant de moins est 20 plus efficace pour réduire les gaz à effet de serre que toute une vie à utiliser des ampoules basse consommation ou un véhicule hybride. Et on a le tabou ultime, car on combat la parole divine, via le premier livre de la genèse, "Croissez et multipliez", reprise par le Pape Jean-Paul II.

Pour être franc, j'ai un peu honte d'écrire un pareil billet. Dire au gens qu'il faut limiter le nombre d'enfant, c'est carrément "contre-nature" (si j'ose écrire). C'est tabou.

De même, critiquer la croissance, c'est s'assurer qu'on va passer pour un odieux gauchiste, un révolutionaire, un rebelle, un aigri, un "mec qui n'a rien compris", un raté qui tente d'imaginer une société dont les règles lui seraient plus favorables que celle dans laquelle il est perçu comme un loser.

J'ai même l'impression que le statut tabou de ces valeurs est bien pratique pour disqualifier ceux qui questionnent. Ca permet facilement de nier l'importance de ces questions, comme si la société avait mis en place des barrières pour qu'on évite de remettre en cause ses fondements.

Dans l'esprit participatif de ce blog, j'ai quelques questions pour toi, cher lecteur :

  • As-tu noté d'autres valeurs qui nous sont transmises et qui nous empêchent d'être écologiquement responsables ?
  • Où et comment ces valeurs nous sont transmises ? J'ai cité "nos parents, la religion, l'école, l'entreprise, la télévision et la publicité". En connais-tu d'autres ?

Merci de laisser vos réponses dans les commentaires ci-dessous.

Mise à jour :

Après discussion et réflexion sur le dernier tabou, celui de la natalité, il est apparu que le facteur premier est tout simplement biologique. La priorité première pour un individu d'à peu près toutes les races – y compris animales et végétales – c'est d'assurer la reproduction de l'espèce. Après, les religions, l'école & co ne font que reprendre ce thème pour le renforcer. C'est pour cela qu'il est si tabou : il revient à nier notre essence biologique même.

mardi 4 août 2009

Co-création : comment ça marche, et qui profite ?

Un gentil lecteur m'a envoyé un article dont le titre était prometteur : Co-création : les nouvelles règles du jeu. Il a été écrit par deux experts qui veulent proposer leurs services dans le domaine (ce qui est déjà limite d'un point de vue déontologique), j'ai trouvé le contenu creux, alors que le sujet est formidablement intéressant.

J'ai laissé un commentaire, mais il n'est toujours pas publié plusieurs heures plus tard. Heureusement, j'ai eu la bonne idée de faire un copier-coller pour éviter qu'il ne se perde !

Voici le contenu de mes réflexions :

Votre article m'a laissé un peu sur ma faim...

La co-création existe bien dans l'Open Source / Logiciel Libre depuis toujours, mais certains cadres sont plus efficaces que d'autres. Chez Mozilla par exemple (où je travaille), la co-création est une réalité depuis 10 ans, et nous travaillons d'arrache-pied à améliorer le système, pour aider les gens à participer et à inventer le futur qu'ils veulent voir exister. Un des fondements de notre approche, c'est que le résultat du travail (en l'occurence du code) appartient à tous grâce à l'utilisation de licences Libres type GPL (ça évite la crainte de se "faire plumer" comme l'explique le 1er commentaire).

Par ailleurs, vous écrivez en conclusion "Les miracles n’existent pas plus sur le web que dans le monde off-line." C'est vrai, et pourtant, il y a une différence fondamentale – presque miraculeuse – qui fait que dans le monde virtuel, quand on partage, on multiplie, alors que dans le monde réel, on divise. On invente une fois, et le résultat peut être utilisé par tous. L'arrivée d'un nouvel utilisateur ne prive pas les précédents de l'invention.

Finalement, avec le recul, je constate qu'on touche aux limites de la co-création si on essaye de faire rentrer le concept dans le moule habituel de l'économie de marché. Du coup, on se demande qui et comment on va récupérer la valeur commerciale de ce qui est co-inventé. On se demande comment rafler l'invention pour la vendre au plus grand nombre. Evidemment, ça pose des problèmes éthiques, et ça rend les contributeurs potentiels méfiants.

Chez Mozilla, on fait de la co-création au quotidien. Le système fonctionne bien, mais on s'assure qu'il continue de s'améliorer en permanence. Voici quelques pistes sur lesquelles on travaille :

  • Le résultat du travail est réutilisable par tous. On ne cherche pas à "rafler la valeur créée". Pour ça, on a les licences Libres (le code de Firefox est sous triple licence MPL/GPL/LGPL).
  • On s'efforce d'abaisser les barrières à l'entrée (pas besoin d'un type d'ordinateur spécifique, un éditeur de texte suffit avec une connexion Internet). On travaille aussi à réduire les compétences nécessaires pour participer (par exemple Jetpack) et on cherche à toucher plus de gens, par exemple avec Personas, sur des aspects graphiques ou encore Creative Collective.
  • L'organisation est à but non-lucratif (et l'argent qui est généré sert à alimenter la viabilité du projet et assurer son indépendance)
  • Le projet auquel on s'attelle est énorme et utile à plus d'un milliard d'individus sur la planète. On fait un navigateur Web qui est actuellement utilisé par plus de 300 millions de personnes. C'est d'autant plus important que le navigateur est l'interface entre les individus et leur vie en ligne.
  • Le projet a un certain nombre de valeurs qui le font sortir du lot – explicitement définies dans le Mozilla Manifesto, et le navigateur Firefox n'est qu'un outil qui reflète notre vision et nous aide à l'accomplir.

Je n'ai pas l'intention de donner des leçons en terme de co-création, car il y a plein de choses qu'on doit encore améliorer et repenser, mais je voulais juste partager quelques éléments de réponse provenant de notre expérience chez Mozilla, sans aucune prétention.

En vrac