J'ai trouvé dans un excellent article de Charles Népote une question que je me suis déjà posé : "sommes nous condamnés à faire le jour (pour le boulot) ce qu'on va redouter la nuit (pour le futur de nos enfants) ?".

J'aime cette notion de "Syndrome de Pénélope", qui exprime l'opposition entre le travail qu'on fait le jour et nos intérêts en tant qu'humain, citoyens et parents. Le problème c'est que le syndrome de Pénélope ne concerne pas que les revendeurs de drogue, mais un nombre impressionnant de gens. En particulier, chacun d'entre nous, en tant que professionnel, a intérêt à avoir une croissance la plus forte possible, dans la mesure où c'est bénéfique pour son entreprise, et donc son emploi. A l'inverse, chacun de nous en tant que citoyen, en tant qu'habitant de la Terre, en tant que parent qui souhaite laisser à ses enfants une planète avec un avenir décent, a intérêt à ce que notre société cesse de détruire le monde qui nous entoure en pillant les ressources naturelles, en polluant ces biens communs que sont l'air et l'eau, en ruinant l'équilibre de notre écosystème.

Le souci, c'est que le risque de perdre son boulot est un risque à court terme, bien plus que la destruction de la planète, qui est à plus long terme. Ces derniers temps, en France, on s'écharpe sur qui de Ségo, Bayrou, Sarko et Le Pen sera présent au second tour et deviendra président(e). On se demande qui va le mieux protéger nos emplois, le candidat de la protection sociale et des 35h ou celui du libéralisme ? En vérité, on ne pense qu'au court terme et pas au long terme. On pense à la fiche de paye, pas à l'avenir de la planète et à celui de nos enfants. Au final et à moyen terme, on n'aura ni l'un ni l'autre... Ou plutôt, on espère être dans la catégorie des Happy fews qui aura assez d'argent pour vivre correctement dans ce monde probablement chaotique issu du réchauffement climatique. On notera que ce sont les gens qui font le plus de mal à notre société qui sont les mieux payés : il vaut mieux être chercheur chez Monsanto pour faire des OGM que d'être prof en université. Même diplôme, grosse différence de salaire !

Si ma réflexion est juste, notre société va régresser, compte tenu de l'évolution qu'elle est en train de provoquer au coeur de notre environnement.

Cette situation me fait penser à celle des entreprises qui se savent condamnées à terme à cause d'un changement significatif sur le marché (la plupart du temps l'arrivée d'un concurrent exploitant une technologie innovante). Ces entreprises établies savent qu'elles n'ont pas d'avenir, mais tout les empêche de changer radicalement de direction, car ça serait trop dangereux pour elles (ou plus précisément pour chacun de leurs employés). Je pense par exemple aux maisons de disques face au P2P, ou aux éditeurs propriétaires face au logiciel Libre, ou AOL (époque 1995-2007) face au Web. Ce phénomène a été documenté en long et en large par Clayton Christiensen ces dix dernières années. La recommandation pour les entreprises menacées est de créer une filiale dont la mission est de tuer la maison mère en exploitant le marché émergeant basé sur la technologie perturbatrice. Cette recette est elle applicable, moyennant une adaptation, à la société de consommation dans laquelle nous vivons ?