"Toute peine mérite salaire !" entend on souvent chez les opposants au logiciel Libre, qui laissent entendre que les contributeurs non-rémunérés se font arnaquer par les organisations qui mènent des projets Libres.

Je pense que ce genre d'affirmation et d'argument méritent d'être contrés. D'une part, et c'est variable suivant les projets, il y a des contributeurs payés par leur employeur pour travailler sur des projets Libres. C'est par exemple le cas de Gandi.net, qui emploie Olivier Meunier en tant que principal développeur de DotClear. Cela leur permet d'offrir Gandi Blog (probablement la meilleure offre payante du marché à mon sens). Mais au départ, qu'est-ce qui a poussé Olivier à faire DotClear ? Il faudrait lui demander, mais je ne pense pas rêveler un secret en disant qu'il voulait un outil de bonne qualité pour publier un blog, et qu'il n'en a trouvé aucun qui correspondait à ses besoins. Sur son temps libre, il a donc commencé à écrire DotClear. Pour lui.

Il en est de même pour ceux qui signalent ou corrigent des bogues dans Firefox : certains le font pour s'amuser, d'autres parce qu'ils ont bien compris que ça permettrait d'avoir un meilleur navigateur à terme. Tous ces gens ont un comportement égoïste, dans le bon sens du terme : ils s'y retrouvent quand ils contribuent. Bien sûr, il n'est pas question d'argent ici. Ils sont en quelque sorte payés "en nature", que ce soit en retirant du plaisir de cette "transaction" qui n'est pas financière, ou en bénéficiant d'un meilleur logiciel.

Bien sûr, de nombreuses entreprises payent des employés pour qu'ils contribuent à un projet Libre. Lire à ce sujet qui a écrit la version 2.6.20 du Kernel Linux ?

Il y a des tas de domaines où des transactions non-marchandes se font dans la vie de tous les jours. Il y a dans le monde rural américain une tradition du Barn Raising, où les paysans d'un village aident à construire une grange pour un nouveau venu, gratuitement, ayant bénéficié de la même faveur par le passé. Cette mutualisation des efforts existe aussi dans le monde en ligne, sous le même nom.

Aussi, si on trolle sur le sujet en lançant que les Libristes sont des escrocs (ou se font escroquer), sous prétexte que "toute peine mérite salaire", alors vous pourrez rétorquer que "charité bien ordonnée commence par soi même" : si quelqu'un participe à un projet Libre, c'est qu'il y trouve son compte, même si c'est sous une forme non-marchande, en tant que plaisir de s'adonner à un passe temps, considération, réputation, fierté d'avoir fait quelque chose d'utile, intérêt d'avoir un logiciel de meilleure qualité, parce que son patron lui a demandé, ou tout simplement parce que c'était la chose juste...

Mise à jour : j'ouvre les commentaires sur ce sujet. David a déjà une idée sur la question. Je crois qu'il est difficile d'expliquer exactement pourquoi chacun contribue, car c'est un mélange de facteurs. Mais ce qui est certain, c'est que chacun y trouve son compte, même si justement, ce "compte" ne peut pas toujours s'exprimer sous forme d'espèces sonnantes et trébuchantes, donc facilement quantifiable. Mais qu'importe ! Je ne crois pas que les choses importantes dans la vie sont quantifiables :

  • Ma petite Philippine qui dort quand je viens l'embrasser le soir,
  • Robin qui m'impressionne avec son savoir,
  • le sourire complice de Bénédicte,
  • Les retrouvailles avec ma famille après une période sans se voir,
  • Une promenade en moto par une belle journée,
  • Une belle lumière sur un paysage, capturée par mon appareil photo,
  • Le plaisir de faire un barbecue pour mes amis au bord de la mer, leurs rires que j'entends de loin, alors que les maquereaux cuisent...

... tout cela, comme dit la pub, est priceless. Ca n'a pas de prix. Et c'est très bien comme ça.