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dimanche 18 janvier 2015

Flicage-brouillon - Avant-propos

Cela fait des mois, des années même, que le sujet du contrôle de nos données dans un monde connecté me titille, me démange. Autant de temps que j’ai passé à lire des articles sur les différents aspects du sujet pour le défricher, à accumuler du savoir, à rester parfois avec mes questionnements. A constater qu’autour de moi les gens ont un mal fou à comprendre ce que deviennent leurs données, tiraillés entre la paranoïa et l’impression de ne pouvoir rien y faire.

Bien sûr, je relaye sur mon blog des liens vers des articles sur ce sujet, encourageant d’autres geeks à lire sur ce sujet, à faire passer le message. J’ai lancé une série de rencontres et de conférences, les Meetups décentralisation du Net pour essayer de trouver collectivement des solutions au problème.

Mais j’ai envie d’aller plus loin quand je réalise que, même si je ne suis pas un grand intellectuel, j’ai une compréhension de l’informatique qui me permet d’appréhender le problème et, si j’en crois mes interlocuteurs, un petit talent pédagogique. C’est ainsi que m’est venue l’envie d’écrire un livre sur le contrôle des données et la vie privée en ligne. J’ai commencé à le faire. Mais il me manque la pression, le soutien et le retour qu’apportent les lecteurs d’un blog. Aussi, après avoir écrit près de la moitié du livre, j’ai besoin de cette énergie. J’ai donc décidé de publier un brouillon du livre ici, sur le Standblog, dans une série de billets, Flicage-brouillon[1], en espérant que l’interaction avec les lecteurs m’aidera à faire un meilleur travail pour l’apprenti écrivain que je suis.

Mais avant de commencer, il est important de préciser ce qu’est ce livre, et ce qu’il n’est pas.

Ce livre a pour vocation d’expliquer et de démystifier ce qui est fait de nos données sur Internet. J’essayerai d’y montrer pourquoi il est important que nous exercions un certain contrôle sur les données nous concernant et celles que nous fournissons volontairement. J’expliquerai comment nous avons perdu le contrôle sur nos données, et proposerai quelques pistes faciles à mettre en œuvre pour reprendre au moins partiellement ce contrôle, si nécessaire à mes yeux sur le long terme.

En terme d’audience, il est destiné au ‘’power-users’’, les ‘’geeks-mais-pas-trop’’ qui aiment l’informatique, qui sont souvent utilisés par leurs proches pour faire du support technique informatique (si c’est à vous que votre tante passe un coup de fil quand son Internet est cassé, ce livre vous est probablement destiné). Pourquoi eux ? Parce que ce sont les mêmes qui ont, il y a 10 ans, installé Firefox en masse sur les ordinateurs équipés d’Internet Explorer. En leur fournissant une info facile à comprendre, à reprendre, à expliquer, j’espère toucher une masse critique d’utilisateurs qui voudraient reprendre le contrôle de leurs données mais ne savent pas encore comment faire.

Par contre, ce livre n’est pas un manuel qui vous permettra d’agir de façon anonyme sur Internet ou de vous cacher d’un État dont la police secrète veut votre peau. Il existe d’excellents ouvrages pour ça, à commencer par le Guide d’autodéfense numérique, ou le livre de Martin Untersinger Anonymat sur Internet.

Sans plus attendre, je vous invite à lire le brouillon de ce livre au fur et à mesure de sa publication et à réagir en cas de contre-vérité (ou de faute de grammaire !).

Au delà de l’envie d’écrire ce livre, je ressens une véritable urgence à le faire. Je compte sur toi, cher lecteur, pour m’aider dans cette tâche !

Note

[1] En attendant que je trouve un meilleur titre pour la version définitive.

Flicage-brouillon - Introduction

Avez-vous déjà imaginé de renoncer à toute informatique pendant un mois ? Pas de mail, pas de PC, pas de smartphone, pas de Wifi ? Pendant un mois entier ? Ou même une semaine ?

Il suffit d’essayer d’imaginer cela pour comprendre à quel point l’informatique et l’Internet ont pris un rôle central dans nos vies. Nous utilisons ces outils pour nous tenir au courant de l’actualité, pour rester en contact avec nos proches même s’ils sont loin, pour nous distraire, pour vérifier la véracité d’une information sur Wikipédia (ou le copier/coller pour un devoir), pour savoir comment aller d’un point à un autre ou pour acheter en ligne.

Le temps où l’ordinateur était une affaire de spécialiste est maintenant bien loin, car l’informatique et Internet nous touchent, nous qui sommes équipés, au quotidien. Mieux : il y a quelques années encore, un ordinateur connecté à Internet était une grosse boite métallique avec un câble d’alimentation et un câble réseau. Aujourd’hui, Il y a de fortes chances, cher lecteur, que vous ayez dans votre poche un ordinateur au moins aussi puissant que ceux de l’époque, alimenté sur batteries et connecté sans fil à Internet. C’est un ordinateur, même si on appelle cela plutôt un smartphone.

L’informatique a changé radicalement ces trois dernières décennies, et son omniprésence a transformé le rapport que nous avons avec elle : elle est disponible alors que nous nous déplaçons, et nous avons accès à des ordinateurs et des volumes de données de tailles insoupçonnés il y a encore peu de temps. Je ne cesse de m’étonner d’avoir dans la poche une encyclopédie dans plusieurs langues, des cartes du monde entier, et un accès aux toutes dernières infos, parfois sur des sujets des plus pointus. Le progrès réalisé est formidable et les possibilités sans cesse croissantes continuent de m’émerveiller chaque jour. J’aime l’informatique, j’aime Internet, et j’aime ce qu’ils me permettent de faire.

Pourtant, il y a comme un malaise.

Récemment, j’ai eu une drôle d’impression en retrouvant sur de nombreux sites la photo d’un objet que j’avais envisagé d’acheter, comme si ce dernier me suivait. J’ai appris plus tard que c’était une technique de marketing appelée retargeting ou « reciblage publicitaire ». J’ai demandé à Wikipédia, qui m’a expliqué :

Le reciblage publicitaire (en anglais : behavioral retargeting, behavioral search retargeting ou simplement retargeting) consiste à afficher des messages publicitaires sous forme de bannières sur des sites internet après qu’un internaute a fait preuve d’un intérêt particulier pour un produit sur un autre site. Des sites tels que PriceMinister, les 3 Suisses et Amazon.com utilisent les reciblages publicitaires.

Ah, quel soulagement, je ne suis donc pas fou ! C’est mon ordinateur qui informe des sites marchands que j’ai déjà été intéressé par certains articles sur d’autres sites marchands… Tout d’un coup, je regarde mon ordinateur d’un œil méfiant.

Les choses se sont aggravées quand un beau jour mon téléphone m’a envoyé une alerte : « il est temps de partir pour l’événement ». Mon téléphone avait pris l’initiative de regarder dans mon agenda l’heure et le lieu de mon prochain rendez-vous :

Introduction_-_Google_Now_Agenda.png

Il a ensuite pris l’initiative, sans que je ne lui demande rien de se renseigner sur les horaires des métros et même du tarif des tickets de métro pour me dire qu’il fallait rentrer chez moi :

Introduction_-_Google_Now_Android.png

D’un coté c’est pratique, mais c’est aussi surprenant, et je n’ai pas le souvenir de lui avoir donné la permission de faire cela. J’ai effectué quelques recherches pour comprendre et j’ai entendu parler d’un service de Google appelé « Google Location Services » . J’ai cliqué sur le lien maps.google.com/locationhistory qu’on m’avait envoyé, et je suis tombé sur la carte suivante :

Introduction_-_Google_Location_history.png

Ce que l’on y voit tracé en rouge, ce sont mes déplacements (ici, pour la date du 2 décembre 2014). Mon téléphone, connecté à Google et doté d’un GPS, me piste au quotidien et envoie mes déplacements en permanence quelque part sur un ordinateur chez Google. Mon ordinateur et mon téléphone sont toujours avec moi, savent tout de moi et certains logiciels qu’ils embarquent remontent ces informations à des ordinateurs dont j’ignore tout. Je suis surveillé en permanence, aussi bien dans mon usage de l’Internet que celui de mon téléphone… sans avoir rien demandé ! Comme je le disais plus haut, je suis passionné d’Internet et d’informatique, mais je réalise que ce n’est plus moi qui contrôle mon ordinateur ni mon smartphone.

C’est ce que je voudrais explorer dans ce petit livre : Comment prendre le potentiel positif de l’informatique connectée sans tomber dans la surveillance de masse. Avoir le beurre… et l’argent du beurre. Ou plutôt, comment avoir le Nutella sans finir obèse à cause de l’huile de palme. Pour ça, je vous invite à lire cet ouvrage, que j’espère aussi instructif que facile à lire (d’autant qu’il est garanti sans matières grasses) !

lundi 19 janvier 2015

Flicage-brouillon - Partie 1 chapitre 1 - Est-il si grave de perdre le contrôle de son ordinateur et de son smartphone ?

On vient de le voir, mon smartphone laisse fuiter des données (par exemple mes déplacements) et mon ordinateur fait de même avec la liste des pages Web que je visite. Ces données sont envoyées à des sociétés que je ne connais pas forcément, et les logiciels que j’utilise font des choses que je ne comprends pas. Ça tombe bien, même moi qui suis diplômé en informatique, je n’ai guère envie de me plonger dans les entrailles des logiciels que j’utilise. En effet, ce qui est important pour moi comme pour l’immense majorité des gens, c’est de pouvoir utiliser mon ordinateur et mon smartphone, pas de les bricoler ! Bien souvent, on se fiche de savoir comment fonctionnent les choses. C’est comme ma voiture : je ne veux pas avoir à soulever le capot. Moins je le fais, mieux je me porte. D’autant que je n’ai pas de voiture !

Pourtant, je constate dans les sondages que la majorité des internautes s’inquiète de la vie privée en ligne :

Selon un sondage PEW sur les internautes américains :

  • 91% des internautes considèrent qu’ils ont perdu le contrôle sur la façon dont les entreprises collectent leurs données personnelles.
  • 80% des utilisateurs de réseaux sociaux se disent inquiets du fait ques des tiers, comme les annonceurs publicitaires ou des entreprises récupèrent les données qu’ils partagent sur ces sites.

Mozilla publiait récemment les résultats d’un sondage dans plusieurs pays du monde, dont la France. Il en ressortait que 74% des internautes considèrent que leurs informations sont moins protégées aujourd’hui qu’il y a un an. Le même pourcentage d’internautes adultes considère que les sociétés Internet en savent trop sur eux.

Clairement, il y a une forte inquiétude de nos contemporains quant au contrôle de nos données personnelles.

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