Je suis tombé ce matin sur un article de Robert X Cringely, qui fait une longue et intéressante analyse des relations entre Microsoft et IBM : Between an xBox and a Hard Place.

Au milieu de cela, on trouve un joyau qui devrait faire réfléchir sur les enjeux colossaux des brevets logiciels :

Microsoft, ces derniers temps, est en train de signer des accords croisés de brevets logiciels avec ses principaux partenaires OEM [les fabricants d'ordinateurs]. Cela fait partie d'une nouvelle concentration de propriété intellectuelle dans le cadre de laquelle Microsoft fait breveter tout ce à qu'il trouve et tout ce que d'autres sociétés ont trouvé bien avant. En faisant ces accords croisés, Microsoft accède gratuitement tous les trucs sympas de ses OEM tout en se donnant les moyens d'attaquer les concurrents plus petits par le biais de la propriété intellectuelle [comprendre : les brevets logiciels]. En effet, Microsoft est persuadé que si quelqu'un devait arriver à éliminer Microsoft, ça serait une start-up. En cette période de Noël, il faut voir Gates et Ballmer comme étant en train de se comporter comme le roi Hérode, qui a ordonné à ses troupes de tuer tous les enfants males agés de moins de 3 ans.

(Pour ceux que cela intéresse et qui, comme moi, ont séché le cathé plus souvent qu'à leur tour, se reporter à l'évangile selon Saint Matthieu pour mieux comprendre le contexte "historique".)

Mais fi de la Bible : on voit bien là comment les brevets logiciels en Europe s'inscrivent dans la stratégie de Microsoft (et d'autres éditeurs de logiciels propriétaires très souvent américains). Notons qu'ils ne sont pas les seuls dans ce cas : ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit.

Il faudrait aussi aborder un sujet d'importance, qui est la motivation même de l'organisme au coeur du problème : l'Office Européen des Brevets, organisme qui n'a rien à voir avec l'Union Européenne et qui vit de ce qu'il facture pour le dépot et la recherche de brevets. Seulement voilà, on apprend dans le Facts and Figure booklet de 2004 (format PDF, page 8, en haut à gauche), que le dépôt de brevets a brusquement atteint un inquiétant plateau en 2001 suite à une période de très forte croissance, ce qui est sûrement très préoccupant pour la trésorerie de l'organisme. Je fais là une simple supposition : et si, pour l'Office Européen des Brevets, les brevets logiciels étaient le ballon d'oxygène qui permettrait de renouer avec la sacro-sainte croissance ?

Enfin, il ne faudrait pas oublier, dans notre série à qui profite le crime ?, les cabinets juridiques basés en Europe et spécialisés dans la propriété intellectuelle. Avec les brevets logiciels, c'est un marché fabuleux qui s'ouvre à eux, et les cabinets ont les yeux rivés sur cette manne ! Rappelons qu'aux USA, les frais juridiques ont explosé et représentent maintenant un marché de 4 milliards de dollars rien que pour les brevets logiciels ! Peu importe les dégats que cela peut causer à ce qu'il reste de l'industrie informatique européenne ou encore à l'indépendance technologique du vieux continent : l'argent n'a pas d'odeur.